La plateforme L’école ouverte répond à un besoin des parents et des élèves

  • Forum
  • Le 21 avril 2020

  • Dominique Nancy
La plateforme L’école ouverte, en ligne depuis le 30 mars, connaît un franc succès.

La plateforme L’école ouverte, en ligne depuis le 30 mars, connaît un franc succès.

Crédit : Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur

En 5 secondes

Le professeur Thierry Karsenti, concepteur de la plateforme, fait un bilan du travail effectué et discute des défis à venir pour une continuité pédagogique en ligne.

Thierry Karsenti

Crédit : Getty

La plateforme L’école ouverte, du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec, qui permet aux élèves de réaliser toutes sortes d’activités pendant la suspension des cours en raison de la COVID-19 est en ligne depuis le 30 mars et connaît un franc succès avec plus de 20 millions de visites chaque jour. 

«Les premières semaines, nous avons enregistré au-delà de 78 millions de visites. C’est la seule plateforme avec autant d’achalandage qui n’est pas tombée au Québec!» dit fièrement son concepteur, Thierry Karsenti, qui a prévu le coup en ayant recours à 10 serveurs afin d’assurer son bon fonctionnement malgré l’affluence.

En entrevue avec UdeMNouvelles, le professeur de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation fait un bilan du travail effectué et discute des défis à venir.

Le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Jean-François Roberge, vous a mandaté pour concevoir cette plateforme le 20 mars dernier. Vous et votre équipe avez livré le projet en un temps record.

On a travaillé pendant 10 jours à raison de 15 heures par jour pour que la plateforme soit lancée rapidement. Chaque jour, les médias parlaient du nombre de personnes infectées et de décès… Le premier ministre du Québec, François Legault, voulait une bonne nouvelle pour aider la population à passer à travers la situation difficile. Cet outil pédagogique s’est donc construit dans l’urgence.

 

 

Il y a des visiteurs de toute la Francophonie et même des États-Unis. Comment expliquez-vous un tel succès?

D’abord, il faut comprendre que d’habitude le sport et le monde du spectacle, notamment le cinéma et la musique, occupent une grande place sur Internet. Mais avec la pandémie, il n’y a pas autant de contenus offerts dans ces domaines. Le fait que la plateforme est bilingue est certes un avantage, mais précisons que ce sont les pages en français qui sont le plus consultées. Nos statistiques révèlent que le Québec et le Canada figurent en tête pour le nombre de visiteurs. Il y a aussi énormément de visiteurs français, belges, suisses et même américains, puisque le français est enseigné comme langue seconde dans plusieurs écoles des États-Unis. Je crois que, malgré la situation actuelle, la plateforme connaît un tel succès parce qu’elle répond à un réel besoin des parents. Ils souhaitent avoir les ressources nécessaires pour assurer une continuité entre l’école et la maison.

Personnellement, je suis content de voir autant de parents se soucier de l’éducation de leurs enfants. Je crois que la simplicité de l’interface et l’accessibilité à tous expliquent également la popularité de la plateforme.

Parlez-nous un peu de cette interface et du contenu de la plateforme.

En tant que chercheur, je me suis demandé comment on pouvait faire pour que la plateforme fonctionne bien. Il fallait qu’elle soit simple, sans jargon et accessible à tout le monde.

On l’a conçue de sorte que chaque parent ou élève peut choisir le niveau de scolarité et la matière qu’il souhaite explorer, apprendre ou consolider. En cliquant par exemple sur les icônes «Primaire, 1re année» et «Français», le parent a accès à plusieurs ressources pour aider son enfant dans cette matière. Pareil en mathématiques, anglais, science, géographie, histoire et arts. C’est un peu comme sur Netflix, où l’on trouve des carrés affichant des contenus, qui sont bonifiés d’ailleurs quotidiennement.

