VIH: une molécule ouvre une brèche dans le virus et donne accès à ses réservoirs

En 5 secondes Une équipe internationale, dirigée par deux chercheurs du CRCHUM, met en évidence la capacité d’une molécule à ouvrir la «carapace» du VIH et à ainsi améliorer l’élimination de cellules infectées.
La molécule CJF-III-288 se lie au VIH et le force à exposer ses vulnérabilités au système immunitaire.

Dans une étude publiée dans Nature Communications, les chercheurs du Centre de recherche du CHUM Jonathan Richard et Andrés Finzi montrent comment un nouveau mimétique moléculaire du récepteur CD4, nommé CJF-III-288, modifie la structure de l’enveloppe du VIH de façon inédite et entraîne une réponse immunitaire plus efficace. 

Cette molécule, semblable à la protéine CD4 permettant au virus de pénétrer dans les cellules, se lie au VIH et le force à exposer ses vulnérabilités au système immunitaire. 

«Contrairement aux mimétiques précédents, CJF-III-288 agit à faible dose sur plusieurs souches primaires du VIH. Il permet à des anticorps spécifiques, les anti-CoRBS, de déclencher une réponse cytotoxique connue sous le nom de cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps [ADCC]», explique le virologue Jonathan Richard, associé de recherche dans le laboratoire d’Andrés Finzi et copremier auteur de l’étude. 

Le mécanisme ADCC est l’un des moyens du système immunitaire pour éliminer les cellules infectées. 

«Jusqu’ici, ces anticorps étaient inefficaces sans l’aide d’un mimétique CD4 et d’autres anticorps appelés anti-clusters A, dit Andrés Finzi, professeur de virologie à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. C’est la première fois qu’on démontre que les anticorps anti-CoRBS peuvent agir seuls en combinaison avec un mimétique de CD4.» 

Pour les personnes vivant avec le VIH, cette approche pourrait constituer un pas décisif en réduisant les réservoirs viraux, ces cellules dormantes du virus qui échappent aux traitements actuels et empêchent la guérison complète.

Une flexibilité virale inégalée

«Le mimétique CJF-III-288 est plus efficace que tous ceux synthétisés jusqu’à maintenant. Il ouvre l’enveloppe virale de manière asymétrique et la rend plus souple. C’est ce qui pourrait changer les choses!» souligne Andrés Finzi.  

Il poursuit: «Cette souplesse structurelle permet aux anticorps anti-CoRBS de se présenter avec différents angles d’attaque, facilitant le recrutement des cellules NK, chargées d’éliminer les cellules infectées.» 

«En présence du mimétique CJF-III-288, c’est précisément cette flexibilité qui redonne leur efficacité à ces anticorps auparavant inactifs», mentionne Jonathan Richard, qui est aussi chercheur au Département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’UdeM. 

Les résultats de cette étude sont le fruit d’une collaboration étroite entre l’équipe montréalaise et plusieurs équipes américaines. Celles-ci réunissent des expertises variées en modélisation animale (Priti Kumar, de l’Université Yale), en chimie (Amos B. Smith III, de l’Université de Pennsylvanie), en cryomicroscopie électronique (Marzena Pazgier, de la Uniformed Services University; Walther Mothes, de l’Université Yale) et en visualisation en temps réel de glycoprotéines (James Munro, de l’Université du Massachusetts).  

 

Frein au rebond viral

Dans son étude, l’équipe du CRCHUM a d’abord démontré l’efficacité du nouveau mimétique sur des échantillons de plasma de personnes vivant avec le VIH. 

Pour aller plus loin, les chercheurs ont testé la molécule en combinaison avec un anti-CoRBS sur des souris humanisées, dont le système immunitaire reproduit celui de l’humain. Résultat: après l’arrêt de la thérapie antirétrovirale, le traitement a notablement retardé la réapparition du virus. 

Concrètement, il a fallu trois fois plus de temps au virus pour réapparaître. Le VIH est réapparu de 13 à 17 jours après l’interruption du traitement, contre seulement 5 jours chez les souris témoins. 

«Ce retard dans le rebond viral indique que la taille des réservoirs viraux a considérablement diminué», observe Andrés Finzi. 

Toujours au stade préclinique, cette avancée scientifique ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques visant à éliminer les cellules infectées et à réduire la dépendance au traitement à vie.  

Andrés Finzi et Jonathan Richard envisagent maintenant de combiner le mimétique CJF-III-288 avec des cocktails d’anticorps et de tester son efficacité sur des primates non humains. 

Selon l’Organisation mondiale de la santé, en 2024, environ 41 millions de personnes vivaient avec le virus du sida et 1,3 million de nouvelles infections au VIH ont été détectées. 

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