Elle visait la médecine, elle découvre l’intelligence artificielle
- Forum
Le 10 décembre 2020
- Mathieu-Robert Sauvé
Lauréate de la bourse Antidote 2020, Rim Assouel parle de son parcours qui l’a menée à Mila.
C’est un vif intérêt pour la médecine exprimé dès la petite enfance qui a mené Rim Assouel vers un doctorat en intelligence artificielle à l’Université de Montréal sous la supervision de Yoshua Bengio. «Je savais que je ferais de longues études. Je rêvais d’être neurochirurgienne. Mais les choses se sont passées autrement», dit-elle en riant au cours d’un entretien en visioconférence.
La jeune femme dont la famille d’origine marocaine est installée en France avait un excellent parcours scolaire permettant sans aucun doute d’envisager la médecine, puisqu’elle se qualifie pour les grandes écoles dès la fin de son baccalauréat au lycée Louis-Legrand. Mais sa découverte de la «science des données» la détourne momentanément de cet objectif et elle termine une formation dans cette discipline à l’École polytechnique de Paris en 2017. Ces études de premier cycle l’amènent à faire des stages à Londres, Singapour et Tokyo, où elle se prend à aimer les défis de l’intelligence artificielle. «Quand j’ai entendu parler de Mila et des travaux de Yoshua Bengio, j’ai eu aussitôt envie de venir à Montréal», résume celle qui vient d’obtenir la bourse Antidote 2020 d’une valeur de 20 000 $. Un encouragement bienvenu qui s’ajoute aux bourses pour les étudiants-chercheurs auxquelles elle a droit.
Aussitôt déposé son mémoire de maîtrise, en août dernier, portant sur l’apprentissage profond, elle entame son doctorat. «Il est encore tôt pour préciser l’objet de ma recherche, mais je suis intéressée par le concept d’objet en intelligence artificielle et en particulier par sa “permanence”. C’est intuitif pour vous et moi de concevoir que les clés que je range dans mon sac continuent d’exister et restent dans mon sac même si je me déplace. Pour un algorithme qui raisonne selon une suite de pixels qui s’enchaînent, cette abstraction ne va pas de soi», mentionne-t-elle.
Sauver des vies à temps partiel
Les premiers émois de Rim Assouel pour son champ de recherche avaient un lien avec la santé humaine, car elle a d’abord travaillé sur l’imagerie médicale. De nombreuses études se penchent en effet sur des applications médicales qui pourraient rendre de précieux services aux cliniciens. Par exemple, un chirurgien d’expérience qui cherche les premiers signes d’une tumeur peut observer une radiographie en la comparant avec une dizaine, voire une centaine d’images similaires. Avec l’intelligence artificielle, ce sont des millions d’images qui entrent dans la banque…
En outre, son «besoin d’interagir avec les gens» a pu s’exprimer par ses actions bénévoles à la caserne de Gennevilliers, en banlieue parisienne. Dans la région de la capitale française, les ambulanciers ne suffisent pas à la tâche et les «premiers répondants» sont souvent des gens formés pour se présenter sur les lieux d’un sinistre en vue d’assurer les soins d’urgence.
En 2014 et 2015, Rim Assouel menait un groupe de trois intervenants. Elle a entre autres pratiqué une dizaine de massages cardiaques. Mais les scènes les plus éprouvantes dont elle a été témoin ont été les interventions auprès de personnes en détresse psychologique. «Être le point de contact d’une personne qui ne veut plus faire partie de ce monde m’a fait me rendre compte de la beauté de ce métier!» déclare-t-elle.
Aimer Mila
Si elle n’a pas définitivement tourné la page sur son rêve de devenir médecin, elle concentre toute son énergie sur son projet de recherche doctorale. Et la vie à Montréal, ça va? «Très bien, répond-elle. J’adore la ville. Mais j’aime surtout mon labo. J’y suis très attachée.»
Même si la pandémie a ralenti le rythme des échanges et pratiquement stoppé les rencontres en personne, elle a continué d'organiser des conférences hebdomadaires (les Mila tea talks) auxquelles les chercheurs sont invités, tour à tour, à présenter leurs travaux aux collègues. Les rencontres ont beaucoup de succès, tant en termes de participation (jusqu’à 80 personnes) que sur le plan de la qualité des présentations.
Le confinement est bien sûr une contrainte, mais il lui a donné l’occasion de reprendre ses activités artistiques dans son appartement du Mile End. «J’ai commencé à peindre et surtout j'ai repris le piano, que j’avais étudié enfant. Bach et Chopin principalement, et de plus en plus d’improvisation. C’est très agréable, je dois dire, d’avoir un peu de temps pour ces activités.»
À propos de Mila
Fondé en 1993 par le professeur Yoshua Bengio de l’Université de Montréal, Mila est un institut de recherche en intelligence artificielle qui rassemble aujourd’hui plus de 1000 chercheurs spécialisés dans le domaine de l’apprentissage profond et par renforcement. Basé à Montréal, Mila est un organisme à but non lucratif reconnu mondialement pour ses importantes contributions au domaine de l’apprentissage profond, particulièrement dans les domaines de la modélisation du langage, de la traduction automatique, de la reconnaissance d’objets et des modèles génératifs.