De la jalousie à l’insatisfaction
Fait intéressant, ce n’est pas tant la surveillance électronique – le fait de consulter les publications, d’examiner la liste d’amis ou de vérifier les mentions J’aime – qui était liée à une plus faible satisfaction relationnelle, mais bien la jalousie suscitée par le contenu en ligne de l’amoureuse ou de l’amoureux qui semblait être le facteur clé.
«Ce que nous soupçonnons, indique Marie-Ève Daspe, c’est qu’il y a une méfiance et une insécurité qui s’installent dans la relation à partir de ce qu'on voit – ou croit voir – sur les réseaux sociaux. Ça vient alors teinter la façon dont la personne évalue la qualité de sa relation, donc dans quelle mesure elle en est satisfaite.»
L’équipe a aussi cherché à savoir si certaines caractéristiques des utilisateurs les rendaient plus à risque. Des études précédentes ont par exemple mis en lumière que les personnes plus anxieuses ou craintives de perdre leur partenaire – celles qui présentent une plus grande anxiété d’attachement – seraient davantage sujettes à la jalousie.
Or, l’équipe n’a pas trouvé de lien entre l’anxiété d’attachement d’une personne et sa jalousie un an plus tard.
Ce résultat donne à penser que la jalousie liée aux réseaux sociaux ne découle pas uniquement de traits individuels, mais bien de l’environnement numérique lui-même, qui offre une foule d’informations visibles, mais sans mise en contexte.
Les jeunes adultes plus vulnérables
Si la jalousie relative aux contenus numériques et la baisse de satisfaction relationnelle associée peuvent toucher toutes les tranches d’âge, Marie-Ève Daspe estime que les jeunes adultes y sont particulièrement exposés. D’une part, ils sont les plus grands utilisateurs des réseaux sociaux. D’autre part, c’est souvent à cette période que se forment les premières relations amoureuses sérieuses, parfois avec cohabitation et engagement.
«Leurs habiletés relationnelles sont encore en développement, explique la chercheuse. C’est un stade important pour apprendre la saine gestion des conflits et des difficultés relationnelles, et les réseaux sociaux ajoutent des défis supplémentaires.»
Pas que du négatif
Faut-il pour autant renoncer aux réseaux sociaux? Pas nécessairement, selon Marie-Ève Daspe. La professeure insiste plutôt sur l’importance de la conscientisation et de la communication.
«Si l’on sait que s’exposer à du contenu lié à notre partenaire engendre de la jalousie, c’est important d’être particulièrement conscient de ce que l’on consomme, réaliser quand on se met à surveiller, à fouiller, à s’imaginer des choses. Et surtout, il faut en parler avec son ou sa partenaire, plutôt que de tomber dans un cycle de surveillance, de méfiance ou de suspicion qui va probablement détériorer la relation», dit-elle.
Prendre du recul, savoir reconnaître et nommer ses insécurités et valider l’information directement auprès de l’autre pour être rassuré seraient ainsi de bons réflexes pour éviter ce cercle vicieux de la jalousie.
Aussi, il est important de noter que les réseaux sociaux ne sont pas que des menaces pour le couple, nuance Marie-Ève Daspe. Certaines études montrent qu’ils peuvent aussi renforcer les liens affectifs et être liés à une plus grande satisfaction relationnelle, notamment lorsque les partenaires partagent du contenu, expriment leur affection ou interagissent positivement en ligne.
«Mais il y a encore peu d’études longitudinales pour mesurer les bienfaits à long terme des réseaux sociaux sur les relations amoureuses. Est-ce le fonctionnement relationnel qui va influencer les comportements positifs en ligne ou est-ce que ce sont les comportements positifs en ligne qui influencent le fonctionnement relationnel?» questionne la chercheuse.