Le réchauffement climatique pourrait favoriser les cas de rage

  • Forum
  • Le 20 septembre 2019

  • Mathieu-Robert Sauvé
On sait depuis 1947 que le renard arctique est porteur d’une forme de rage baptisée «rage vulpine», une maladie contagieuse potentiellement mortelle et transmissible aux humains, d’où son nom de zoonose.

On sait depuis 1947 que le renard arctique est porteur d’une forme de rage baptisée «rage vulpine», une maladie contagieuse potentiellement mortelle et transmissible aux humains, d’où son nom de zoonose.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Le vétérinaire et chercheur en épidémiologie André Ravel croit que le réchauffement climatique pourrait entraîner une hausse des zoonoses, ces maladies transmises des animaux aux humains.

On sait depuis 1947 que le renard arctique (Vulpes lagopus) est porteur d’une forme de rage baptisée «rage vulpine», une maladie contagieuse potentiellement mortelle et transmissible aux humains, d’où son nom de zoonose. Si les cas de maladie confirmés sont rarissimes (moins de 10 malades en un demi-siècle en Russie et au Groenland; aucun au Canada), la situation préoccupe les organismes de santé publique du Nord canadien. On craint, de plus, que la rage se transmette au renard roux (Vulpes vulpes), une espèce apparentée répandue dans le sud du continent.

«Les deux espèces étaient jusqu’à maintenant isolées, mais le réchauffement climatique fait en sorte que l’habitat du renard roux s’étend vers le nord. Une contamination pourrait être préoccupante tant pour la faune que pour la santé humaine», explique le Dr André Ravel, professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

Il s’agit actuellement d’un risque théorique, mais les chercheurs du Groupe de recherche en épidémiologie des zoonoses et santé publique (GREZOSP), qu’il dirige depuis 2016, mettent au point des modèles de transmission du virus de la rage qui pourraient être utiles en cas d’épidémie.

Risques humains-chiens

André Ravel

Crédit : GREZOSP

Les recherches entreprises par le GREZOSP ont pour objet les risques associés à ces maladies zoonotiques comme la rage vulpine. Avec plusieurs collègues de l’Université de Montréal (la géographe Thora Herrmann; les épidémiologistes Cécile Aenishaenslin, Christopher Fernandez-Prada, Patrick Leighton et Audrey Sion, de la Faculté de médecine vétérinaire) et de l’extérieur (l’anthropologue Francis Lévesque, de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, et la professeure de communication Johanne Saint-Charles, de l’Université du Québec à Montréal), il travaille notamment à l’évaluation d’une série d’interventions «visant à réduire les risques et à augmenter les avantages pour la santé humaine à l'interface humain-chien dans le nord du Canada». Les Inuits, ainsi que les Cris, les Naskapis et les Innus, vivent en relation étroite avec les chiens, qui peuvent également être des vecteurs de la rage.

Depuis plus de 10 ans, la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM mène des travaux au Nunavik afin de prévenir les problèmes liés à la cohabitation des humains avec les animaux. Les besoins sont immenses, car cette région ne peut compter sur aucun vétérinaire à temps plein. «Nous abordons ces communautés en respectant les différentes dimensions de la santé, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé: santé physique, mais aussi santé mentale et santé sociale», mentionne le professeur Ravel.

Chaleur et bactéries

Cette menace n’est qu’un exemple des sujets sur lesquels se penche le Dr Ravel. Il est reconnu pour son expertise en matière de zoonoses bactériennes (salmonellose, campylobactériose et infections à Escherichia coli) et parasitaires (giardiase, cryptosporidiose). «Voici un autre type de maladie qui pourrait voir son rayon s’agrandir en fonction des changements climatiques, poursuit le vétérinaire épidémiologiste: la campylobactériose, qui est causée par des bactéries qui se trouvent dans les déjections animales de plusieurs mammifères et oiseaux domestiques ou sauvages. En cas de pluies abondantes, la bactérie qui la produit peut se retrouver dans les sources d’eau potable. Et les changements climatiques augmentent le nombre et l’intensité de ces pluies abondantes.»

Les effets de l’infection par des campylobacters ne sont pas mortels, mais ils peuvent se faire sentir sur la productivité en raison de l’absentéisme provoqué. «Les symptômes sont ceux de la gastroentérite classique: diarrhée, vomissements, maux de ventre», résume le chercheur.

D’autres travaux transdisciplinaires sont effectués par le GREZOSP, qui célèbre cette année ses 20 ans d’existence. Ce groupe unique en son genre est né d’une entente de partenariat avec l’Agence de la santé publique du Canada qui se poursuit depuis alors que d’autres ententes ont été conclues avec l’Agence canadienne d’inspection des aliments et l’Institut national de santé publique du Québec. Dix chercheurs du GREZOSP sont aussi associés à l’axe Une seule santé du monde du Centre de recherche en santé publique tout nouvellement financé à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.