Essai clinique RESTART: un espoir pour les personnes vivant avec le VIH

En 5 secondes Et si une protéine virale pouvait expliquer pourquoi certaines personnes vivant avec le VIH ne retrouvent jamais une bonne santé malgré le traitement antirétroviral qu’elles suivent?

Certaines personnes qui vivent avec le VIH ne recouvrent jamais la santé même si elles suivent un traitement antirétroviral. Une protéine virale pourrait-elle expliquer pourquoi? C’est la question que se posent les chercheurs du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) Madeleine Durand et Andrés Finzi, qui est aussi professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Leurs travaux conjoints ont mené à un essai clinique inédit qui sera lancé cet automne au CHUM. 

 

Deux études, une piste

Depuis leur étude publiée en 2023, les deux scientifiques et Mehdi Benlarbi, doctorant dans le laboratoire d’Andrés Finzi, s’intéressent à une molécule en jeu dans le VIH: la gp120. Cette protéine, utilisée par le virus pour infecter les cellules CD4 responsables d’activer la défense immunitaire, semble jouer un rôle plus sournois.  

Même lorsque la charge virale est indétectable, la molécule gp120 circule dans le sang d’une personne infectée sur trois et agit comme une toxine virale. Elle se fixe à des cellules saines, les ciblant pour se faire éliminer par le système immunitaire, qui détruit ainsi ses propres défenses.

Dans l’étude diffusée en août 2025 dans eBioMedicine, l’équipe scientifique montre que certains anticorps non neutralisants aggravent cette situation en attaquant ces cellules CD4 non infectées rendues vulnérables par l’action de la molécule gp120.

«Cette forme de sabotage immunitaire s’accompagne d’une baisse du nombre de cellules CD4 et nuit directement à la capacité du système immunitaire des personnes vivant avec le VIH à combattre le virus, explique Andrés Finzi. À l’inverse, nous montrons que d’autres anticorps plus rares – les anti-CD4BS – bloquent l’ancrage de la molécule gp120 à la surface des cellules CD4 saines et les protègent.» 

Cette découverte a pu être réalisée grâce à des échantillons de la cohorte canadienne CHACS (Canadian HIV and Aging Cohort Study), dirigée par la Dre Durand. Cette cohorte regroupe 850 personnes infectées par le VIH et 250 sujets témoins.

«Seulement 15 % des gens qui vivent avec le VIH possèdent ce type de “bons” anticorps dans leur plasma, en plus des “mauvais” anticorps qui se débarrassent des cellules saines», dit la Dre Durand, professeure adjointe à l’Université de Montréal.

Fostemsavir: plus qu’un antiviral?

Dans une troisième étude, parue dans The Journal of Infectious Diseases, le trio scientifique du CRCHUM aidé de Jonathan Richard, associé de recherche dans le laboratoire d’Andrés Finzi, révèle que les personnes traitées au fostemsavir présentent des taux plus faibles de «mauvais» anticorps.

Le groupe de recherche avait déjà démontré dans une étude précédente que le fostemsavir, un médicament approuvé par Santé Canada pour les personnes vivant avec le VIH en échec thérapeutique, bloquait l'effet toxique de la molécule gp120.

«Ce médicament, produit et fourni par notre partenaire ViiV Healthcare, déforme la protéine virale de façon inédite. Les “mauvais” anticorps, en moins grand nombre, n’étiquettent plus les cellules CD4 non infectées, car le médicament rend la molécule gp120 incapable de se coller à ces cellules. Il neutralise sa toxicité», indique Andrés Finzi.

Ce mécanisme, observé sur des échantillons de biobanques italiennes et de ViiV Healthcare, porte à croire que le fostemsavir pourrait améliorer l’immunité même chez les personnes dont le virus est bien contrôlé.

«Il redonnerait aux cellules CD4 leur rôle de chef d’orchestre du système immunitaire et permettrait à ces patients d’être en meilleure santé», souligne la Dre Durand.

Un essai clinique lancé au CHUM

Ces avancées scientifiques ont mené à l’essai clinique RESTART, un essai clinique randomisé lancé cet automne au CHUM, qui sera piloté par la Dre Durand. Pendant deux ans, 150 personnes seront suivies.

L’objectif: tester si le fostemsavir, associé à une trithérapie existante, peut avoir des effets bénéfiques sur la santé cardiovasculaire des personnes qui vivent avec le VIH.

Chez ces patients, l’activation constante du système immunitaire entraîne une inflammation chronique qui cause des problèmes de santé, comme les maladies cardiovasculaires, l’ostéoporose ou le déclin neurocognitif.

Désignés par le terme de comorbidités précoces, ils surviennent environ 15 ans plus tôt que dans la population générale.

«L’essai clinique repose sur les bases d’une médecine personnalisée. Seules les personnes infectées par le VIH ayant un niveau de molécules gp120 détectable dans leur sang pourront participer à l’essai clinique. Un test mis au point par l’équipe d’Andrés Finzi permet de repérer ces profils, précise la Dre Durand. Les volontaires subiront deux tomodensitométries cardiaques, au début et à la fin de l’étude, afin de mesurer l’évolution de la plaque coronarienne.» 

Obtenue par imagerie, cette mesure, un marqueur de la maladie cardiovasculaire, sera réalisée par le Dr Carl Chartrand-Lefebvre, chercheur au CRCHUM et directeur du Département de radiologie, radio-oncologie et médecine nucléaire de l’Université de Montréal.

Traiter différemment

Soutenue par les Instituts de recherche en santé du Canada, l’étude RESTART propose une nouvelle façon de penser les traitements du VIH. Elle s’inscrit dans une volonté de mieux comprendre le vieillissement des personnes qui vivent avec le VIH et d’améliorer leur qualité de vie.

«Supprimer la charge virale du VIH dans le plasma grâce à la trithérapie, le standard de traitement actuel, n’est peut-être pas suffisant. Si notre essai clinique confirme que la molécule gp120 soluble est une cible thérapeutique virale légitime, nous aurons alors plusieurs façons supplémentaires d’attaquer le virus, que ce soit par un médicament ou des anticorps à large spectre», mentionne la Dre Durand.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, près de 41 millions de personnes vivaient avec le virus responsable du sida en 2024 et 1,3 million avait contracté une infection au VIH.

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