Détecter le degré de conscience avec des machines, des sons et… des clowns

Crédit : Catherine Desautels

En 5 secondes

Un projet novateur propose de transformer l’électricité du cerveau en musique pour mieux évaluer le degré d’éveil de personnes vivant avec un trouble de la conscience.

Que ce soit en raison d’une blessure comme un traumatisme crânien ou d’un problème de santé comme une tumeur cérébrale, un nombre croissant d’individus sont plongés dans des états de conscience altérée qui les rendent peu ou pas communicatifs.

Évaluer le degré de conscience de ces personnes qui se trouvent dans le coma ou qui sont atteintes d’un syndrome d’éveil non répondant reste un défi majeur et essentiel pour les décisions de soins.

Afin de détecter et d’augmenter les expressions de la conscience chez les personnes peu communicantes, une équipe de recherche montréalaise a conçu un nouveau protocole qui combine trois éléments: l’électroencéphalographie (EEG), les sons et les clowns thérapeutiques.

Un assemblage au confluent de l’art et de la science

Francis Bernard

Francis Bernard

Crédit : Courtoisie

Intitulé Resonance, ce projet explore en trois composantes une nouvelle forme d’interaction avec des personnes peu communicantes. D’abord, des clowns thérapeutiques ont pour tâche de susciter des réactions chez le patient grâce à une improvisation multisensorielle. Ensuite, un électroencéphalographe mesure les signaux électriques produits par le cerveau. Finalement, ces données – qui renseignent sur l’état de la conscience – sont extraites et envoyées à un générateur de sons. 

Plus précisément, sept caractéristiques de l’EEG – soit sept façons dont les neurones communiquent entre eux – ont été associées à une identité et un rôle musicaux spécifiques. Par exemple, la connectivité fonctionnelle frontopariétale est représentée par des sonorités de la famille des bois, qui deviennent plus fortes lorsque le signal augmente et plus faibles lorsqu’il diminue. Ou encore, les rapports entre les ondes alpha et thêta produisent des sons de piano et de harpe, tandis que ceux entre les ondes bêta et alpha créent des sons de synthétiseur. 

Ainsi, un auditeur peut soit se concentrer sur un aspect précis de la «musique» pour discerner l’état d’une seule caractéristique de l’EEG, soit constater l’état général du cerveau en écoutant l’ensemble du «paysage sonore».  

«C’est une approche très humaine, voire artistique, dans laquelle on convertit l’électricité du cerveau en sons, et cette musique change au rythme des fluctuations de l’état de conscience», explique le Dr Francis Bernard, professeur de clinique au Département de médecine de l’Université de Montréal et neuro-intensiviste à l’Hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal, qui a travaillé sur le projet Resonance. 

Une manifestation tangible pour mieux intervenir

Les sons de Resonance sont d’abord conçus pour améliorer l’interaction entre les personnes peu communicantes et leurs soignants dans une optique d’optimisation des soins. «Même dans des états autrefois appelés végétatifs, il y a des reprises de conscience sans que le patient manifeste de signes d’éveil. En quantifiant ces moments, on peut alors orienter les soins et cibler les patients qui ont un potentiel de récupération ou qui sont des sujets pertinents pour des études cliniques», précise le spécialiste des soins intensifs neurologiques. 

Si ces informations peuvent ainsi guider les familles dans les décisions à venir (arrêt des soins par exemple), elles les renseignent aussi sur les moments d’éveil de leur proche. 

«Souvent, les familles disent “Je sens qu’il est plus présent”, témoigne le Dr Bernard. Avec cette technique, on peut rendre réelle cette perception, puisque le degré de conscience devient audible. On peut alors connaître quel est le meilleur moment pour interagir avec l'être cher et ainsi avoir un contact plus significatif, sachant que parfois le cerveau ne s’allume que quelques minutes par jour.»  

Pour l’instant, cette approche a seulement été testée auprès de deux patients averbaux ayant subi des lésions cérébrales graves. Cette étude préliminaire a montré qu’une interaction et une réaction appropriées peuvent augmenter le degré de conscience d’un patient qui ne réagit pas. Des recherches cliniques devront être menées pour vérifier son efficacité dans le rétablissement des patients.  

«Le potentiel est énorme. C’est une façon novatrice de démocratiser et d’humaniser les soins, d’autant plus qu’elle peut se faire à domicile», s’enthousiasme le professeur. 

En savoir plus

Pour plus d'information sur le projet Resonance, cliquez ici.

Le projet a été réalisé en collaboration avec Stefanie Blain-Moraes, professeure à l'Université McGill, et Florence Vinit, professeure à l'Université du Québec à Montréal.

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