Les parents doivent planifier les activités de la journée la veille
- Forum
Le 14 avril 2020
- Dominique Nancy
La professeure et psychologue Linda Pagani recommande aux parents de planifier la veille les activités du lendemain pour mieux gérer le temps d’écran des enfants en période de confinement.
En période de confinement, les parents s’inquiètent du temps que leurs enfants passent devant les écrans. Et avec raison. Un film par-ci, deux ou trois jeux vidéos par-là et l’on a vite dépassé les recommandations de l’Académie américaine de pédiatrie et de la Société canadienne de pédiatrie. «Ils sont préoccupés en temps normal par cette question, alors imaginez maintenant! Je reçois beaucoup de courriels à ce sujet et je veux aider les parents», dit Linda Pagani.
En entrevue avec UdeMNouvelles par Zoom, la professeure de l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et psychologue se veut rassurante. «On vit présentement des circonstances exceptionnelles. On doit s’adapter. Les recommandations n’ont pas été formulées en fonction de la situation actuelle.» Elle encourage les parents à limiter le temps passé devant la télévision et l’écran du téléphone intelligent de sorte que les enfants d’âge préscolaire n’excèdent pas une heure par jour et que celui des six ans et plus ne dépasse pas deux heures. «Cela n’inclut pas le temps sur la tablette électronique consacré à l’apprentissage ou à la rédaction d’un texte», mentionne-t-elle.
Il y a bel et bien des risques pour le bien-être des jeunes liés à la surexposition aux écrans durant la petite enfance, rappelle la professeure. «Cela peut notamment nuire au développement des compétences sociales, engendrer des sentiments dépressifs et pourrait même expliquer en partie l’indice de masse corporelle élevé chez certains. La petite enfance est une période cruciale pour le développement de l’enfant», affirme Mme Pagani.
Selon elle, les technologies pourraient toutefois être bénéfiques et permettre de pallier notre manque actuel d’interactions sociales. «Les gens vivent un moment difficile sur le plan de l’adaptation. Il y a beaucoup d’anxiété que généralement le contact social diminue. En tant que psychologue, je suis sensible à ce besoin. Avoir des interactions avec les gens est très important pour un cerveau qui se développe, mais aussi pour les adultes. On est tous des êtres sociaux!»
À son avis, les parents doivent être créatifs et utiliser les technologies à bon escient en essayant de respecter les recommandations. «La façon d’y arriver est de planifier la veille les activités du lendemain de sorte que la journée est déjà organisée dès qu’on se réveille.»
Planifier un horaire et oser établir des règles
Le conseil de la professeure Pagani est de planifier le programme de toute la journée en prenant soin d’inclure des activités physiques, des interactions sociales ainsi que des moments consacrés à l’apprentissage, aux jeux et à la créativité. «En procédant ainsi, on verra que la limite des deux heures par jour passées devant les écrans pour les enfants d’âge scolaire sera dans les grandes lignes respectée, note-t-elle. Il en est de même pour l’heure d’écran chez les enfants d’âge préscolaire. Mais ce n’est pas un drame si l’on n’y arrive pas à la minute près.»
Pas de panique donc si l’enfant passe un peu plus de temps que prévu devant l’écran. L’important est que les parents établissent un horaire qui comprendra des périodes avec et sans écran. Le temps passé devant l’écran doit également être réparti selon qu’il s’agit du travail ou des loisirs. Et il peut s’avérer nécessaire d’avoir un temps d’écran partagé avec les amis, comme le recommande la psychologue. «Que ce soit sur Zoom ou Skype, l’important c’est d’avoir des interactions saines.»
Ce qui compte pour Linda Pagani, c’est de se concentrer sur les choses qu’on peut contrôler, soit organiser ses activités et celles de la famille. «Il faut essayer de planifier un horaire afin de garder des repères malgré les inconvénients dus au confinement, déclare-t-elle. De cette façon, on a un sentiment de maîtrise de la situation.» Elle conseille aussi fortement de prévoir des activités physiques, car elles permettent notamment de contrer les effets du stress. «L’activité physique permet au corps de relâcher des endorphines et celles-ci sont associées au bien-être, souligne Mme Pagani. Bouger avec nos enfants est un moyen d’évacuer le stress nocif, autant pour les jeunes que pour les adultes.»
Bref, l’idée est de faire comme s’il fallait aller à l’école en donnant un rythme à nos journées même si la situation est exceptionnelle. Autrement, les jeunes vont confondre le confinement avec une période de vacances. En tant que parent, il faut donc oser établir des règles, mais aussi être souple, selon Linda Pagani. «Avec un horaire bien structuré, on s’adapte assez rapidement et l’on parvient à trouver un équilibre entre le temps d’écran et les autres types d’activités», signale la psychologue.
Autres interventions importantes
Outre l’activité physique et la planification, il y a deux autres interventions importantes à ne pas oublier pendant le confinement pour maintenir une bonne santé mentale et physique, d’après Linda Pagani: l’altruisme et le partage des repas avec les occupants de la maison.
«Les psychologues connaissent depuis longtemps les bienfaits de l’altruisme et de la prosocialité, dit-elle. J’encourage les parents à mettre à leur programme quotidien des communications auprès d’amis et de connaissances. Les personnes isolées ont besoin d’avoir des contacts avec d’autres personnes pendant la crise. Les gens âgés sont une priorité en ce moment, car ils vivent souvent seuls et ils sont plus inquiets pour leur bien-être que les autres.»
Ses recherches antérieures sur l’environnement familial démontrent par ailleurs l’importance accordée au repas familial. «Pourquoi est-ce seulement à Pâques, à Noël et à l’Action de grâce que nous mangeons ensemble à une table sans téléphones ni télé?» À son avis, cette crise est un moment propice durant lequel les parents peuvent planifier chaque repas de sorte que toute la maisonnée s’attable et échange. «La situation actuelle donne aux parents une occasion d’inculquer de bonnes manières qui valorisent le bien-être du groupe plutôt que l’individualisme», conclut la psychologue.