Tous les contenus éducatifs sont approuvés par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ils couvrent plusieurs matières de toutes les années du primaire et du secondaire. Il y a aussi une section pour le préscolaire et un regroupement de sites québécois conçus pour la formation générale des adultes et pour la formation professionnelle. La plateforme propose également diverses ressources pour bouger, se divertir, socialiser et relaxer.

La plateforme respecte donc toutes les normes d’accessibilité…

On pourrait gagner un prix pour l’accessibilité! On s’est en effet efforcés de respecter toutes les normes. Un processus complexe mais nécessaire. Ainsi, chaque image ou vidéo est décrite textuellement afin qu’une personne mal voyante ou aveugle puisse avoir accès à l’information.

En outre, une icône permet d’avoir l’interface en noir et blanc ou encore de grossir les caractères et même de changer la police. La plateforme est vraiment conçue pour tout le monde.

Gérer une plateforme dont l’achalandage est aussi élevé nécessite une immense équipe. Vous travaillez pourtant avec des ressources limitées…

Je suis tellement fier de mon équipe! Tout le monde a travaillé très fort et ça continue. J’aimerais souligner l’incroyable collaboration de Simon Parent, étudiant au doctorat, d’Eric Biunno, programmeur, d’Olivier Gendron, webmestre, de Jean-Philippe Robin, gestionnaire de réseaux, et de Francis Ranger, étudiant au baccalauréat en éducation physique.

Steve McInnes, directeur de la Division des affaires juridiques de l’UdeM, a été d’une aide précieuse. Et la collaboration du personnel du ministère a été excellente.

Sans oublier celle, superbe, de plusieurs éditeurs scolaires et télédiffuseurs à travers tout le Québec qui ont rendu gratuitement accessibles leurs contenus éducatifs. Je trouve formidable de voir les gens innover et travailler de concert pour aider la population.

Quels sont les défis à venir?

On élabore présentement un projet pour recueillir plus d’informations sur l’utilisation de la plateforme, des données qui permettent de savoir ce qui est le plus apprécié et quelles améliorations on pourrait y apporter. On reçoit beaucoup de demandes de la part des parents ainsi que des milliers de commentaires, mais il faut se montrer prudents. Vous connaissez le proverbe: Qui trop embrasse mal étreint! De plus, comme on n’a pas les ressources pour répondre à tous les commentaires, on a conçu une foire aux questions. On réfléchit attentivement aux orientations de la plateforme. On veut rester un service d’aide pour l’école à la maison, mais on ne peut pas rendre toutes les ressources existantes accessibles… Où doit-on s’arrêter?

L’un des défis actuels est donc de trouver un équilibre à travers toutes ces sollicitations. On poursuit également nos efforts afin d’offrir davantage de ressources aux élèves qui ont des difficultés particulières, qu’elles soient physiques ou mentales. On a récemment ajouté une section sur le langage des signes à l’intention des personnes sourdes ou muettes, mais qui peut aussi intéresser les autres élèves. Pour l’instant, la plateforme offre surtout des ressources pour les 97 % des élèves qui fonctionnent relativement bien en classe.

Mais chaque jour, elle est enrichie d’une centaine de nouveaux contenus. Par exemple, on a ajouté de l’information pour les élèves des classes de francisation et l’on prépare une section sur l’activité physique et la santé. On ne peut pas répondre à toutes les demandes, mais on lit tous les messages. On en reçoit de 1000 à 3000 par jour!

On a hâte de trouver une vitesse de croisière. Peut-être que cela correspondra au moment où aura lieu le retour en classe. Je ne sais pas quand cela se fera, mais une chose semble assez certaine: la plateforme L’école ouverte n’est pas un feu de paille, elle ne sera pas mise de côté une fois la pandémie passée. Le nombre assidu de visites confirme qu’il s’agit d’un besoin et je crois qu’il va perdurer bien au-delà de la crise actuelle. On espère que la plateforme n’aura pas à être utilisée lors d’autres pandémies, mais si elle devait l’être elle sera déjà en place.