Aider les jeunes psychotiques à mieux gérer leur consommation de marijuana

  • Forum
  • Le 12 août 2020

  • Martin LaSalle
La consommation de cannabis est très courante chez les personnes vivant avec une schizophrénie, un trouble schizoaffectif ou une maladie bipolaire.

La consommation de cannabis est très courante chez les personnes vivant avec une schizophrénie, un trouble schizoaffectif ou une maladie bipolaire.

Crédit : Getty

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Le Pr Didier Jutras-Aswad et son équipe sont à mettre au point deux outils technologiques qui permettraient aux jeunes atteints de psychose de diminuer ou de mieux gérer leur consommation de cannabis.

La consommation de cannabis est très courante chez les personnes vivant avec une schizophrénie, un trouble schizoaffectif ou une maladie bipolaire. Qui plus est, près de deux jeunes sur cinq vivant avec une psychose ont une consommation problématique de cannabis qui affecte négativement leur pronostic.

Afin de les aider à faire un usage plus judicieux du cannabis et d’en diminuer les méfaits, le Pr Didier Jutras‑Aswad du Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal mène une recherche impliquant de jeunes patients vivant avec un trouble psychotique, dans le but d’évaluer le potentiel thérapeutique de deux applications technologiques en cours d’élaboration dans son laboratoire. La Dre Amal Abdel‑Baki, également professeure au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal, est co-investigatrice principale et travaille étroitement avec l’équipe du Dr Jutras‑Aswad sur ce projet.

Conséquences négatives du «pot»

Didier Jutras-Aswad

« Parmi les jeunes qui développent une psychose, près de la moitié, parfois davantage dans certains sous-groupes, ont aussi un trouble lié à l’usage du cannabis, souligne le chercheur affilié au Centre de recherche du CHUM. Ceux-ci ont souvent un pronostic plus sombre, avec des symptômes psychotiques plus importants, une moins bonne efficacité des traitements, et des hospitalisations plus fréquentes et plus longues. »

Et pour ces jeunes, il n’existe à ce jour aucun médicament pour traiter la dépendance. Les thérapies psychosociales, quant à elles, ont une efficacité limitée, au mieux, la rétention en traitement est faible, sans compter que l’accès à ces thérapies est problématique dans bien des endroits au Québec et ailleurs.

Or, les interventions psychothérapeutiques basées sur des applications pour téléphones intelligents pourraient constituer une approche prometteuse pour aider les jeunes vivant avec une psychose à réduire leur consommation de cannabis lorsqu’ils le désirent, ou encore à mieux gérer leur consommation.

Deux applications en développement

Amal Abdel‑Baki

L’équipe de chercheurs dirigée par Didier Jutras-Aswad s’affaire à développer deux applications pour téléphones intelligents.

La première, nommée CHAMPS, vise à encourager les jeunes qui consomment du cannabis et qui ne veulent pas cesser cet usage à adopter une consommation moins risquée pour leur santé. L’application leur offre différentes modalités et stratégies dans le but de les aider à adopter des comportements de consommation plus sécuritaires, même lorsqu’ils ne désirent pas cesser cette consommation.

Nommée iCanChange, la deuxième application vise pour sa part à accompagner les patients souhaitant réduire ou arrêter l’usage du cannabis. Elle inclut elle aussi des modalités diverses, dans une approche motivationnelle et cognitivo-comportementale couplée à l’utilisation du potentiel de la technologie afin de bonifier et de rendre plus attractive l’intervention, à laquelle le jeune peut accéder au moment qui lui convient.

« Ces applications sont les premières à être modelées sur mesure pour les jeunes vivant avec un trouble psychotique qui consomment du cannabis, soutient Didier Jutras‑Aswad. Nous comptons tester l’efficacité de ces applications l’hiver prochain. »

D’ici là, le chercheur et son équipe travaillent à l’amélioration de l’expérience patient de ces applications en consultant des jeunes ayant un problème de psychose par voie de sondages. Au total, près de 300 patients participent à ce volet du projet.

« Ces sondages, intitulés SPICE (Survey of Patient Interests for Cannabis E-interventions), visent à connaître les préférences des jeunes pour des interventions psychothérapeutiques en ligne, pour parfaire les applications afin qu’elles répondent encore mieux à leurs besoins et qu’elles suscitent chez les patients une adhésion optimale », explique M. Jutras‑Aswad. « C’est un incontournable pour notre équipe : on ne peut développer d’interventions sans que les personnes qui en bénéficient soient au cœur du processus d’élaboration des applications. »

Ces sondages sont actuellement menés auprès de patients avec la collaboration du Centre hospitalier de l’Université de Montréal et des instituts universitaires en santé mentale de Montréal et de Québec. D’autres collaborations sont à l’étude, notamment à Rimouski et avec les provinces de la Nouvelle-Écosse, de l’Alberta et de la Colombie‑Britannique.

Les résultats de ces consultations seront connus dans les prochains mois, après quoi l’équipe de chercheurs s’affairera à apporter les derniers ajustements aux applications qui, à leur tour, seront testées dans le cadre d’essais cliniques qui débuteront en 2021.

« Ces projets s’avèrent encore plus pertinents, voire cruciaux, en ces temps de pandémie, tandis que la consommation ne ralentit pas et que la capacité à offrir des interventions en personne est compromise, conclut Didier Jutras‑Aswad. En plus de respecter les directives de santé publique, ces applications sont une opportunité d’améliorer l’accès à des interventions appropriées et mieux adaptées, en temps opportun, à des jeunes qui en ont besoin. »

La psychose touche 3 % de la population

La psychose apparaît généralement vers la fin de l’adolescence ou au début de la vingtaine. Environ 3 personnes sur 100 connaissent un épisode psychotique au moins une fois dans leur vie. La psychose frappe autant les hommes que les femmes de toutes les cultures et de tous les groupes socio‑économiques.

Source : Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH).

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