CÉRIUM: un appel à la libération des prisonniers scientifiques en Iran
- Forum
Le 8 janvier 2020
- Martin LaSalle
Des professeurs rattachés au Centre d’études et de recherches internationales de l’UdeM appuient les efforts visant la libération de deux chercheurs détenus injustement dans la prison d’Evin, en Iran.
Dans une lettre ouverte diffusée le 4 janvier, une quarantaine de professeurs et professeures (voir l’encadré) rattachés au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM) interpellent le gouvernement du Canada et les universités québécoises et canadiennes pour qu’ils appuient les efforts internationaux visant à obtenir la libération de deux prisonniers scientifiques détenus en Iran.
Fariba Adelkhah et Roland Marchal ‒ deux chercheurs du Centre de recherches internationales de Sciences Po (CERI), en France – ont été arrêtés en Iran le 5 juin 2019 et sont toujours incarcérés. Le 24 décembre, Fariba Adelkhah entamait une grève de la faim.
Frédéric Mérand, directeur du CÉRIUM, fait le point sur la situation.
Qui sont Fariba Adelkhah et Roland Marchal, et pourquoi ont-ils été arrêtés?
Fariba Adelkhah est une anthropologue franco-iranienne, spécialiste du chiisme et de la société iranienne. Elle est chercheuse au CERI, à Paris, depuis 1993. Le sociologue Roland Marchal est spécialiste de la Corne de l’Afrique et aussi chercheur au CERI.
Ils ont été arrêtés le 5 juin dernier et, depuis maintenant plus de sept mois, ils sont détenus séparément à la prison d’Evin, à Téhéran. Il s’agit de la prison tristement célèbre qu’ont connue les Québécoises Homa Hoodfar, incarcérée pendant trois mois en 2016, et Zahra Kazemi, qui y est morte en 2003.
Fariba Adelkhah est inculpée de deux chefs d’accusation: propagande contre le système politique de la République islamique et complot contre la sûreté nationale. Roland Marchal, lui, est accusé d’avoir comploté contre la sécurité nationale.
Leur arrestation, sous prétexte de ce qui nous apparaît comme de fausses accusations, pourrait représenter une monnaie d’échange dans le contexte géopolitique tendu avec l’Iran. Puisqu’ils n’ont mené aucune activité politique ou liée au renseignement dans ce pays, ce sont des prisonniers scientifiques.
Comment a-t-on appris que Fariba Adelkhah avait entrepris une grève de la faim?
Mme Adelkhah observe une grève de la faim depuis le 24 décembre, ainsi que l’une de ses codétenues, Kylie Moore-Gilbert, ressortissante australienne et chercheuse à l’Université de Melbourne.
Elles ont réussi à faire passer à l’extérieur une lettre dans laquelle elles ont annoncé faire cette grève au nom de la liberté de recherche. Elles déclarent avoir été victimes de tortures psychologiques et de nombreuses violations de leurs droits.
Pourquoi le CÉRIUM intervient-il publiquement?
Notamment parce que Fariba Adelkhah et Roland Marchal sont chercheurs au CERI, qui a servi de modèle à la création du CÉRIUM et avec lequel nous entretenons des liens étroits.
Nous intervenons pour demander au gouvernement du Canada et aux universités québécoises et canadiennes d’appuyer les efforts internationaux visant à obtenir la libération de ces deux prisonniers scientifiques, ainsi que celle de tous les universitaires ‒ iraniens et étrangers ‒ détenus arbitrairement dans ce pays.
D’ailleurs, en même temps que nous exigeons la libération de nos collègues français, nous pensons à tous les universitaires, chercheurs et intellectuels dont la liberté est bafouée et la vie parfois mise en danger à travers le monde. En 2019 seulement, selon l’association Scholars at Risk, 273 universitaires ont été persécutés sur la planète, qu’ils aient été victimes d’un meurtre, d’atteinte à leur intégrité physique, portés «disparus», emprisonnés, congédiés ou subissant des restrictions de leur liberté…
La plupart de ces universitaires vivent sous des régimes autoritaires, comme l’Iran, la Chine, la Turquie ou la Russie. Certains, tels Fariba Adelkhah et Roland Marchal, étaient de passage dans la capitale iranienne.
Nous souhaitons aussi affirmer que les chercheurs des pays démocratiques sont attachés à la liberté d’enseignement et de recherche qui leur permet d’exercer leurs activités, soit la production et la diffusion du savoir, en toute indépendance. C’est une liberté aussi précieuse que rare dans le monde. Or, lorsque la liberté individuelle au sens le plus simple du terme est menacée, ce sont les droits fondamentaux qui sont en jeu. Et ceux-ci, on l’oublie parfois, sont universels.
Les signataires de la lettre
Le comité de direction du CÉRIUM
- Magdalena Dembinska, science politique
- Frédéric Mérand, science politique
- Cynthia Milton, histoire
Chercheurs et chercheuses du CÉRIUM
- Valérie Amiraux, sociologie
- Vincent Arel-Bundock, science politique
- Guillermo Aureano, science politique
- Karine Bates, anthropologie
- Karim Benyekhlef, droit
- Ryoa Chung, philosophie
- Jocelyn Coulon
- Régis Coursin, sociologie
- Peter Dietsch, philosophie
- Graciela Ducatenzeiler, science politique
- Pascale Dufour, science politique
- Gabriel Fauveaud, géographie
- Michel Fortmann, science politique
- Marion Frogier, études cinématographiques
- Mamoudou Gazibo, science politique
- Jean-François Gagné, science politique
- David Grondin, communication
- Solange Lefebvre, études religieuses
- Patricia Martin, géographie
- Maria Martin de Almagro, science politique
- Theodore McLauchlin, science politique
- David Meren, histoire
- Laurence Monnais, histoire
- Éric Montpetit, science politique
- Martin Papillon, science politique
- George Ross, science politique
- Christine Rothmayr, science politique
- Denis Saint-Martin, science politique
- Alain Saulnier, communication
- Guillaume Sauvé, science politique
- Adrien Savolle, anthropologie
- Lee Seymour, science politique
- Sébastien Rioux, géographie
- Michèle Stanton-Jean, Centre de recherche en droit public
- Samuel Tanner, criminologie
- Jean-Philippe Thérien, science politique
- Simon Thibault, science politique
- Bob White, anthropologie
- Marie-Joëlle Zahar, science politique