Des spécificités féminines
Franca Cortoni le rappelle, ces faibles taux de récidive s’inscrivent dans une tendance générale qui veut que les femmes commettent moins de crimes que les hommes, peu importe les époques et les cultures.
Selon elle, cela peut s’expliquer par une hypothèse d’ordre évolutionnaire: «Historiquement, les hommes devaient protéger le clan et aller chasser, alors que les femmes s’occupaient des enfants et de la santé du groupe. Ce rôle peut avoir façonné des différences comportementales durables. Les femmes sont capables de commettre des actes violents, mais elles tendent à prendre moins de risques physiques et à exprimer différemment la violence ou la transgression», dit-elle.
La trajectoire de la criminalité est aussi un facteur important de distinction entre les hommes et les femmes. La majorité des femmes incarcérées ont vécu de nombreuses violences physiques ou sexuelles avant leur passage à l’acte. Quels que soient les actes criminels commis, les femmes présentent des taux de victimisation physique et sexuelle beaucoup plus importants que chez les hommes.
«Les hommes ont tendance à exprimer leur traumatisme – par l’agression et la colère –, alors que les femmes l’intériorisent», fait observer la professeure. Elles se tournent alors vers la consommation de substances, l’autodestruction ou des comportements impulsifs. D’ailleurs, note-t-elle, dans les prisons fédérales, les traces d’automutilation témoignent souvent de cette souffrance intériorisée.
Cette dynamique influence alors leur entrée dans la criminalité. Chez les femmes, l’abus de drogues ou d’alcool précède souvent les infractions, alors que, chez les hommes, il accompagne plutôt leur mode de vie délinquant.
Une approche «sexospécifique» essentielle…
En criminologie, comme en médecine, la science s’est longtemps appuyée sur des données masculines, généralisées ensuite à l’ensemble de la population, croit Franca Cortoni. «On l’a vu pour les crises cardiaques ou la sexualité, les recherches effectuées uniquement sur des hommes ont mené à de graves angles morts», estime-t-elle.
Reconnaître les différences entre les femmes et les hommes dans le passage à l’acte, la récidive ou la réinsertion ne relève pas du stéréotype, mais de la rigueur scientifique, plaide la chercheuse. «Le crime n’est pas neutre du point de vue du sexe. Et tant que l’on continuera de traiter les femmes comme des hommes dans le système de justice, on passera à côté de ce qui les a vraiment amenées là», insiste-t-elle.
… jusque dans la réinsertion
Longtemps, les programmes de réinsertion ont été des copier-coller de ceux destinés aux hommes. «On appliquait aux femmes les mêmes approches, alors qu’elles n’avaient ni les mêmes besoins ni le même profil», affirme Franca Cortoni.
Depuis les années 1990, des réformes ont permis d’adapter davantage les services correctionnels aux réalités féminines: moins d’insistance sur la sécurité, plus de soutien psychologique, une meilleure prise en compte des traumatismes et de la parentalité.
Cette approche ne vise pas à «materner» les femmes, mais à reconnaître que les comportements criminels et les facteurs de réinsertion ne se manifestent pas de la même manière selon le sexe. «Il ne s’agit pas de dire que les femmes sont pires ou meilleures que les hommes, mais simplement qu’elles fonctionnent différemment», conclut la chercheuse.