Une carte alternative du métro pour reconnaître l’apport des femmes
- UdeMNouvelles
Le 7 mars 2025
- François Guérard
Après New York, Londres et Barcelone, Montréal possède maintenant sa carte alternative du métro qui rend hommage à des femmes remarquables qui ont contribué à son développement.
«Prochaine station: Gabrielle-Roy» Et si l’on renommait les stations du métro de Montréal en hommage aux femmes qui ont façonné la ville? On pourrait alors imaginer le nom de la célèbre écrivaine résonner aux portes de Saint-Henri, quartier qu’elle a immortalisé dans Bonheur d’occasion. Les noms d’Irma LeVasseur et de Justine Lacoste-Beaubien s’imposeraient naturellement pour la station la plus proche du CHU Sainte-Justine, qu’elles ont fondé. Et des milliers de personnes pourraient transiter chaque jour entre les lignes orange et bleue par la station Lhasa-De Sela, nommée en l’honneur de l’artiste de musique du monde dont le décès prématuré avait bouleversé le Québec en 2010.
Lancée à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la carte alternative du métro Montréal, ville de femmes invite le public à découvrir ou redécouvrir des figures marquantes de notre histoire et de notre société, parfois de grandes oubliées de notre toponymie.
«Prenez Yvonne Maisonneuve, fondatrice de l’organisme Le Chaînon. Elle a voué sa vie à la cause des femmes en situation de vulnérabilité sans jamais obtenir de reconnaissance à la hauteur de son engagement. Nous voulions offrir une place de choix à ces pionnières de l’ombre», explique l’autrice et chercheuse Chantal Ringuet, qui a pris l’initiative de ce projet de recherche-création avec l’appui de l’Université de Montréal et en collaboration avec la Société de transport de Montréal (STM). Pour la chercheuse, qui travaille depuis plusieurs années sur la mémoire, la littérature des femmes et la culture montréalaise, ce projet est un appel à revisiter la ville et son histoire.
«Lorsque Chantal Ringuet nous a présenté cette idée, nous n’avons pas hésité à lui offrir le soutien de l’Université. En plus d’être hautement pertinent dans un contexte où les droits des femmes reculent dans plusieurs régions du monde, ce projet s’inscrit pleinement dans notre mission de diffusion des connaissances et de promotion du bien commun», souligne Jean‑François Gaudreault‑DesBiens, vice‑recteur à la planification et à la communication stratégiques.
Montréal, ville de femmes s’inscrit en continuité de la carte alternative du métro New York: City of Women, conçue par l’autrice Rebecca Solnit et le géographe Joshua Jelly-Schapiro. L’initiative avait marqué les esprits en 2016 et avait depuis été reprise à Londres et à Barcelone. «Montréal devient ainsi la première ville francophone à se doter d’une telle carte», se réjouit Jean‑François Gaudreault‑DesBiens.
«Même s’il ne s’agit pas de modifier réellement les noms des stations, la STM devait absolument adhérer au projet, comme l’ont fait les sociétés de transport des autres villes», ajoute-t-il, précisant que l’organisation montréalaise a répondu avec enthousiasme à l’invitation.
Un travail de sélection délicat
Le plus grand défi dans l’attribution des stations a été la taille relativement modeste du réseau montréalais, indique Chantal Ringuet. «Le métro de Montréal ne compte que 68 stations. À New York, dans le projet original, il y en avait 472 à nommer!» mentionne‑t‑elle.
Six membres de la communauté universitaire l’ont accompagnée dans la sélection des figures féminines: la professeure et historienne des femmes Denyse Baillargeon, la professeure de philosophie Ryoa Chung, la doyenne de la Faculté de musique Nathalie Fernando, la vice-rectrice associée aux relations avec les Premiers Peuples Annie Pullen Sansfaçon, la diplômée en muséologie Estelle Brunet ainsi que la diplômée de l'UdeM et animatrice Sophie Fouron.
Au fil des rencontres, ce comité consultatif a privilégié des personnalités issues de divers milieux: scientifique, littéraire, artistique et militant. Les personnalités choisies pouvaient être vivantes, mais devaient avoir marqué durablement Montréal. «Nous voulions une carte rassembleuse. Afin de relier le passé, le présent et le futur, nous avons dû établir des critères rigoureux pour assurer un équilibre entre les générations, les domaines et les communautés», précise Chantal Ringuet.
«Vous remarquerez que certaines figures fondatrices de notre histoire, comme Jeanne Mance, sont absentes, poursuit-elle. Nous avons choisi de débuter en 1831, année de l’incorporation de Montréal, soit le moment où la ville devient une entité juridique. C’est une époque plus proche de la nôtre, elle s’ouvre bientôt sur la modernité et de nouvelles occasions d’émancipation pour les femmes.»
Le comité a aussi veillé à mettre en lumière des femmes issues de groupes historiquement marginalisés. Les stations La Bolduc et Pauline-Julien côtoient ainsi celles qui sont attribuées à la pédiatre-hématologue d’origine haïtienne Yvette Bonny, à la militante autochtone Mary Two‑Axe Early ou encore à Marie‑Marcelle Godbout, pionnière de la défense des droits des personnes trans au Québec.
Des produits dérivés
En plus d’être accessible sur le site Web Montréal, ville de femmes, la carte alternative du métro a été imprimée sous forme d’affiches, de cahiers de notes, de cartes postales et de sacs fourre‑tout. On peut se procurer ces articles en ligne ainsi que dans quelques points de vente: les librairies de l’UdeM, la boutique du Centre canadien d’architecture, Buk & Nola, Affiche en tête, Bref, Articho, Jamais assez et ESPACE FLO. Les profits, le cas échéant, seront utilisés pour créer des bourses attribuées à de nouvelles étudiantes de l’UdeM.
Le vice-recteur et l’idéatrice du projet espèrent que le public s’appropriera cette carte. «J’aimerais qu’elle devienne un outil vivant. On pourrait l’utiliser, par exemple, dans les cours d’histoire ou de culture et citoyenneté québécoise au secondaire pour faire découvrir ces femmes inspirantes et leur contribution au monde dans lequel nous vivons aujourd’hui», conclut Jean‑François Gaudreault‑DesBiens.
Relations avec les médias
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Université de Montréal
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