La liberté universitaire doit être défendue, selon des recteurs québécois
- UdeMNouvelles
Le 30 mai 2025
- Jeff Heinrich

Le recrutement actif de chercheurs basés aux États-Unis, la création d'un plus grand nombre de chaires de recherche canadiennes, l'augmentation du financement fédéral et du financement québécois pour compenser les réductions des subventions américaines, tout cela contribuera à protéger et à développer la recherche scientifique, selon les recteurs.
Crédit : Mathilde Gardonio, CORIMFace aux attaques de Donald Trump contre les universitaires au sud de la frontière, les universités canadiennes doivent être vigilantes, selon Daniel Jutras, Stéphane Pallage et Sophie d'Amours.
Plus que jamais, alors que les universités américaines essuient les assauts de l'administration Trump et que le Canada en subit les dommages collatéraux, il est temps de défendre la liberté universitaire – et de planifier le recrutement de chercheurs étrangers, ont convenu cette semaine trois recteurs d'universités québécoises.
Daniel Jutras, de l'Université de Montréal; Stéphane Pallage, de l'Université du Québec à Montréal; et Sophie d'Amours, de l'Université Laval, ont déclaré le 28 mai devant une salle comble de 400 personnes au Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) qu'il fallait être vigilant face aux menaces qui pèsent sur l'indépendance des universités.
Être vigilant… et aussi être à l'affût de nouveaux talents, ont-ils dit du même souffle.
«Ça nous appartient de parler du rôle des universités, a indiqué Daniel Jutras. Ce qui se passe maintenant doit nous inciter à le faire parce que les dérives peuvent survenir très rapidement.»
Pour Sophie d'Amours, «la polarisation, l'utilisation de “faits alternatifs”, la politisation des universités, tout cela crée beaucoup de détresse dans la société actuellement, des conditions qui ont permis au pouvoir politique de nous définir comme l'ennemi».
«On vit une crise qui a des similarités importantes avec les années 1930 en Europe, a poursuivi Stéphane Pallage. Je reçois des appels d'universitaires travaillant aux États-Unis, souvent francophones, qui voudraient venir au Québec. Nous pouvons les accueillir.»
Le recrutement actif de chercheurs basés aux États-Unis, la création d'un plus grand nombre de chaires de recherche canadiennes, l'augmentation du financement fédéral et du financement québécois pour compenser les réductions des subventions américaines, tout cela contribuera à protéger et à développer la recherche scientifique, selon les recteurs.
«Tenter de remédier à la détresse de chercheurs aux États-Unis, mais aussi profiter d'un climat de recrutement qui est tout à fait différent à présent, tel est le défi que doivent relever les universités canadiennes, a mentionné Daniel Jutras. Car des chercheurs de partout – en Occident, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie – qui envisageaient d'aller aux États-Unis se disent que ce n'est pas un environnement où ils souhaiteraient être.»
«On a fermé la lumière aux États-Unis sur plusieurs sujets dont l’étude permet de faire progresser la société», a souligné Sophie d'Amour en faisant référence aux réductions des budgets de l'Université Harvard, des National Institutes of Health et d'autres organisations.
Il ne faut pas que la même chose se produise ici, a-t-elle ajouté.
Pas de «zones obscures»
Les trois recteurs ont affirmé que «pour le Québec, c'est fondamental: on ne peut pas se permettre de créer des zones obscures. On doit, au contraire, faire de la recherche dans tous les domaines, apporter plus de connaissances dans tous les secteurs».
La philanthropie sera également essentielle pour aider les universités canadiennes à survivre dans l'environnement politique difficile d'aujourd'hui, selon Daniel Jutras. «Donnez à vos universités, a-t-il lancé, nous avons besoin de votre soutien.»
Le recteur de l’UdeM a rapporté les propos de professeurs qui ont dit être préoccupés par ce qui se passe au sud de la frontière et qui hésitent maintenant à voyager: «Ils ne savent pas trop comment aborder leurs sujets d’étude sur la longue durée et il nous appartient comme recteurs et rectrices de soutenir ces collègues dans leurs efforts en vue de stabiliser leurs programmes de recherche.»
Soulignant la différence entre les libertés d'enseignement et de recherche et la liberté d'expression, les recteurs ont convenu que les universités doivent rester libres de se gouverner de manière responsable et à l'abri de la censure.
«C'est très important que les étudiantes et étudiants comprennent cela, a déclaré Daniel Jutras. Parfois ils utilisent leur liberté d'expression d'une manière qui porte atteinte aux libertés d’enseignement et de recherche en empêchant des conférences de se tenir par exemple. Eux aussi ont la responsabilité de nourrir ces libertés en participant au dialogue universitaire qui respecte la nécessité de l'humilité intellectuelle et de l'espace de discussion, qui est essentiel à l'avancement du savoir.»
À propos de cet évènement
Le panel «Pourquoi la liberté académique est-elle fondamentale?» s'est déroulé le 28 mai au Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) dans le cadre de la série Science et innovation soutenue par le Fonds de recherche du Québec. Le CORIM est un organisme privé, sans but lucratif et non partisan fondé à Montréal en 1985 par le professeur émérite de l'École nationale d'administration publique Louis Sabourin. L'Université de Montréal, l'Université du Québec à Montréal et l'Université Laval figurent parmi les membres gouverneurs émérites du CORIM.