Un parasite mangeur de chair est détecté chez des chiens en Amérique du Nord, dont au Québec

  • Forum
  • Le 16 novembre 2020

  • Martin LaSalle
La leishmaniose touche davantage les chiens malades, mal nourris ou immunosupprimés.

La leishmaniose touche davantage les chiens malades, mal nourris ou immunosupprimés.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Un parasite mangeur de chair est détecté chez des chiens en Amérique du Nord; une dizaine de cas sont rapportés au Québec, indiquent les Drs Victoria Wagner et Christopher Fernandez Prada, de l’UdeM.

L’importation de chiens issus de pays chauds serait responsable de l’apparition, en Amérique du Nord, d’une maladie causée par Leishmania, un parasite mangeur de chair qui infecte des millions de personnes chaque année dans les zones tropicales.

C’est ce que met en lumière la Dre Victoria Wagner, vétérinaire et étudiante de maîtrise en parasitologie moléculaire à l'Université de Montréal, qui cosigne un article dans La Conversation avec les professeurs Christopher Fernandez Prada, de l'UdeM, et Martin Olivier, de l'Université McGill.

«Leishmania est un parasite microscopique transmis par les piqûres de mouches de sable; il provoque une maladie appelée leishmaniose, qui peut affecter la peau, les muqueuses et les organes internes, explique la Dre Wagner. Certaines formes de la maladie entraînent un défigurement, d’autres la mort.»

Cette très petite mouche n’est pas présente au Canada, mais on la trouve dans 98 pays et territoires, dont le bassin méditerranéen.

Certains chiens réservoirs de la maladie

La leishmaniose peut causer des défigurements et des dommages aux organes internes chez les chiens et les humains.

Crédit : A. Reis et B. Mendes-Roatt, Universidade Federal de Ouro Preto, Brésil.

La leishmaniose est considérée par l’Organisation mondiale de la santé comme une «maladie négligée qui touche principalement les habitants des régions tropicales et subtropicales et, plus particulièrement, les populations qui n’ont pas accès à un logement et à des services d’assainissement adéquats», écrivent les chercheurs.

Et les chiens font souvent partie du cycle de transmission de cette maladie zoonotique, c’est-à-dire qui peut se transmettre de l’animal à l’humain.

«Ce sont généralement les chiens errants ‒ mais les chiens domestiques ne sont pas à l’abri ‒ qui se font piquer par la mouche porteuse du parasite Leishmania, précise la Dre Wagner. La maladie touche davantage les chiens malades, mal nourris ou immunosupprimés.»

La maladie peut aussi s’attaquer à d’autres espèces animales sous les tropiques, dont les lièvres sauvages, mais elle est alors moins susceptible de se propager, car ces animaux se trouvent la plupart du temps loin des régions populeuses.

En Amérique du Nord, on a observé que le parasite vivait longtemps chez des chiens de chasse de chenil, un indicateur que Leishmania peut se transmettre entre chiens par morsure, par reproduction ou par transfusion sanguine.

Une maladie difficile à traiter

La vétérinaire Victoria Wagner et son chien Piper

Crédit : Courtoisie.

Des vétérinaires ont récemment détecté le parasite chez des chiens importés dans 18 États américains et 2 provinces canadiennes, dont le Québec, où 10 cas ont été rapportés en un an.

«L’un de ces chiens nous a été confié par un vétérinaire pour que nous établissions le diagnostic; l’animal présentait ce qui semblait être des blessures de combat, mais il s’agissait de la leishmaniose», raconte Victoria Wagner.

Le diagnostic de cette maladie est difficile à poser au pays, car les tests sont rares.

Qui plus est, il existe peu de remèdes contre la leishmaniose et, comme ils sont utilisés depuis des décennies, le parasite est de plus en plus résistant à ces médicaments.

Victoria Wagner et des chercheurs s’affairent d’ailleurs à mettre au jour des indices pour mieux comprendre la résistance du parasite, et l’un d’eux pourrait résider dans la libération de vésicules extracellulaires par Leishmania.

«Nous savons que la taille et la forme de ces vésicules diffèrent entre les souches de Leishmania qui réagissent aux médicaments et celles qui sont pharmacorésistantes, souligne la Dre Wagner. En étudiant la fonction des vésicules, nous pourrons cerner plus précisément comment la résistance aux médicaments se propage parmi les populations de Leishmania et ainsi la prévenir ou la contourner.»

Pour une approche intégrée

Jusqu’à maintenant, la leishmaniose n’est pas considérée comme endémique dans la population au Canada. Mais il y a un risque que Leishmania s’y établisse.

«Il est de plus en plus fréquent que les propriétaires de chiens voyagent avec leur animal ou qu’on importe des animaux, et la règlementation quant à l’importation d’animaux de compagnie au Canada est laxiste», déplorent Victoria Wagner, Christopher Fernandez Prada et Martin Olivier.

Parce que les tests diagnostiques de ce type de maladie sont peu connus ou inaccessibles, le diagnostic et le traitement sont compliqués et «cela met en danger la santé du patient et celle du public [aux États-Unis comme au pays]», insistent-ils.

Aussi préconisent-ils une approche intégrée pour lutter contre Leishmania qui requiert la collaboration des décideurs politiques, des vétérinaires, des chercheurs et des responsables de la santé publique pour prévenir et gérer les cas de leishmaniose au Canada et aux États-Unis.

«Il est impératif de rendre obligatoire la déclaration des cas de leishmaniose canine par les vétérinaires, de faciliter l’accès à des tests diagnostiques rapides et fiables et à des traitements appropriés, et de renforcer la règlementation relative à l’importation d’animaux en exigeant notamment des bilans de santé plus détaillés, concluent les trois chercheurs. Et de continuer à tester d’autres molécules qui permettront de contourner la résistance aux remèdes.»