Le trouble du comportement en sommeil paradoxal isolé annonce le parkinson ou la démence?

En 5 secondes Deux études regroupant des scientifiques et des patients de cinq pays ont permis de démontrer qu’il est possible de distinguer précocement qui souffrira de quelle maladie neurodégénérative et quand.

Une équipe de recherche internationale dirigée par le professeur Shady Rahayel, de l'Université de Montréal, vient de franchir une étape majeure dans la prédiction de maladies neurodégénératives. Grâce à deux études distinctes mais complémentaires, les scientifiques peuvent maintenant distinguer, des années à l'avance, quelles personnes atteintes d'un trouble du sommeil particulier souffriront de la maladie de Parkinson ou de la démence à corps de Lewy. 

Ces découvertes concernent le trouble du comportement en sommeil paradoxal isolé, où les personnes crient, se débattent ou rêvent tout haut pendant leur sommeil, parfois au point de blesser leur partenaire. «Ce n'est pas simplement un sommeil agité, c'est un signal d'alerte neurologique», explique le neuropsychologue Shady Rahayel, professeur à la Faculté de médecine de l'UdeM et chercheur au Centre d’études avancées en médecine du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal. 

Environ 90 % des personnes atteintes de ce trouble du sommeil développeront, au fil des ans, la maladie de Parkinson ou une démence à corps de Lewy. Mais jusqu'à présent, il était impossible de savoir quelle maladie allait se déclarer ni quand.

 

Premier biomarqueur: prédire la maladie de Parkinson

La première étude, réalisée par la doctorante Violette Ayral et publiée dans la revue Neurology le 16 septembre, a été menée auprès de 428 personnes de cinq pays (Canada, France, Royaume-Uni, Tchéquie et États-Unis) et s'est intéressée au système glymphatique du cerveau – un réseau qui évacue les déchets métaboliques pendant le sommeil, dont certaines protéines liées à la neurodégénérescence. Lorsque ce système fonctionne mal, les déchets s'accumulent, ce qui pourrait favoriser l'apparition de maladies comme le parkinson. 

Grâce à une technique avancée d'imagerie par résonance magnétique appelée DTI-ALPS, l’équipe de recherche a mesuré le niveau de circulation des fluides dans certaines régions cérébrales chez 250 patients atteints du trouble du comportement en sommeil paradoxal isolé et 178 individus en bonne santé, avec un suivi moyen de six ans. 

Résultat déterminant: les patients qui avaient un indice DTI-ALPS plus faible du côté gauche du cerveau (une circulation des fluides plus faible) étaient 2,4 fois plus susceptibles de souffrir de la maladie de Parkinson au cours des années suivantes. Aucun lien n'a été établi avec la démence à corps de Lewy. 

«Cette asymétrie reflète ce qu'on observe cliniquement dans les débuts de la maladie de Parkinson, où les symptômes moteurs apparaissent souvent d'un seul côté du corps. Cela pourrait marquer les premières étapes de la maladie», indique Violette Ayral, doctorante en neurosciences à l'Université de Montréal et première auteure de l'étude. 

Il s'agit de la première preuve qu'une mesure de la fonction glymphatique par imagerie peut prédire l’apparition de la maladie de Parkinson, et de la plus vaste cohorte internationale de patients avec un trouble du comportement en sommeil paradoxal isolé confirmé par l’examen médical de polysomnographie à avoir pris part à une étude sur ce sujet. 

Deuxième biomarqueur: prédire la démence à corps de Lewy

La seconde étude, menée par la doctorante Celine Haddad et publiée dans la revue Alzheimer's & Dementia le 19 septembre, a porté sur 438 personnes des mêmes pays selon une approche différente pour prédire l'évolution vers la démence à corps de Lewy, une maladie neurodégénérative qui combine des symptômes de la maladie de Parkinson (tremblements, rigidité) et de la maladie d'Alzheimer (troubles cognitifs, confusion, hallucinations). Cette forme de démence représente la deuxième cause de démence dégénérative après l’alzheimer. 

L’équipe de recherche a mesuré la quantité d’«eau libre» – une forme d’eau non retenue par les cellules du cerveau qui circule librement entre elles – dans une région clé pour la pensée et le raisonnement: le noyau basal de Meynert. Cette eau libre reflète des changements microscopiques précoces, comme l'inflammation ou la perte cellulaire, et constitue une mesure indirecte de la dégénérescence neuronale. 

Après un suivi médian de 8,4 ans, les résultats sont frappants: les personnes qui ont développé une démence à corps de Lewy présentaient une augmentation significative d'eau libre dans cette région cérébrale, avec un risque multiplié par huit que cette forme de démence se manifeste. Cette mesure s'est révélée plus sensible que les méthodes traditionnelles basées sur l'atrophie cérébrale. 

«Ce qui est fascinant, c'est que cette mesure capte des changements très précoces, avant même que les symptômes apparaissent», dit Celine Haddad, étudiante de doctorat en neuropsychologie à l’UdeM et première auteure de cette seconde étude. 

Vers une médecine de précision

Ces travaux sont les plus vastes études internationales jamais menées à l’aide de l'imagerie cérébrale chez des personnes atteintes du trouble du comportement en sommeil paradoxal isolé confirmé par polysomnographie. Ils ont rassemblé des données du Canada, de la France, du Royaume-Uni, de la Tchéquie et des États-Unis, avec des suivis moyens de quatre à six ans. 

Ces découvertes ouvrent la voie à des tests de dépistage personnalisés qui permettront de prédire quelle maladie se développera avant l'apparition des symptômes. Les cliniciens pourront ainsi offrir un suivi médical adapté à chaque trajectoire de maladie et mieux cibler les essais cliniques de traitements préventifs. Cette approche pourrait transformer la prise en charge des maladies neurodégénératives en permettant d'intervenir avant que les dommages irréversibles surviennent. 

«On savait déjà que le trouble du comportement en sommeil paradoxal isolé est un signe avant-coureur de ces maladies, mais on ignorait qui allait développer quoi. Grâce à ces études complémentaires, on a maintenant des outils pour mieux le prédire et personnaliser la prise en charge», conclut le professeur Rahayel. 

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