Exposer le savoir
- UdeMNouvelles
Le 11 mars 2020
- Virginie Soffer
La Bibliothèque des livres rares et collections spéciales présente jusqu’au 30 avril une exposition sur la collection Léo-Pariseau et son auteur.
«Diable ne plaisantez pas avec cette maladie! Croyez-moi, buvez de l’eau, beaucoup d’eau! Et revenez me voir souvent, ça ne vous ruinera pas, mes consultations sont gratuites!» déclare un médecin à son malade en ajoutant avec une pointe de malice: «Vous me devez 20 francs pour ces deux bouteilles.» Vous pouvez voir en ce moment cette caricature de Daumier à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales de l’Université de Montréal dans le cadre d’Exposer le savoir. Réalisée grâce au travail des commissaires Benjamin Carcaud et Cosima Coulet, deux étudiants de l’École du Louvre venus à l’UdeM l’été dernier, cette exposition présente avec sérieux et humour une vaste sélection de livres anciens, de gravures, de plaques de verre et d’autres objets issus de la très riche collection Léo-Pariseau.
Richesse de la collection
Avec plus de 4000 ouvrages, la collection du Dr Léo Pariseau est l’une des collections phares de la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales de l’Université. Une collection que l’établissement a acquise peu avant le décès du radiologue, en 1943.
Cette collection est exceptionnelle parce qu’elle comprend une multitude d’ouvrages anciens comme des éditions épuisées d’André Vésale, d’Ambroise Paré ou de Charles Estienne. Et parce qu’elle comporte les livres que Léo Pariseau jugeait les plus remarquables pour témoigner de l’évolution de l’histoire de la médecine et des techniques médicales.
Son intérêt pour la représentation de la médecine ne s’est pas limité à l’Occident. On peut ainsi observer un thanka tibétain figurant un bouddha de la médecine, deux traités singhalais sur feuilles de palme provenant du Skri Lanka et une tablette xylographique tibétaine.
Léo Pariseau s’intéressait également aux pots à pharmacie, récipients dans lesquels on déposait des herbes médicinales ou des médicaments. Sa collection en comptait 13. L’exposition présente l’un d’eux ainsi que d’autres objets comme une radiographie de la main cassée du président français Raymond Poincaré.
Un intérêt marqué pour l’art
Le Dr Pariseau portait un intérêt tout particulier à l’illustration médicale. Ainsi, il possédait une gravure de Pierre de Cortone qui avait été surcolorée. Il a fait restaurer cette planche en la faisant décolorer pour mettre en valeur la finesse du travail de l’artiste.
C’est que Léo Pariseau baignait dans un univers artistique: sa femme était fille de sculpteur et ses beaux-frères étaient peintres ou architectes. L’exposition s’ouvre sur un portrait du médecin réalisé par son beau-frère le peintre Adrien Hébert, portrait dont les touches et les coloris nous font penser à Cézanne.
Diffuser le savoir
Le Dr Pariseau fut l’un des grands pionniers de la radiologie au Canada français et il a cherché toute sa vie durant à acquérir plus de connaissances et à les diffuser. Ainsi, à côté de son travail de radiologue à l’hôpital Notre-Dame puis à l’Hôtel-Dieu, il a enseigné à l’École Polytechnique ainsi qu’à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Il collectionnait les livres rares, mais ne cherchait pas à garder l'exclusivité du contenu de ses collections. Il les utilisait pour mieux faire comprendre l’évolution des idées dans le domaine médical grâce à des expositions qu’il a montées dans les années 20 et 30. Souvent, ces expositions étaient présentées à l’occasion de grands congrès comme ceux des médecins de langue française d’Amérique du Nord. Son premier public était d’abord constitué de ses pairs. Il publiait également des catalogues qui favorisaient une diffusion plus large des connaissances.
Léo Pariseau est l’un des membres fondateurs de l’Acfas, l’Association canadienne-française pour l'avancement des sciences à sa création. Francophile, il avait cette volonté de vouloir faire de la science en français pour donner au Canada français un accès au savoir le plus étendu possible. Aujourd’hui, une médaille de l’Acfas porte son nom.
Un autre champ d’intérêt du Dr Pariseau a été la biologie. L’exposition montre de nombreuses représentations du castor, animal emblématique du Canada que l’on connaissait fort mal et qu’on a même confondu un temps avec un poisson!
Un savoir en constante évolution
Dans les ouvrages de Léo Pariseau, on croise d’étranges représentations de castors, mais également des sirènes et des tritons extraits du livre de chirurgie d’Ambroise Paré comportant toute une section sur les monstres. Cela permet de rappeler que le savoir est évolutif et qu’on a cru à des vérités qui se sont avérées tout à fait fantaisistes par la suite. Léo Pariseau invite à la prudence. Contre les théories d’un auteur sur le scorbut, il assène ainsi «On ne saurait jamais dire assez de mal de son livre, puisqu’on ne connaîtra jamais tout le mal que son livre a pu faire». Et si toutes les vérités d’hier ne sont pas celles d’aujourd’hui, il est fort probable que toutes celles d’aujourd’hui ne seront pas celles de demain, semble nous dire le Dr Pariseau.
L’exposition Exposer le savoir est présentée jusqu’au 30 avril à la Bibliothèque des livres rares et collections spéciales.