Fertilité: lumière sur la phase cruciale avant l’implantation de l’embryon

Le cochon d’Inde est utilisé depuis longtemps en biologie du développement et présente de nombreuses similitudes avec l’humain sur le plan physiologique.

Le cochon d’Inde est utilisé depuis longtemps en biologie du développement et présente de nombreuses similitudes avec l’humain sur le plan physiologique.

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La compréhension de l’infertilité progresse grâce à une étude qui révèle que l’embryon de cochon d’Inde ressemble beaucoup à l’embryon humain avant son implantation dans l’utérus.

Sophie Petropoulos et Jesica Romina Canizo

Sophie Petropoulos et Jesica Romina Canizo

Crédit : CHUM

Les premiers jours du développement d’un embryon humain – la préimplantation – sont importants. C’est à ce moment-là que se forment les premières cellules, qui déterminent si l’embryon peut survivre, comment il s’implantera dans l’utérus et comment les tissus du fœtus se développeront.  

Aujourd’hui, l’utilisation d’embryons humains en recherche se heurte encore à des limites logistiques, éthiques et juridiques. Les scientifiques se tournent donc vers d’autres modèles, notamment des modèles animaux et des modèles à base de cellules souches. 

Dans une nouvelle étude publiée dans Nature Cell Biology, Sophie Petropoulos, professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) ainsi qu’au Karolinska Institutet en Suède, montre que le cochon d’Inde constitue un modèle animal fiable et robuste pour améliorer notre compréhension de deux domaines clés de la recherche: la biologie comparative et l’embryogenèse humaine.

Un cycle œstral similaire

Le cochon d’Inde est utilisé depuis longtemps en biologie du développement et présente de nombreuses similitudes avec l’humain sur le plan physiologique. À l’instar des femmes, il est aussi le seul petit animal dont les femelles suivent un cycle œstral complet – le cycle œstral se traduit par l'activité ovarienne qui permet aux femelles de passer d'une période de réceptivité reproductive à une période de non-réceptivité, ce qui rend ainsi possible une grossesse après l'accouplement – et dont le processus d’implantation de l'embryon ainsi que la formation du placenta ressemblent à ceux de l’humain.

«Malgré ces similitudes, le développement préimplantatoire n’avait encore jamais été étudié, indique Sophie Petropoulos, qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génomique fonctionnelle de la reproduction et du développement. Notre laboratoire cherche à mieux comprendre l’infertilité et le développement humain précoce. Nous voulions donc trouver un modèle permettant de répondre à nos questions.»

Un atlas complet des gènes

«Dans notre étude, nous avons eu recours à une technique appelée séquençage ARN de cellules uniques pour dresser un atlas complet des gènes du développement préimplantatoire du cochon d’Inde et analyser leur expression au fil du temps. Nous avons également inhibé et activé des voies de signalisation pour observer comment ces gènes pouvaient influencer le développement de l’embryon», explique-t-elle. 

Elle poursuit: «Lorsque nous avons comparé le développement de l’embryon du cochon d’Inde à nos travaux précédents, nous avons été frappés par sa ressemblance étonnante avec l’embryogenèse humaine précoce.» L’embryogenèse est la réalisation du programme génétique inscrit dans les chromosomes de l'ovule fécondé, de la division de celui-ci jusqu’à la formation des tissus et des organes de l’embryon.

Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour mieux comprendre l’infertilité féminine et mettre au point des traitements favorisant une grossesse en santé, souligne Sophie Petropoulos. Elle a mené cette étude avec Jesica Romina Canizo, associée de recherche dans son laboratoire au CRCHUM et étudiante à l’UdeM, et Cheng Zhao, spécialiste de recherche dans son laboratoire au Karolinska Institutet, tous deux premiers auteurs de l’étude.

«Ce modèle animal peut aider les scientifiques à comprendre comment l’exposition précoce aux médicaments ou aux perturbations environnementales influe sur la santé des bébés à long terme ou pourquoi certaines femmes connaissent des échecs répétés d’implantation», mentionne la chercheuse.

Ouvrir la «boîte noire»

Elle et son équipe ont commencé à étudier le développement embryonnaire post-implantatoire et la gastrulation, période durant laquelle tous les organes et tissus du corps humain se forment. Étant donné que 80 % des échecs de grossesse surviennent au premier trimestre, les scientifiques sont particulièrement désireux de faire la lumière sur cette phase du développement humain, surnommée la «boîte noire».

À long terme, le modèle d’embryon préimplantatoire du cochon d’Inde pourrait fournir des informations extrêmement utiles sur les meilleures conditions pour le développement d’embryons et de fœtus en santé, estiment Sophie Petropoulos et son équipe. Cela pourrait contribuer à améliorer les traitements de fertilité et soutenir les technologies de reproduction.

À propos de cette étude

L’article «The guinea pig serves as an alternative model to study human preimplantation development», par Jesica Romina Canizo et Cheng Zhao, sous la supervision de Sophie Petropoulos, a été publié en ligne le 4 avril 2025 dans la revue Nature Cell Biology.

Ces travaux de recherche ont été financés par le CRCHUM, le Centre de recherche en reproduction et fertilité, le Research Center in Reproduction and Fertility, le Swedish Research Council et la Swedish Society for Medical Research. Ils ont été appuyés par les équipes de l’animalerie et la plateforme d’imagerie cellulaire du CRCHUM.

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