Ataxies cérébelleuses tardives: une piste génétique dévoilée

En 5 secondes Une anomalie dans le développement du cervelet pourrait-elle expliquer les troubles moteurs apparaissant des décennies plus tard chez les personnes atteintes de maladies rares du mouvement?
Éric Samarut et la doctorante Fanny Nobilleau

Une anomalie dans le développement du cervelet pourrait-elle être à l’origine des troubles moteurs qui se manifestent des décennies plus tard chez les personnes atteintes de maladies rares du mouvement? 

C’est la piste génétique explorée par une équipe du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) qui étudie le cerveau de poissons zèbres et faisant l’objet d’une étude parue dans la revue Nature Communications.  

Les scientifiques, sous la direction du chercheur Éric Samarut, aussi professeur à l’Université de Montréal, et de la doctorante Fanny Nobilleau, y révèlent que le gène RFC1 joue un rôle clé dans la formation du cervelet, cette région du cerveau qui coordonne les mouvements.

Cette découverte ouvre de nouvelles voies pour comprendre l’origine biologique des ataxies cérébelleuses tardives, des maladies rares caractérisées par des troubles de la coordination motrice. 

On estime que de 1 à 3 personnes sur 100 000 seraient touchées par cette grande famille de maladies. À ce jour, aucune thérapie n’est disponible.

 

Un gène universel, un rôle inattendu

Longtemps, le gène RFC1 a été vu comme un simple mécanicien de l’ADN, chargé de corriger les erreurs lors de la multiplication cellulaire.  

«Nous pensions que ce gène universel agissait partout dans le corps comme un contrôleur de qualité s’assurant de l’intégrité de l’ADN. Mais pendant le développement embryonnaire, nous avons observé avec surprise qu’il s’exprime surtout dans le cervelet», explique Éric Samarut. 

En étudiant le cerveau en développement de modèles de poisson zèbre, l’équipe du CRCHUM a fait une découverte: l’absence du gène RFC1 entraîne la mort de cellules qui auraient dû devenir des neurones et cause une malformation du cervelet dès les premières étapes de la vie. 

«C’est la première fois qu’une équipe de recherche étudie la fonction de ce gène dans un modèle in vivo, poursuit le professeur. Cette étape est essentielle avant d’extrapoler nos découvertes au contexte de la maladie.»

Des maladies rares, des questions fondamentales

Cette découverte met en lumière les mécanismes biologiques potentiels derrière certaines ataxies cérébelleuses tardives, comme l’ataxie cérébelleuse avec neuropathie et syndrome d’aréflexie vestibulaire ou CANVAS (Cerebellar Ataxia, Neuropathy, Vestibular Areflexia Syndrome). 

Cette maladie rare, souvent sans diagnostic génétique, est liée à des expansions géniques au sein du gène RFC1. Ces expansions se produisent lorsque la machinerie cellulaire chargée de copier l’ADN commet des erreurs et ajoute des nucléotides supplémentaires dans un gène. 

Personne ne comprend encore comment ces anomalies peuvent affecter le cerveau et provoquer des troubles moteurs ciblés. Toutefois, les récentes avancées de l’équipe d’Éric Samarut laissent entendre que la fonction normale du gène RFC1 pourrait être altérée dans ce syndrome. 

«Ce qu’on montre pour l’instant, c’est que l’absence du gène RFC1 empêche les cellules du cervelet de se développer correctement, souligne Éric Samarut. Est-ce qu’un cervelet, fragilisé dès la naissance, pourrait conduire à des troubles moteurs bien plus tard dans la vie? Cela reste à démontrer. Si cette piste se confirmait, elle ouvrirait la voie à un diagnostic plus précoce, avant même l’apparition des symptômes.» 

L’équipe s’efforce actuellement de déterminer si l’activité du gène RFC1 est effectivement défaillante chez les patients atteints du CANVAS et si elle est responsable des troubles moteurs qui en découlent.

Un tremplin pour la recherche sur les maladies neurodégénératives

Menés en collaboration avec le chercheur Nicolas Pilon, spécialiste de la génétique des maladies rares à l’UQAM, ces travaux de recherche font écho au financement de 330 000 $ reçu en 2024 par Éric Samarut et Martine Tétreault, chercheuse au CRCHUM et engagée dans l’étude, pour en apprendre davantage sur les ataxies cérébelleuses tardives.

Leur projet faisait partie des trois lauréats du concours Thérapies innovantes pour les ataxies héréditaires subventionnés par Génome Québec, Ataxie Canada et Dystrophie musculaire Canada. 

Bien que toute application clinique soit encore loin, cette étude révèle des mécanismes jusque-là insoupçonnés et défriche des horizons de recherche, notamment pour des maladies neurodégénératives comme les syndromes parkinsoniens atypiques et l’atrophie multisystématisée.

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