Les astrocytes, cellules clés du cerveau, au cœur de la réponse au stress précoce

En 5 secondes Chez la souris, stress, niveau d’activité physique et forme des astrocytes sont intimement liés. C’est ce que démontre l’équipe de Ciaran Murphy-Royal.
Lewis R. Depaauw-Holt et Ciaran Murphy-Royal

Dans une étude publiée dans Nature Communications, Ciaran Murphy-Royal, chercheur au Centre de recherche du CHUM, et ses collègues ont révélé que les astrocytes de l’hypothalamus latéral du cerveau, une zone mobilisée dans la régulation de l’éveil, jouent un rôle clé dans l’activité neuronale et agissent sur les comportements des rongeurs.

Cette avancée dans la compréhension des mécanismes cérébraux pourrait trouver des applications dans le traitement et la prévention de la dépression.

Selon la littérature scientifique, le stress précoce multiplie par cinq le risque de souffrir de ce trouble de santé mentale à l’âge adulte, notamment les formes résistantes aux traitements actuels.

Des niveaux d’activité physique aux antipodes

Sensibles aux variations de concentration de métabolites dans le sang, les astrocytes peuvent moduler le volume de leurs interactions avec les neurones, leurs voisins cellulaires, en fonction notamment du niveau sanguin de corticostérone, l’hormone du stress chez les rongeurs.

«Chez les souris adultes qui ont subi du stress dans l’enfance, les taux de corticostérone sont plus élevés que la normale. Leurs comportements diffèrent aussi selon leur sexe, dit Ciaran Murphy-Royal, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Les femelles sont moins actives pendant la nuit, tandis que les mâles sont hyperactifs durant la journée.»

Chez les personnes dépressives qui ont vécu le même type de stress, cette différence s’observe également.

Des neurones en effervescence

Lewis R. Depaauw-Holt, premier auteur de l’étude et doctorant dans l’équipe de Ciaran Murphy-Royal, a pu recréer en laboratoire des conditions de stress précoce en provoquant une carence de soins maternels chez de jeunes rongeurs.

Pendant une dizaine de jours, il les a éloignés de leur mère quatre heures par jour. Ce geste intervenait dans une période critique de développement cérébral pour les souris, l’équivalent chez l’enfant âgé de trois à sept ans.

«La différence de niveau d’activité entre femelle et mâle s’observe de la même manière au sein d’un groupe de neurones qui produisent des neuropeptides appelés orexines. Situés dans l’hypothalamus latéral, ils participent à la régulation des cycles éveil-sommeil, indique Ciaran Murphy-Royal. Chez les mâles, ces neurones présentent une hyperactivité et, chez les femelles, une hypoactivité.»

Des astrocytes moins volumineux

Chez les souris soumises à un stress précoce, les astrocytes sont de plus petite taille et ont moins de ramifications, surtout chez les femelles. Ces branches sont essentielles pour transmettre des informations aux neurones voisins et interagir avec les cellules à proximité.

«Dans notre champ d’expertise, nous pensons que le changement morphologique de l’astrocyte est un marqueur de dysfonctionnement. Chez l’humain, dans des maladies comme le parkinson ou l’alzheimer, on observe ces variations», mentionne Ciaran Murphy-Royal.

Une voie de signalisation partagée

Et si les changements de comportement, d’activité neuronale et de morphologie chez les animaux des deux sexes étaient liés à une seule voie de signalisation du stress?

Pour vérifier son hypothèse, l’équipe de recherche a supprimé des astrocytes les récepteurs de glucocorticoïdes, sur lesquels s’ancrent normalement la corticostérone, l’hormone du stress.

«En l’absence de tels récepteurs, les souris retrouvent un comportement de base analogue à celui de leurs congénères qui n’ont pas vécu de stress précoce. Et même s’ils ne récupèrent pas leur volume normal, les astrocytes regagnent leur complexité, leur nombre de branches pour interagir avec les cellules avoisinantes», souligne Ciaran Murphy-Royal.

Selon l’étude, les astrocytes seraient donc perturbés par le stress avant les neurones, contrairement à ce que les scientifiques pensaient jusqu’à présent.

Chez l’humain, le défi de contrer les effets du stress précoce s’avère de toute évidence plus complexe que chez les rongeurs. Les travaux de l’équipe de Ciaran Murphy-Royal permettent néanmoins d’envisager les astrocytes comme une excellente cible thérapeutique pour prévenir la dépression.

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