L'évolution de la recherche, du laboratoire au patient: l’exemple de la molécule UM171

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  • Le 10 mai 2021

  • Martin LaSalle
C'est en 2014 que les équipes de Guy Sauvageau et d'Anne Marinier ont découvert la molécule UM171.

C'est en 2014 que les équipes de Guy Sauvageau et d'Anne Marinier ont découvert la molécule UM171.

Crédit : IRIC

En 5 secondes

Les chercheurs Guy Sauvageau et Anne Marinier, de l’IRIC, expliquent en quoi la recherche en immunologie et en cancérologie s’est transformée, du laboratoire jusqu’au patient.

En septembre dernier, un jeune homme atteint d’une forme de leucémie – l’anémie aplasique – réfractaire aux traitements existants a été sauvé grâce à une greffe de cellules souches de cordon ombilical amplifiées par la molécule UM171.

Cette prouesse clinique, jamais réalisée auparavant, a été rendue possible grâce à la découverte en 2014 de cette molécule par des équipes de chercheurs de l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie (IRIC) de l’Université de Montréal.

Les étapes de recherche qui ont mené à cette découverte étaient au cœur de l’entretien qu’ont eu Guy Sauvageau et Anne Marinier à l’occasion de la troisième et dernière conférence des Rendez-vous Audace 2021 de l’IRIC.

Arrimer deux cultures pour stimuler l’innovation

En 2007, Anne Marinier arrive à l’IRIC avec cinq de ses collègues, après l’annonce par la compagnie Bristol Myers Squibb, pour laquelle ils travaillaient, de la fermeture de son centre de recherche à Candiac. C’était la première d’une série de délocalisations des activités des multinationales pharmaceutiques installées dans le grand Montréal.

Guy Sauvageau est alors directeur général de l’IRIC.

«Avant de quitter Bristol Myers Squibb, j’avais appelé Guy et il m’avait informée que Michel Bouvier souhaitait créer un groupe de recherche sur le médicament à l’IRIC, relate-t-elle. Ça prenait de l’audace de la part de la direction, car la mise en place de ce groupe impliquait d’arrimer deux cultures – l’une axée sur la recherche fondamentale et l’autre très structurée et orientée vers les résultats. Mais faire travailler ensemble des découvreurs de molécules et des développeurs de médicaments s’est avéré une stratégie gagnante.»

Cette équipe – l’Unité de découverte de médicaments, qui regroupe maintenant une soixantaine de chimistes et de biologistes sous la direction de Mme Marinier – est celle qui a permis de synthétiser la molécule UM171 et de la porter jusqu’aux patients, après un processus rigoureux de tests en laboratoire, puis d’essais cliniques.

Amplifier les cellules souches

La greffe de cellules souches pour traiter les personnes atteintes d’une maladie du sang comporte des risques importants, dont une possible réaction du greffon contre l’organisme du patient.

«L’une des solutions est d’utiliser des cellules sanguines issues de cordons ombilicaux, mais ceux-ci sont parfois trop petits et contiennent trop peu de cellules pour traiter un adulte, explique Guy Sauvageau. C’est ici que la molécule UM171 entre en scène, car elle permet de multiplier des dizaines de fois le nombre de cellules souches du cordon.»

Mais comment a-t-on mis au jour cette molécule et mesuré son potentiel?

L’IRIC possède une imposante collection de molécules que les chercheurs criblent pour en déterminer les propriétés. L’équipe de chimistes a observé que la molécule 729 avait la capacité de multiplier les cellules souches et, à partir de celle-ci, ils ont synthétisé l’UM171 en amplifiant sa capacité à produire davantage de ces cellules.

Une technologie qui fonctionne

Jusqu’ici, 65 patients ont été greffés à partir de cellules souches de sang de cordon «enrichies» de la molécule UM171 dans le cadre de quatre études cliniques réalisées au cours des dernières années.

«Dans les premières études, nous avons constaté que les personnes qui étaient difficiles à guérir, avant la greffe, ont bien répondu au traitement. Aujourd’hui, quatre ans après l’opération, ces patients sont toujours en vie», se réjouit Guy Sauvageau.

D’autres malades font partie d’une étude en cours, dirigée par la Dre Sandra Cohen, de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR). «Et un an après leur greffe, on voit de bons résultats», ajoute-t-il.

L’ensemble des résultats cliniques obtenus jusqu’ici tendent à montrer l’efficacité et l’innocuité de cette forme de greffe, et les chercheurs de l’IRIC discutent avec Santé Canada afin d’en accélérer le processus d’homologation.

Vers des thérapies ciblées

Au cours des 20 dernières années, les plus grands progrès dans la lutte contre le cancer sont survenus grâce aux avancées en génomique et en génétique.

«Ces technologies nous ont permis de comprendre ce qui se produit dans le dérèglement de l’ADN et de l’enveloppe de l’ADN des cellules, de sorte que maintenant, à titre d’exemple, on peut traiter efficacement la leucémie myéloïde chronique avec une pilule, tandis qu’il y a 30 ans, toutes les personnes atteintes en mouraient», illustre le Dr Sauvageau.

Aujourd’hui, l’IRIC est résolument entré dans ce que Guy Sauvageau qualifie d’«ère de la thérapie ciblée: grâce au travail d’une armée de chercheurs dans d’autres centres de recherche dans le monde, nous parvenons ensemble à désigner de nouvelles cibles thérapeutiques chaque mois, voire chaque semaine. On vit une époque très excitante dans ce domaine de recherche», poursuit celui qui est aussi hématologue à l’HMR.

«En chimie, investir dans l’élargissement des collections de petites molécules est très important pour nous permettre de déterminer des cibles, insiste Anne Marinier. C’est d’ailleurs pour contribuer à cet effort que, l’an dernier, la Fondation Marcel et Rolande Gosselin a effectué un don de 500 000 $ qui a permis d’ajouter 5000 nouvelles molécules à notre librairie centrale.»

«L’une des séries de molécules sur lesquelles travaille notre collègue Marc Therrien renferme le potentiel de traiter 30 % des cancers, dont ceux de la peau, du pancréas, des poumons et de l’intestin», conclut-elle.

Regarder la conférence en différé

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