Un portrait en images des changements climatiques

Rue Cousineau, dans Cartierville, à Montréal, le 8 mai 2017

Rue Cousineau, dans Cartierville, à Montréal, le 8 mai 2017

Crédit : Gone Coastal

En 5 secondes

Une équipe de Mila conçoit un site Web interactif faisant appel à l'intelligence artificielle pour illustrer l'effet des futures inondations sur votre quartier.

Sasha Luccioni

Sasha Luccioni, une chercheuse en apprentissage machine qui a commencé son stage postdoctoral en février dernier à Mila, dirige un projet appelé Visualiser le changement climatique.

Sous la direction du professeur Yoshua Bengio, cette jeune femme de 29 ans née en Russie, qui a grandi à Toronto, a fait des études à Paris et Montréal et effectué des stages en Corée du Sud et en Argentine, se spécialise dans l'utilisation de l'intelligence artificielle comme outil éducatif.

Nous avons discuté avec elle de son plus récent projet.

Sur quoi porte votre projet?

L'idée est d'utiliser certains types de réseaux neuronaux appelés réseaux antagonistes génératifs, qui sont capables de créer de nouveaux contenus, et de leur soumettre les bons ensembles d'images d'entraînement pour qu'ils génèrent de nouvelles images basées sur des modèles climatiques probabilistes. Nous avons commencé par des images d'inondation et les réseaux nous ont montré à quoi ressemblerait l'extérieur de différentes habitations dans les prochaines décennies si elles sont touchées par ce genre de catastrophe.

Les images sont-elles propres à chaque habitation et sa géolocalisation?

Nous travaillons actuellement sur un prototype: nous saisissons une adresse, puis nous lançons une recherche dans Google Street View pour obtenir ses coordonnées GPS. En fonction de ces coordonnées, nous interrogeons un modèle climatique qui nous indique quel sera le niveau d'eau à cet endroit, le cas échéant. Nous pouvons prédire le niveau d'eau d'après la topologie du terrain.

Peut-on connaître la probabilité d'inondation à différents moments dans le temps ou seulement à un moment précis?

Le prototype actuel nous montre les probabilités en 2050, mais lorsqu'il sera parfaitement au point, nous voulons pouvoir anticiper différents futurs climatiques. Nous nous basons actuellement sur un scénario de maintien du statu quo pour développer notre modèle, mais il existe d'autres scénarios qui tiennent compte des efforts visant à lutter contre les changements climatiques; si nous utilisons ces scénarios, nous pourrons montrer aux gens l'influence qu'ils peuvent avoir en modifiant leurs habitudes de vie.

Quel est votre public cible?

Nous ciblons les jeunes de 16 à 30 ans, car ce sont eux qui hériteront de la situation actuelle, et aussi en raison de l'aspect éducatif de ce projet: comment les changements climatiques influencent les régimes climatiques par exemple. Les jeunes sont également une cible de choix, car ils sont très présents sur Internet et ouverts à l'utilisation des technologies que nous mettons au point, comme notre application mobile.

Cherchez-vous à faire appel aux motivations personnelles des gens?

Oui, car la dimension cognitive des changements climatiques pose un véritable problème. Selon les psychologues cognitivistes, quand on ne perçoit pas les répercussions d'un problème sur soi-même, on y est moins sensible. Nous tentons de changer cet état de fait afin de montrer aux gens de quelle façon un endroit auquel ils sont attachés peut être touché et de quelle façon des actions entreprises par une collectivité peuvent changer les choses de façon concrète et précise.

Avez-vous entré votre propre adresse dans le modèle?

Oui, bien sûr. Tous les membres de l'équipe l'ont fait. Nous avons aussi entré l'adresse de Mila. Le modèle fonctionne plutôt bien pour ces adresses, mais nous voulons maintenant le tester sur des endroits que nous ne connaissons pas – comme des zones rurales et éloignées. Les gens vivent dans toutes sortes de lieux et toutes sortes d'habitations; par conséquent, plus les tests seront variés, plus le modèle sera fiable.

À quel moment les gens pourront-ils utiliser votre système?

Au début 2020, à priori. Nous voulons commencer par un lancement discret. À l'heure actuelle, le système est protégé par un mot de passe; les gens peuvent entrer leur adresse et nous pouvons voir l'image de sortie. Mais nous devons améliorer son fonctionnement: quelles images donnent de bons résultats, lesquelles sont moins efficaces, quel est le meilleur moyen d'interroger Google Street View pour obtenir la meilleure image… Ensuite, nous procéderons au lancement, en janvier.

Et il y aura une application mobile?

Oui, elle s'appelle ClimatePix. Les gens peuvent envoyer leurs propres photos – des photos des inondations dans l'ouest de l'île ou à Gatineau par exemple. Nous espérons recevoir davantage de données pour aider notre modèle à s'améliorer.

Comment participer

Vous pouvez aider Sasha Luccioni et son équipe à faire du projet Visualiser le changement climatique une réalité: téléversez vos photos de maisons et de rues inondées dans ClimatePix, accompagnées d'une brève description. Surveillez aussi le lancement de la version finale en 2020.

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