La qualité de l'eau: une question de perspective
- Salle de presse
Le 28 octobre 2020
- UdeMNouvelles
Des biologistes de l’UdeM constatent qu'une mesure commune pour évaluer la santé des rivières aide également à montrer les nombreux usages de leur eau.
Il y a tant de façons d'évaluer la qualité de l'eau: si vous pêchez, vous qualifierez de «bonne» une eau qui accueille la truite, le bar ou le doré; si vous pratiquez l'agriculture, l’eau devra être suffisamment propre pour que vous puissiez irriguer vos cultures; si vous êtes nageur, vous aimerez que votre eau soit claire et sûre.
Ces différents points de vue peuvent-ils être harmonisés? Boirez-vous l'eau dans laquelle vous vous baignez par exemple ou arroserez-vous vos plantes avec cette eau? De toute façon, que signifie une bonne qualité de l'eau et comment la mesurer?
Une nouvelle étude canadienne sur les rivières publiée dans la revue BioScience apporte une réponse.
Menée par des chercheurs de l'Université de Montréal avec le soutien d'Ouranos, un consortium montréalais de climatologie, elle montre que la mesure de l'état trophique est un bon indicateur de ses nombreuses utilisations potentielles.
Les chercheurs de l'UdeM ont utilisé les données sur la qualité de l'eau des rivières de tout le pays pour évaluer leur capacité à permettre de multiples usages en fonction de l'état trophique, qui établit le niveau de nutriments dans une rivière qui soutient la croissance des plantes.
L'état trophique est actuellement largement employé pour déterminer la santé d'un cours d'eau comme une rivière ou un lac, a souligné Nicolas Fortin St-Gelais, chercheur postdoctoral en biologie à l'UdeM et auteur principal de l’étude.
Réduire les apports en nutriments
Lorsque la teneur en nutriments d'un lac est trop élevée, une croissance excessive des plantes peut se produire, entraînant une prolifération d'algues toxiques qui rend l'eau impropre aux loisirs et à l'irrigation et compromet sa potabilité. C'est pourquoi les stratégies de protection des écosystèmes aquatiques consistent souvent à réduire les apports en nutriments issus de l'agriculture et des eaux usées.
«Mais on sait peu de choses sur le degré de réduction des nutriments qui protège également les autres utilisations des cours d'eau», a déclaré M. Fortin St-Gelais, dont les travaux ont été supervisés par les professeurs de biologie de l'Université de Montréal Roxane Maranger et Jean-François Lapierre, ainsi que par Robert Siron, d'Ouranos.
«Avec des concentrations plus faibles en nutriments, a-t-il poursuivi, la qualité de l'eau est-elle assez bonne pour permettre des activités récréatives telles que la baignade et la pêche ou l’irrigation, ou encore pour protéger la faune aquatique? C'est ce que nous avons entrepris de découvrir.»
En reliant les lignes directrices établies par le Conseil canadien des ministres de l'environnement avec plus de 60 000 éléments de données ouvertes sur la qualité de l'eau de centaines de rivières canadiennes, les chercheurs ont pu brosser un tableau des utilisations sûres de chaque rivière étudiée.
Ils ont également pu déterminer si l'état trophique était un bon indicateur de la capacité de l'environnement à supporter les multiples utilisations de l'eau des rivières ‒ un objectif de recherche clé de l'étude.
Moins sûre pour la faune
«Dans une majorité de rivières, nous avons constaté que l'eau était sans danger pour le bétail et propre à la baignade, alors que, selon les directives canadiennes, l'eau était considérée comme sûre pour la faune aquatique dans moins de 50 % des cas», a dit Nicolas Fortin St-Gelais.
Pour les utilisations de l'eau fortement limitées par la contamination fécale, comme la baignade et l'irrigation, l'état trophique devait être un bon indicateur de la qualité de l'eau. Il l’est beaucoup moins pour la protection de la faune aquatique, car il ne permet pas de bien estimer la pollution par les métaux lourds.
«En substance, notre étude tente d'examiner la qualité de l'eau selon différentes perspectives mondiales et de voir si les personnes qui l'évaluent sous les angles de la santé publique et de l'agriculture considèrent le problème d'une manière différente de celle des écologistes», a indiqué Roxane Maranger, auteure principale de l'étude.
Selon Mme Maranger, «il existe de fortes interrelations. Et nous pensons que, en étudiant le problème de la qualité de l'eau de manière plus globale ‒ et en respectant le fait qu'il existe de nombreuses façons de voir le même problème ‒, nous aiderons à développer la compréhension nécessaire pour soutenir des décisions plus durables prises sur le long terme».
À propos de cette étude
L’article «Evaluating trophic status as a proxy of aquatic ecosystem services provisioning on the basis of guidelines », écrit par Nicolas Fortin St-Gelais et ses collaborateurs, a été publié le 15 octobre 2020 dans la revue BioScience.
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