S’adapter à 13 heures de décalage: le défi de l’équipe canadienne de patinage de vitesse
- UdeMNouvelles
Le 9 février 2025
- Martin LaSalle

Nos patineuses et patineurs de vitesse peuvent s'adapter à un décalage de 13 heures en cinq jours seulement. C’est deux fois plus rapide que la théorie classique voulant qu'il faut de une demi-journée à une journée complète de récupération par fuseau horaire.
Crédit : Greg Kolz, Speed Skating Canada 2022Des chercheurs ont analysé la façon dont les membres de l’équipe canadienne de patinage de vitesse courte piste se sont adaptés aux grands décalages horaires lors de compétitions en Asie.
Une étude menée auprès des membres de l'équipe canadienne de patinage de vitesse sur courte piste montre que les athlètes peuvent s'adapter à un décalage horaire de 13 heures en cinq jours seulement. C’est deux fois plus rapide que la théorie classique selon laquelle il faut de une demi-journée à une journée complète de récupération par fuseau horaire.
C’est ce que met en lumière le chercheur postdoctoral Giorgio Varesco, du Centre d'études avancées en médecine du sommeil (CEAMS) de l'Université de Montréal, dans un article publié dans la revue Experimental Physiology, cosigné par les responsables du projet Guido Simonelli, du CEAMS, et François Bieuzen, de l'Institut national du sport du Québec.
L’objectif du projet de recherche était d’étudier comment optimiser l'adaptation des athlètes lors de déplacements intercontinentaux.
Pour ce faire, l’équipe de recherche a analysé les données recueillies auprès de 19 membres de l’équipe canadienne de patinage de vitesse sur courte piste lors de compétitions en Asie en 2017 et 2019.
Parmi les athlètes, huit étaient médaillés olympiques et cinq avaient gagné des médailles aux championnats du monde, dont Charles Hamelin, Marianne St-Gelais, Kim Boutin et Samuel Girard.
Une montre pour capter les données
Chaque athlète a accepté de porter une montre spécialisée qui a enregistré en continu ses mouvements et ses cycles de sommeil au cours des cinq jours précédant le départ pour établir ses valeurs de référence, puis pendant les jours de voyage et les 10 à 13 journées sur place, incluant quatre jours de compétition.
Chaque appareil mesurait précisément la durée et l'efficacité du sommeil ainsi que les niveaux d'activité physique, dont les séances d’entraînement et les courses.
La performance physique des athlètes durant les entraînements était mesurée lors de sauts en contremouvement, un indicateur fiable de la puissance musculaire. Les athlètes notaient aussi leur perception de l'effort pendant les entraînements sur une échelle de 1 à 10.
Une récupération rapide et mesurable
«Ces voyages posent deux défis aux athlètes, indique Giorgio Varesco. Il y a d'abord la fatigue du voyage, puis vient le décalage horaire, qui désynchronise l’horloge interne, puisque le corps reste calé sur son fuseau horaire d'origine.»
Ainsi, les données recueillies au cours des entraînements ont permis de constater que, chez ces athlètes, la fatigue du voyage a disparu en un ou deux jours. Et, en ce qui a trait au décalage horaire de 13 heures, il ne leur a fallu que cinq jours pour s’adapter à leur nouvel environnement, «ce qui contredit la théorie classique de la demi-journée ou de la journée complète d'adaptation par fuseau horaire traversé», souligne le chercheur.
Il faut dire que les patineurs et les patineuses avaient un horaire de sommeil libre dès leur arrivée à destination. Les données collectées ont montré qu’en général ils se couchaient vers 20 h et se levaient vers 6 h.
Chaque jour, sans avoir reçu d’instructions particulières, les athlètes décalaient leur horaire de coucher et leur horaire de lever. «Quotidiennement, leur temps de sommeil augmentait d'environ neuf minutes et, après cinq jours, ils avaient récupéré près d'une heure, précise Giorgio Varesco. Plus surprenant encore, la qualité de leur sommeil s'est améliorée pendant leur séjour en Asie, avec une efficacité supérieure à celle mesurée à Montréal.»
L'entraînement comme régulateur biologique

Chaque jour, les athlètes décalaient leur horaire de coucher et leur horaire de lever. Si bien que leur temps de sommeil augmentait d'environ neuf minutes par nuit et, après cinq jours, ils avaient récupéré près d'une heure tout en améliorant la qualité de leur sommeil.
Crédit : Greg Kolz, Speed Skating Canada 2022Les données ont révélé que les athlètes maintenaient leur pic d'activité en début d'après-midi, passant progressivement de 19 h à 13 h (heure locale) au cours des premiers jours.
Pendant leur séjour, l'activité spontanée et la charge d'entraînement étaient réduites de 15 % par rapport à leur routine habituelle. Cette réduction volontaire n'a pas nui aux performances. Au contraire, les tests de saut ont montré une amélioration continue, où les résultats normaux à l'arrivée étaient supérieurs aux valeurs de référence après quelques jours.
«L'activité physique comme la lumière, les interactions sociales et l'alimentation jouent un rôle crucial dans l'adaptation», insiste Giorgio Varesco.
Des conseils mis en pratique et des résultats à l’avenant
Les résultats de cette recherche ont été communiqués à l’équipe canadienne de patinage de vitesse sur courte piste, qui a appliqué dès le début de la saison 2024-2025 les recommandations formulées.
«Pour les récentes compétitions en Corée du Sud et en Chine, nous avons recommandé de programmer les entraînements en fin de matinée ou en début d'après-midi, explique Giorgio Varesco. Nous avons aussi conseillé aux athlètes de se coucher un peu plus tard, soit vers 21 h ou 22 h.»
Les chercheurs ont également fourni des indications précises quant à l'exposition à la lumière et aux interactions sociales. Par exemple, ils conseillent d'éviter les siestes une heure avant l’heure prévue du coucher pour faciliter l'adaptation au nouveau rythme.
Et la stratégie semble efficace: l'équipe canadienne est revenue de la Corée du Sud, qui accueillait une étape du Circuit mondial de courte piste en décembre, avec cinq médailles d’or et deux d’argent.
«Les athlètes portaient tous une montre qui nous fournira de nouvelles données à analyser, mais les résultats sportifs sont très encourageants», affirme Giorgio Varesco.
La même équipe de recherche prévoit d’ailleurs étendre ses investigations à d'autres disciplines sportives, notamment celles comportant des efforts continus prolongés, pour confirmer la possible généralisation de ces résultats.
«Ces travaux futurs permettraient d'affiner encore davantage notre compréhension de l'adaptation des athlètes au décalage horaire et d'optimiser les stratégies de préparation aux compétitions internationales», conclut-il.
À propos de cette étude
L’article «The impact of long-haul travel and 13 h time change on sleep and rest activity circadian rhythm in speed skaters during World Cup competitions», par Giorgio Varesco, Chun W. Yao, Evelyne Dubé, Guido Simonelli et François Bieuzen, a été publié le 1er novembre 2024 dans la revue Experimental Physiology.