À la recherche des derniers moments de Néandertal: une mission archéologique en Italie

En 5 secondes Le professeur Julien Riel-Salvatore et son équipe ont effectué des fouilles dans la caverne d’Arma delle Manie, en Italie, où ont vécu certains des derniers Néandertaliens il y a plus de 40 000 ans.
Les chercheurs Francesco Fontani (Université de Bologne), Matteo del Rio et Silvia Gazzo (Université de Gênes), ainsi que les étudiantes Alice Fournier et Amélie Vallerand (Université de Montréal), lors des fouilles effectuées cet été sur le site d’Arma delle Manie, en Italie.

Dans la pénombre de la grotte d'Arma delle Manie, en Italie, Julien Riel-Salvatore et son équipe grattent délicatement les couches sédimentaires avec leurs truelles. Chaque mouvement de l’outil peut révéler un fragment d'os, un éclat de pierre taillée ou un vestige de foyer vieux de 40 000 ans. Ces chercheuses et chercheurs canadiens et italiens tentent d’éclaircir une grande énigme de l'anthropologie: que sont devenus les derniers Néandertaliens d'Europe? 

Du 3 au 29 juin, l'équipe internationale a repris les fouilles interrompues il y a 40 ans dans cette immense caverne située en Ligurie, armée cette fois de technologies de pointe et de méthodes de documentation révolutionnaires. Trois étudiantes de l'Université de Montréal accompagnaient le professeur Riel-Salvatore, soit Amélie Vallerand, doctorante, Estelle Maitre, inscrite à la maîtrise, et Alice Fournier, qui termine son baccalauréat avant d'entamer des études aux cycles supérieurs. 

Cette collaboration internationale réunit les forces de l'Université de Montréal, de l'Université de Gênes et de l'Université de Bologne. Des chercheurs de Gênes et un postdoctorant de Bologne ont joint leurs efforts à ceux des Canadiens dans un travail visant à percer les secrets d'un site historiquement riche.

Un refuge écologique pour les derniers Néandertaliens?

«L'hypothèse centrale de cette recherche veut que la région de la Ligurie aurait constitué un refuge écologique pour les derniers Néandertaliens d'Europe, il y a un peu plus de 40 000 ans, mentionne Julien Riel-Salvatore. Cette théorie, si elle se confirme, pourrait expliquer pourquoi cette population a survécu plus longtemps dans cette zone géographique particulière avant de disparaître définitivement.» 

Connu depuis les années 1960, le site d'Arma delle Manie recèle encore de nombreux secrets. Cette caverne, l'une des plus vastes de la région, a été utilisée de manière continue jusqu'à une époque récente. Les archéologues y ont découvert des installations de production agricole, notamment des pressoirs à huile, qui témoignent de son utilisation millénaire. Mais c'est dans les couches sédimentaires plus profondes que se cachent les véritables trésors: outils en pierre, ossements d'animaux et autres artéfacts susceptibles de mettre en lumière l'histoire des derniers Néandertaliens. 

Cette première mission estivale a marqué le début d'un projet qui s'étalera sur trois ans. L'objectif est de comprendre comment se comportaient les Néandertaliens de l’époque et, pour y parvenir, l'équipe doit d'abord consolider ses bases méthodologiques et organisationnelles tout en commençant à révéler les secrets enfouis dans les sédiments de la grotte. 

Des technologies de pointe au service de l'archéologie

Contrairement aux instruments qui ont servi aux fouilles des années 1960, l'équipe actuelle emploie des méthodes de documentation ultraprécises permettant de reproduire le site en trois dimensions. Les chercheurs fouillent désormais par unité stratigraphique, reconstituant chaque couche avec des outils d'arpentage modernes. Cette précision accrue permettra de contextualiser chaque découverte avec une exactitude inégalée. L'équipe prévoit également utiliser des drones pour capturer des vues aériennes de la région et offrir ainsi une perspective globale du site et de son environnement géologique. 

«L'une des innovations les plus prometteuses concerne l'analyse de l'ADN ancien, poursuit Julien Riel-Salvatore. Nous prélevons des échantillons de sédiments pour en extraire des traces génétiques et ainsi dresser un tableau biologique précis des occupations successives de la grotte.» 

Des découvertes prometteuses dès la première saison

Les résultats de cette première mission ont dépassé toutes les attentes. «Nous pensions n'avoir le temps que de nous installer sur le chantier, mais finalement, nous avons commencé à travailler dès la première semaine», confie Julien Riel-Salvatore. L'équipe a excavé plusieurs couches et découvert des artéfacts de l'époque moustérienne, cette période caractéristique des Néandertaliens. 

Les découvertes incluent des centaines d'ossements animaux remarquablement bien conservés ainsi que des outils en pierre, témoins des activités de boucherie pratiquées par les habitants de la caverne. L'équipe a également mis au jour des traces de foyers qui constituent des indices des activités domestiques et sociales de cette population. 

Cette première saison a aussi permis de nettoyer une séquence stratigraphique et de fouiller une couche sur plusieurs mètres carrés. L'analyse des données collectées, qui se poursuivra pendant l'année, permettra de déterminer de quelles espèces animales les habitants de cette caverne tiraient parti et comment ils s'adaptaient à leur environnement. 

Un projet qui s'inscrit dans la durée

Cette mission archéologique combine fouilles nouvelles et réanalyse des objets découverts au cours des campagnes précédentes, entreposés au Musée archéologique de Finale Ligure, ville voisine du site. 

L'approche méthodologique adoptée par l'équipe témoigne de l'évolution de la discipline, qui s'est enrichie entre autres d'équipements d'arpentage et d'appareils photographiques sophistiqués. 

«Les prochaines campagnes promettent d'être tout aussi fructueuses, conclut Julien Riel-Salvatore. Avec trois années de fouilles planifiées, nous disposons du temps nécessaire pour approfondir notre compréhension du site et valider l'hypothèse du refuge écologique. Cette recherche pourrait non seulement éclairer les derniers moments des Néandertaliens, mais aussi faire progresser notre compréhension de l'adaptation humaine aux changements environnementaux.» 

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