Sylvain Baillet: enseigner la science, bâtir des ponts, former les nouvelles générations

En 5 secondes Nouvellement nommé directeur du Centre de recherche du CHUM et professeur de neurosciences à l’UdeM, Sylvain Baillet mise sur l’ouverture citoyenne de la science et la formation de la relève.

Physicien de formation et neuroscientifique de terrain, Sylvain Baillet se passionne pour le fonctionnement du cerveau et ses dérèglements. Son objectif: mettre au jour les «blocs LEGO» qui composent notre matière grise afin de comprendre comment ils se transforment précocement dans les maladies neurologiques et les troubles mentaux. 

«J'aime défricher tous azimuts et explorer des pistes qui pourraient être utiles aux patients et au personnel soignant, dit celui qui a dirigé des équipes en France, aux États-Unis et au Canada. Tout m’intéresse: mémoire, langage, audition, vision, motricité, conscience, mais aussi des affections comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, l’épilepsie ou les psychoses. Ce qui me motive, c’est de faire progresser les connaissances pour répondre aux grandes questions en matière de santé.» 

Rencontré à quelques jours de son arrivée à l’Université de Montréal, le 1er octobre, ce spécialiste de l’imagerie cérébrale et de la magnétoencéphalographie nous a parlé de son parcours, de sa vision de la recherche et de son engagement envers la relève. 

Pionnier de la science ouverte

Chercheur fondamental dans l’âme, Sylvain Baillet découvre les neurosciences à la fin des années 1990, durant son doctorat à l’Université Paris-XI, alors que l’imagerie cérébrale est en plein essor. «La magnétoencéphalographie, qui mesure l’activité du cerveau milliseconde par milliseconde, se développait alors à toute vitesse. Mais les outils d’analyse restaient à l’usage des équipes qui les concevaient, ce qui limitait leur portée», se souvient-il. Ayant expérimenté la commercialisation des résultats de ses recherches, il choisit la voie de la science ouverte. «Mes recherches sont financées par l’argent public. Leurs fruits doivent revenir à la société. C’est pour moi un devoir citoyen», insiste-t-il.

De cette conviction est né Brainstorm, un logiciel collaboratif d’analyse des enregistrements cérébraux. Il compte plus de 50 000 utilisateurs et a déjà nourri plus de 4500 publications scientifiques. «J’aurais pu réserver cet outil à mon équipe et publier tout au plus une centaine d’articles. Mais au-delà de la productivité individuelle, notre logiciel forme la relève, mentionne le professeur-chercheur. Dans mon laboratoire, les recrues commencent par nos tutoriels en ligne pour apprendre de manière pratique. C’est concret, efficace et inspirant.» 

Dans le même esprit, il a fondé il y a 10 ans les archives OMEGA, une vaste banque de données magnétoencéphalographiques issues de son laboratoire et d’autres unités, et mises à la disposition de la communauté scientifique, y compris dans les régions moins favorisées, ici comme ailleurs. Née d’un partenariat entre l’Université McGill et l’Université de Montréal, financée par le Fonds de recherche du Québec, cette banque de données compte déjà plus de 1000 utilisateurs et a donné lieu à des centaines d’études.

Un nouveau chapitre à l’UdeM

Avant de rejoindre les rangs de l’UdeM, Sylvain Baillet a contribué à mettre en place des programmes de magnétoencéphalographie à Paris, au Wisconsin et à l’Institut neurologique de Montréal. Il a aussi dirigé le McConnell Brain Imaging Centre, l’un des plus grands centres d’imagerie cérébrale au monde, puis occupé les fonctions de vice-doyen à la recherche et de professeur titulaire en neurologie, neurochirurgie et informatique à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill.

Aujourd’hui, il ouvre un nouveau chapitre à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. «Dans un contexte mondial de recherche biomédicale très compétitive, où les financements publics sont incertains, nous ne pouvons nous permettre d’agir en concurrents. Il faut bâtir des ponts entre nos universités et leurs grands centres de recherche», souligne-t-il.

Le Centre de recherche du CHUM, avec ses installations de pointe et son ancrage au cœur de Montréal, lui apparaît comme un terreau fertile. «Le Centre atteint un stade de maturité enthousiasmant. Je vais travailler pour qu’il assume pleinement son rôle de chef de file, au Québec comme à l’étranger, en misant sur une science citoyenne, avec les patients et leurs proches comme partenaires, et en l’ouvrant davantage à la ville et à ses habitants», poursuit-il.

Former la relève, toujours

Pour lui, la recherche représente l'une des plus belles aventures humaines, qu’il partage avec les étudiantes et étudiants de son laboratoire. «S’engager dans un projet de maîtrise ou de doctorat, c’est accepter une part de risque, confie-t-il. On ne sait jamais si le projet aboutira ni comment. C’est un acte de confiance mutuelle que de s’engager sur un chemin jamais entièrement tracé d’avance.»

Ce qui le réjouit le plus? Voir ses protégés gagner en assurance et en autonomie. «Le plus beau moment, c’est quand ils prennent le volant, qu’ils deviennent les vrais experts de leur sujet, et que moi je passe sur le siège arrière», indique-t-il. 

Avec la génération Z, ce rôle prend une dimension particulière. «C’est la génération de mes propres enfants, dit-il. Elle hérite d’un monde plein de défis ‒ climatiques, technologiques, géopolitiques. Si nous lui offrons des formations qui stimulent la créativité et l’esprit critique, elle saura inventer les solutions de demain. À nous de la soutenir avec humilité, plutôt que de la juger.»

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