Des chercheurs de l'UdeM révolutionnent la cartographie des forêts tropicales

À gauche: section d’imagerie par drone obtenue pendant la finale de la compétition XPRIZE Rainforest, tenue dans la forêt amazonienne du Brésil en juillet 2024. À droite: même image, mais avec les segmentations et classifications d’arbres (couleur différente de couronne) obtenues automatiquement à l’aide de la solution d’intelligence artificielle imaginée par l’équipe.

À gauche: section d’imagerie par drone obtenue pendant la finale de la compétition XPRIZE Rainforest, tenue dans la forêt amazonienne du Brésil en juillet 2024. À droite: même image, mais avec les segmentations et classifications d’arbres (couleur différente de couronne) obtenues automatiquement à l’aide de la solution d’intelligence artificielle imaginée par l’équipe.

Crédit : Courtoisie

En 5 secondes

Dans un projet qu’il dirige et qui est soutenu par IVADO, un groupe de l’Université de Montréal utilise des drones et l'IA pour cartographier et analyser la biodiversité des forêts tropicales.

Les travaux de recherche de professeurs et professeures de l’Université de Montréal et de Polytechnique Montréal, soutenus par IVADO – l’institut de recherche et de transfert en intelligence artificielle –, ont contribué à la victoire de l’équipe Limelight Rainforest à la compétition internationale XPRIZE Rainforest, tenue au Brésil en juillet dernier.

Pour cette compétition, le groupe de travail agissant au sein de l’équipe Limelight Rainforest et mené par Etienne Laliberté, chercheur principal du projet et professeur au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, a mis au point une méthode révolutionnaire pour identifier et cartographier les arbres de la canopée sur de vastes zones forestières de manière rapide et précise.

Financé par IVADO, ce projet novateur a notamment permis à l’équipe de recherche de concevoir de nouveaux algorithmes pour cartographier les espèces végétales et leurs signatures phénologiques en s’appuyant sur les plus récents développements en matière de vision par ordinateur et d’apprentissage profond.

Les drones et l’IA pour cartographier la canopée

Étienne Laliberté

Etienne Laliberté

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

La solution de cartographie élaborée par le groupe de travail repose sur l'utilisation de drones équipés de caméras haute résolution pour capter des images détaillées de la canopée. Ces images sont ensuite traitées par une série d'algorithmes spécialement conçus pour la compétition XPRIZE Rainforest: ils permettent de détecter, segmenter les couronnes et classifier les arbres formant la strate supérieure de la canopée.

«Participer à la compétition XPRIZE Rainforest nous a permis de repousser les limites de l'intelligence artificielle [IA] appliquée au suivi de la biodiversité tropicale, explique Etienne Laliberté. Notre technologie permet de cartographier 100 hectares de forêt tropicale en quelques heures seulement, un exploit qui serait impossible à réaliser avec les méthodes traditionnelles d’inventaire de terrain à pied, qui sont des milliers de fois plus lentes.»

L’expertise de ce groupe de travail sur la cartographie des arbres par drones et IA, combinée avec celle d’une équipe multidisciplinaire composée d'écologistes, de scientifiques autochtones et de taxonomistes, a permis à l’équipe Limelight Rainforest d’identifier lors de la phase finale du concours plus de 250 espèces et 700 taxons uniques dans les règnes animal et végétal à partir des observations enregistrées en seulement 24 heures. L’équipe a ainsi constaté que l'ensemble des arbres observés dans la zone test de 100 hectares stockaient plus de 3000 tonnes de carbone dans leurs tiges et leurs branches.

Une technologie innovante au service de la conservation des forêts tropicales

Cette avancée technologique ouvre des perspectives prometteuses pour préserver les forêts tropicales, des écosystèmes essentiels à la régulation du climat mondial et au maintien de la biodiversité. En effet, l’utilisation conjointe de l’IA et des prises de vue par drones permet non seulement de cartographier rapidement la biodiversité en identifiant les espèces d’arbres sur de vastes territoires en un temps record, mais également de suivre les changements écologiques par la détection des variations dans la composition des espèces au fil du temps.

Sa portée large et la rapidité d’exécution qu’elle offre sont ainsi des éléments précieux pour promouvoir une gestion durable des forêts, puisqu’il est possible d’obtenir des données précises qui facilitent la planification de la conservation, la restauration et la gestion des ressources forestières.

«Grâce à cette innovation, nous pouvons mieux comprendre et protéger les forêts tropicales, essentielles pour la régulation du climat mondial», déclare Hugo Baudchon, co-auteur de l’étude et architecte principal de la solution informatique développée en tant qu’employé de l’Université de Montréal, et présentement étudiant à la maîtrise au Département d’informatique et de recherche opérationnelle de l’Université de Montréal sous la supervision de Christopher Pal.

Rendre la protection des ressources forestières accessible et adaptable

Le projet Limelight Rainforest s'inscrit dans un effort global pour améliorer la compréhension des écosystèmes forestiers tropicaux. «Les forêts tropicales abritent une biodiversité incroyable, mais nous la connaissons encore relativement peu, rappelle Etienne Laliberté. Notre technologie va nous aider à combler ces lacunes et à promouvoir la conservation.»

Mais l'incidence de ce projet ne s’arrête pas là: l’un des objectifs clés était de proposer une solution accessible, utilisable avec du matériel grand public et des logiciels libres. «Nous avons conçu notre technologie pour qu'elle puisse être adoptée par les groupes de recherche, les gestionnaires forestiers et les communautés locales à travers le monde», souligne Antoine Caron-Guay, professionnel de recherche dans l’équipe d’Etienne Laliberté et pilote de drone durant la compétition.

«Ce projet démontre l'engagement d'IVADO à soutenir des recherches de pointe ayant un effet tangible sur certains des plus grands défis mondiaux. Et ce n’est qu’un début, souligne Luc Vinet, directeur général d’IVADO. Ce qui rend ce projet encore plus remarquable, c’est son accessibilité, ouvrant des perspectives immenses tant en milieu tropical qu’ailleurs.»

Du reste, Etienne Laliberté se rendra en Équateur au début de l’année 2025 pour former des travailleurs et travailleuses autochtones en Amazonie qui souhaitent utiliser cette technologie pour cartographier les arbres tropicaux et offrir leurs propres services de suivis rapides de biodiversité.