Alexandra Bastiany: un parcours exceptionnel

Alexandra Bastiany

Alexandra Bastiany

En 5 secondes

Le parcours de la première femme noire à devenir cardiologue d’intervention au Canada n’a pas été sans difficulté. Mais Alexandra Bastiany a toujours été stimulée par l’adversité.

Comme bien d’autres enfants, Alexandra Bastiany s’est amusée avec un stéthoscope. Et elle prenait déjà ce jeu au sérieux: elle comparait les muscles illustrés dans ses livres d’anatomie avec ceux de son petit frère, qui lui servait de cobaye.

Non seulement elle a réussi ses études de médecine, mais elle est également devenue la première femme noire au pays à être admise cardiologue d’intervention ou hémodynamicienne – une spécialisation en cardiologie qui consiste à traiter certaines maladies cardiaques par voie endovasculaire, c’est-à-dire en introduisant des cathéters et des sondes dans les artères du cœur.

Travailler fort, une valeur prioritaire

Alexandra Bastiany

Née à Montréal dans le quartier multiculturel de Saint-Michel, la Dre Bastiany baigne dans un environnement scientifique tout au long de son enfance: sa mère est infirmière et son père chimiste, ayant obtenu son diplôme en sciences appliquées en chimie organique à l’Université de Montréal.

Au Collège français, qu’elle fréquente au primaire, sa soif d’apprendre est manifeste. Enfant douée, elle est première de classe et elle déploie les efforts nécessaires pour conserver cette place! «Mes parents m’ont inculqué très jeune l’importance qu’accorde la culture haïtienne à l’éducation et à la discipline, en me disant que je devais travailler plus fort que les autres pour réussir dans notre société, se remémore la jeune femme. Ils m’ont aussi apporté un soutien inégalé durant mes études, à travers les repas préparés par ma mère ou les bons mots de mon père: c’est un modèle que j’entends reproduire.»

Une autre de ses qualités est d’aimer échanger avec ses camarades; cette propension à discuter avec ses collègues a sans doute contribué à ce qu’elle soit fréquemment élue présidente ou représentante de classe – un rôle qu’elle assumera avec plaisir et aplomb de l’école primaire jusqu’à l’université.

La bosse de la médecine

Amoureuse des sciences et de la langue française, elle fait un passage remarqué au collège Notre-Dame. C’est alors qu’elle décide d’orienter ses études et sa carrière vers la médecine.

«Je nourrissais un désir d’apprendre qui était insatiable, se souvient-elle. Je lisais beaucoup sur la biologie, cela gardait mon esprit actif! Et la perspective de changer des vies était – et est toujours – en harmonie avec mes valeurs.»

Au collège André-Grasset, elle étudie intensivement, mais participe aussi à des activités associatives, sportives et artistiques, en plus d’être bénévole à la Maison d’Haïti, un centre communautaire du nord de l’île de Montréal.

Lorsqu’elle soumet sa candidature à la Faculté de médecine de l’UdeM, elle obtient l’appui de la pédiatre hématologue Yvette Bonny, qui est aussi engagée dans la lutte contre la pauvreté et l’abandon scolaire chez les jeunes immigrants haïtiens. La chevalière de l’Ordre national du Québec sera d’ailleurs une grande source d’inspiration pour Alexandra Bastiany.

De l’importance des mentors

Après l’obtention de son doctorat en 2011, puis de son diplôme de médecine interne en 2014, elle est sélectionnée au sein de la cohorte de six médecins admis au programme de cardiologie de l’UdeM – l’un des meilleurs du pays… et l’un des plus contingentés!

Dans ce milieu majoritairement masculin, elle entend des commentaires déplaisants de quelques pairs. «Mon apparence semblait parfois déranger, confie la Dre Bastiany. On me souhaitait bonne chance en sous-entendant que je n’y arriverais pas parce que j’étais une femme, parce que je n’étais pas assez imposante – je mesure 1,57 m [5 pi 2 po] –, sans compter que ma couleur de peau nuisait aussi à ma crédibilité auprès de certains…» Plutôt que de la décourager, ces allusions ont plutôt pour effet de la motiver davantage. «Ça m’a donné un élan supplémentaire, je me suis dit: d’accord, regardez-moi aller!»

Durant son parcours, Alexandra Bastiany peut néanmoins compter sur le soutien de ses mentors, dont les cardiologues Jean-François Gobeil et Jean-Marc Raymond, pour ne nommer que ceux-là. «Ils étaient sensibles à ma réalité de résidente, de femme, d’étudiante noire, et ils m’ont manifesté une confiance indéfectible pour laquelle je leur serai toujours reconnaissante», témoigne-t-elle.

Cet appui lui aura permis d’exceller tout au long de sa formation et de publier ses travaux de recherche dans des revues scientifiques renommées. Elle aura en outre agi à titre de représentante étudiante au sein de l’association des résidents.

C’est ce parcours exceptionnel qu’ont voulu saluer ses pairs quand ils l’ont choisie pour prononcer l’allocution à la collation des grades de la Faculté de médecine en 2018.

Militer pour redonner

À l’été 2020, elle a terminé ses deux années de formation supplémentaire en cardiologie d’intervention au Mazankowski Alberta Heart Institute, à Edmonton.

Maintenant cardiologue d’intervention au Centre régional de santé de Thunder Bay, en Ontario, Alexandra Bastiany a la ferme intention de continuer de militer pour la diversité en médecine.

De fait, elle est désormais membre du Comité pour l’équité, la diversité et l’inclusion de la Société canadienne de cardiologie.

«J’ai la chance d’être devenue ce que je voulais devenir et, pour moi, militer est non seulement un devoir, mais un privilège, conclut la Dre Bastiany. Je ne suis pas la première à mettre une brique à l’édifice de l’égalité et je veux aider les autres à ajouter la leur.»