L’Université de Montréal et les Premiers Peuples: des gestes concrets

Centre étudiant des Premiers Peuples

Centre étudiant des Premiers Peuples

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

En 5 secondes

L’inclusion des employés et étudiants autochtones revêt un visage de plus en plus concret à l’UdeM. Bilan un an après l’adoption du plan d’action Place aux Premiers Peuples 2024-2029.

Annie Pullen-Sansfaçon

Annie Pullen Sansfaçon

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

«Le principe de base, c’est d’écouter et de nous assurer que nous avons les moyens d’entendre et de comprendre», souligne Annie Pullen Sansfaçon, l’âme derrière l’ambitieux plan d’action Place aux Premiers Peuples de l’Université de Montréal, qui a vu le jour après une série de consultations. L’Université compte actuellement plus d’une quarantaine d’employés autochtones, soit 15 de plus qu’il y a un an, parmi lesquels huit membres du corps enseignant. Quant aux étudiants et étudiantes, on en dénombre près d’une centaine chaque année.

En clair, le chemin vers une université plus accueillante envers les Premiers Peuples est tracé main dans la main avec les parties prenantes, notamment le comité Kwé Kwé du personnel autochtone, le Centre étudiant des Premiers Peuples (CEPP) et le Conseil de gouvernance autochtone, constitué en 2023 et réunissant des personnes autochtones de l’UdeM comme de l’extérieur de la communauté universitaire.

«Plutôt qu’un plan rigide, nous privilégions l’approche par projets structurants», dit Annie Pullen Sansfaçon, vice-rectrice associée aux relations avec les Premiers Peuples depuis mai 2023, au cours d’une entrevue à quelques jours de la Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin.

Déjà, diverses initiatives ont été mises en place autant en enseignement qu’en recherche, sans oublier les arts, qui assurent une visibilité à la culture autochtone.

Soutenir les étudiants autochtones

Pour certains Autochtones, entreprendre des études universitaires signifie s’adapter à des réalités parfois exigeantes comme le fait de vivre en ville, ce qui est bien différent de la vie en communauté. La simple fréquentation d’un grand établissement d’enseignement comme l’Université de Montréal représente une expérience la plupart du temps inédite.

Afin de mieux soutenir les étudiantes et étudiants autochtones, le Vice-rectorat à la planification et à la communication stratégiques, le CEPP et les Services à la vie étudiante ont conçu un guide à leur intention. Il sera disponible en version papier au CEPP et en version électronique, sur la page Place aux Premiers Peuples, dès la rentrée.

Outiller les enseignants

Les membres du personnel enseignant ont désormais accès à un répertoire de ressources pédagogiques comportant des fiches synthèses sur les méthodologies et les pédagogies autochtones, des vidéos sur les visions du monde autochtone et des photos provenant des archives de l’Université.

«Les enseignants et enseignantes parfois peuvent craindre de faire de faux pas en introduisant du contenu autochtone dans leurs cours; le répertoire leur permet d’être mieux outillés, résume Annie Pullen Sansfaçon. Et c’est tout simple.»

L’UdeM a également lancé un premier appel de projets qui a permis de soutenir la Faculté des arts et des sciences dans l’intégration de savoirs et de savoir-faire autochtones dans les programmes de cinq départements: démographie et sciences de la population; histoire de l’art, cinéma et médias audiovisuels; histoire; communication; et informatique et recherche opérationnelle. Travaux en comités et rencontres avec des personnes et des organisations autochtones se sont avérés essentiels.

L’intégration de connaissances sur l’histoire et les cultures autochtones favorise non seulement une meilleure compréhension des Premiers Peuples, mais aussi l’atteinte d’un plus grand équilibre entre savoirs autochtones et allochtones, un des piliers du plan d’action.

Faire connaître les Premiers Peuples

Annie Pullen Sansfacon, elle-même membre de la nation wendate, se réjouit de constater que plus de 1000 personnes à l’UdeM ont déjà suivi la formation de quatre heures, offerte en ligne, sur l’histoire, les contextes social et politique et les besoins en matière de sécurisation culturelle des Premiers Peuples.

«Il y a manifestement un intérêt. Afin d’avancer dans la réconciliation, il faut une adhésion le plus large possible et c’est bien parti. Toutefois, c’est un travail de longue haleine», indique celle qui est professeure à l’École de travail social.

Faire voir

Un autre grand chantier du plan d’action Place aux Premiers Peuples vise à accroître la visibilité autochtone à l’Université. Mentionnons l’exposition récente de quatre artistes autochtones issus des nations Kanien’keha:ka, crie, wendate et métisse sur les ravages du colonialisme présentée à la Galerie de l’UdeM et l’inauguration, au printemps dernier, d’une installation de l’artiste wendat Ludovic Boney à proximité du pavillon Lionel-Groulx.

Autre symbole fort: le vice-rectorat auquel est rattachée Annie Pullen Sansfaçon a récemment été renommé Vice-rectorat au communautaire, à l’international et aux Premiers Peuples, une modification qui souligne l’importance que l’Université de Montréal accorde à la reconnaissance et à la présence autochtones.

Un mouvement pancanadien

Depuis la publication, en décembre 2015, du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada visant à réparer les injustices historiques causées aux peuples autochtones par le système des pensionnats autochtones, les universités canadiennes ont intensifié la réflexion autour de la place des Autochtones dans les structures de l’enseignement supérieur. L’Université de Montréal contribue activement à ces actions.

Grâce au financement reçu du Programme des chaires de recherche du Canada, l’Université a mis sur pied un comité de décolonisation de la recherche qui publiait, il y a quelques mois, un premier rapport présentant les expériences des chercheurs et chercheuses, des étudiants et étudiantes et de quelques organismes autochtones engagés en recherche. On y examine notamment les possibles défis et l’on y propose des pistes de solution afin d’améliorer la collaboration dans les groupes de recherche. Le travail se poursuit, puisqu’une nouvelle subvention permettra au comité de cerner cette fois comment l’Université et ses services tels les comités d’éthique de la recherche et ceux administrant les subventions peuvent mieux soutenir les chercheuses et chercheurs dans les projets réalisés auprès des communautés autochtones.

«Nous examinons les problèmes qui surviennent sur le terrain», signale Annie Pullen Sansfaçon.

Réflexions sur la citoyenneté autochtone

Partout au pays, les organismes subventionnaires tout comme plusieurs universités réfléchissent sur les mécanismes les plus respectueux en matière d’affirmation de la citoyenneté et de l’appartenance autochtones. L’Université de Montréal participe aussi à ces réflexions dans le but de proposer, au cours de l’année à venir, des lignes directrices relatives à la prévention de la fraude sur la base de l’appropriation erronée de l’identité autochtone. Ce projet s’appuie sur un processus raisonné, mené avec sensibilité et en concertation avec les parties concernées.

Annie Pullen Sansfaçon a consacré toute sa carrière aux questions éthiques. Elle est bien placée pour savoir «qu’il est particulièrement important de se pencher sur des façons de faire qui ne s’appuient pas exclusivement sur l’usage d’outils coloniaux comme les cartes de statut. La Loi sur les Indiens a décrété qui était considéré comme autochtone aux yeux du gouvernement, mais les nations et conseils de bande détiennent aussi le droit de déterminer leurs critères d’appartenance ou de citoyenneté. Certaines personnes ont aussi perdu leurs liens familiaux à la suite de la rafle des années 1960 [où des enfants autochtones ont été retirés de leur foyer pour être placés dans des familles d’accueil ou d’adoption non autochtones]. Tout cela doit être pris en considération; il ne faut surtout pas revenir en arrière»!