Communication d’urgence
11 h 36 | 31 août

Abeilles en ville: oui, mais à condition que…

En 5 secondes Une équipe de recherche s’est penchée sur la durabilité et les effets sur la biodiversité urbaine de l’apiculture à Montréal.

L’effervescente Montréal a toujours bourdonné. Mais depuis quelques années, c’est au sens littéral de l’activité. Pendant la pandémie, les toits de la métropole ont vu fleurir de nombreuses ruches, alimentées principalement par des résidants en quête de loisirs. 

Si l’apiculture urbaine est séduisante, voire poétique, les villes sont-elles réellement adaptées à la survie des abeilles domestiques, mais aussi sauvages? 

Une équipe de recherche s’est intéressée à la question en analysant plus de 1000 ruches installées à Montréal entre 2017 et 2021. Mené par Liliana Perez, professeure au Département de géographie de l’Université de Montréal, le groupe a évalué la survie des colonies d’abeilles dans un environnement urbain, en plus de déterminer les principaux facteurs influant sur leur viabilité. 

Résultat: près de 70 % de l’île de Montréal serait propice à l’apiculture. Mais, indique Liliana Perez, l’apiculture en ville doit être mieux encadrée si l’on veut qu’elle survive… sans étouffer. 

Une proximité risquée

Pour comprendre ce qui favorise ou compromet la vie des abeilles en milieu urbain, l’équipe a fait appel à des outils de modélisation avancés et à des données environnementales variées, notamment la diversité florale, le relief, la proximité avec les routes, les polluants atmosphériques, la température et les précipitations.  

Mais c’est la concentration de ruches dans un espace restreint qui a retenu l’attention de l’équipe de recherche. Plus cette concentration est élevée, plus la mortalité des abeilles l’est aussi. «Une densité excessive engendre une compétition féroce pour les ressources florales, une transmission accrue des maladies et une fragilisation générale des colonies», note Liliana Perez. 

Autrement dit, pour que les abeilles puissent continuer de butiner en paix, il faut éviter de faire de chaque toit une ruche. Car les conséquences ne se répercutent pas exclusivement sur les abeilles domestiques, elles touchent aussi, et surtout, les abeilles sauvages, déjà menacées. 

«Les abeilles mellifères et les abeilles sauvages ont des forces et des adaptations différentes. Les premières sont adaptées à la vie sociale, à la production de miel et à une pollinisation efficace au sein de leurs grandes colonies. Les secondes, en revanche, sont souvent mieux adaptées à des environnements locaux et à des espèces végétales particulières. Les abeilles mellifères étant une espèce introduite, leur présence peut avoir un effet négatif sur les populations d’abeilles indigènes», précise la chercheuse. 

Affectées par la pollution de l’air

Outre la saturation en ruches, l’étude souligne que le couvert forestier est aussi un facteur important à considérer pour tendre vers une apiculture urbaine durable. Plus un secteur est riche en végétation – arbres, arbustes, fleurs, parcs, jardins communautaires –, plus les chances de survie d’une ruche augmentent. 

L’étude spécifie d’ailleurs que ce couvert devrait idéalement être élargi à trois kilomètres autour de la ruche, la santé des abeilles étant étroitement liée à l’aménagement urbain dans son ensemble. 

Sans surprise, une diversité végétale constitue un garde-manger fourni pour les abeilles. Mais les arbres et les espaces verts servent aussi d’abris contre le vent, le soleil, la chaleur et, de plus en plus, la pollution atmosphérique. 

«La mauvaise qualité de l’air réduit de manière importante la capacité des abeilles à polliniser les fleurs, signale Liliana Perez. Les polluants bloquent les rayons du soleil et perturbent la diffusion des phéromones qu’elles utilisent pour s’orienter. Désorientées, elles se fatiguent davantage à trouver des sources de pollen et ont plus de probabilités de mourir avant de terminer leur cycle de vie.» 

Un couvert forestier décent les isole ainsi davantage des polluants atmosphériques, un facteur essentiel dans le contexte actuel où les incendies de forêt nuisent de plus en plus fréquemment à la qualité de l’air. 

Réfléchir et protéger

Liliana Perez et son groupe ne remettent pas en cause l’apiculture urbaine en soi. Au contraire, ils en font ressortir le potentiel éducatif, communautaire et même écologique – à condition qu’elle soit pensée intelligemment.  

Aux yeux de la chercheuse, cela passe par des politiques de régulation, une planification à l’échelle du quartier et une meilleure sensibilisation du public quant aux conséquences d’une mauvaise gestion.  

«Il faut surtout pouvoir favoriser des emplacements qui évitent la compétition entre les pollinisateurs sauvages et l’apiculture urbaine», conclut-elle. 

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