Jeux de hasard: quand vulnérabilité et exposition se croisent
- UdeMNouvelles
Le 2 juin 2025
- Catherine Couturier
Combinant vulnérabilité et exposition aux jeux de hasard et d’argent, une étude propose un outil qui définit des zones à risque pour aider les instances à prendre des décisions éclairées.
Machines à sous, casinos, salles de bingo, paris hippiques, loterie… Les populations plus ou moins vulnérables continuent à être exposées à la présence tangible des jeux de hasard et d’argent quotidiennement, même si le jeu en ligne prend de plus en plus de place. Si Loto-Québec a défini depuis 2011 des critères pour la répartition des appareils de loterie vidéo, plusieurs problèmes demeurent, sans compter que ces critères ne s’appliquent pas à tous les jeux de hasard.
«On avait remarqué en 2008 qu’il y avait une distribution inégale des jeux de hasard et d’argent et une concentration de leur accessibilité dans les secteurs défavorisés», relate Éric Robitaille. Le professeur adjoint de clinique de l’École de santé publique de l’Université de Montréal et membre du Centre de recherche en santé publique faisait alors partie du Centre de recherche Léa-Roback sur les inégalités de santé de Montréal, dont sa collègue Marie-France Raynault est directrice.
Sous la direction d’Elisabeth Papineau, chercheuse à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et professeure associée au Département de médecine sociale et préventive de l’UdeM, l’équipe de scientifiques a voulu bonifier les paramètres utilisés pour estimer le risque dans le but d’améliorer l’encadrement de l’implantation des jeux de hasard et d’argent. La démarche de l'équipe est expliquée dans un article récent paru dans Drogues, santé et société.
Le Québec sous la loupe
Si certaines études sur l’accessibilité des jeux de hasard et d’argent avaient été faites dans quelques régions sociosanitaires, l’équipe a voulu cette fois étendre le tableau à l’ensemble du Québec. «Nous avons décidé de nous joindre à Marie-France et à Yan Kestens, de l’UdeM, pour créer un indice d’accessibilité et un indice de vulnérabilité aux jeux de hasard et d’argent pour la province», résume Éric Robitaille.
L’indice d’exposition au jeu combine ainsi la densité des lieux où l’on peut jouer, leur accessibilité et le risque théorique des jeux. «La littérature indique que certains jeux sont plus dangereux», dit-il. En effet, certains activent plus fortement que d’autres le circuit de la récompense et augmentent le risque de dépendance. «Si vous achetez un billet de loto et que vous devez attendre à la fin du mois pour savoir si vous avez gagné, ça risque moins de vous rendre dépendant que si vous jouez à une machine à sous qui donne des récompenses très rapidement», illustre Marie-France Raynault.
Plutôt que d’utiliser un indice existant, les chercheurs en ont créé un spécifique à ces défis. Leur indice de vulnérabilité au jeu repose donc sur six indicateurs socioéconomiques pondérés associés au jeu problématique. Il a été conçu à partir d’enquêtes sur les personnes les plus à risque de jouer.
Ces deux indices ont ensuite été combinés pour cerner les zones où convergeaient vulnérabilité et exposition. «C’est là où il faudrait mettre des énergies», dit Marie-France Raynault. Sans surprise, dans les zones touchées par la pauvreté, les résidants avaient accès à plusieurs types de jeux. «Les zones de concentration de pauvreté en milieu urbain sont plus à risque; l’exposition est plus grande et, à jeu égal, il y a plus de conséquences sur les finances personnelles chez les personnes à faible revenu», affirme-t-elle.
Mobiliser les résultats
Outre la publication de l’article, ces travaux ont permis de produire un outil accessible en ligne sur le site de l’INSPQ. «On voulait transformer la recherche en un outil pour permettre aux décideurs de comprendre la situation de leur territoire, pour qu’ils n’accentuent pas les inégalités en implantant de nouvelles installations», note Éric Robitaille. Cet outil est par ailleurs précieux pour les petites villes qui n’ont pas les ressources pour faire elles-mêmes l’exercice.
La carte interactive produite est une façon unique de visualiser les données: «Plus qu’un tableau, une carte est un outil très puissant pour communiquer des données», croit Marie-France Raynault. L’outil d’aide à la décision est disponible gratuitement sur le site de l’INSPQ.
Alors que plusieurs initiatives en matière de prévention mettent l’accent sur l’individu, ces approches englobantes sont primordiales, rappellent les chercheurs. «La recherche montre que les comportements personnels ne sont qu’un des déterminants. On doit favoriser le comportement de santé sain en adoptant une approche écologique», souligne Marie-France Raynault.
À propos de cette étude
L’article «Se donner des outils pour réduire les inégalités d’exposition aux jeux de hasard et d’argent», par Éric Robitaille, Marie-France Raynault et leurs collègues, a été publié dans Drogues, santé et société.