En confinement, les chats sont plus stressés et les chiens… ronronnent!

  • Forum
  • Le 28 mai 2021

  • Mathieu-Robert Sauvé
La Dre Desmarchelier est une spécialiste du comportement animal, rattachée depuis 2018 à l'American College of Veterinary Behaviorists.

La Dre Desmarchelier est une spécialiste du comportement animal, rattachée depuis 2018 à l'American College of Veterinary Behaviorists.

En 5 secondes

Une vétérinaire spécialisée dans le comportement animal rapporte des différences entre les chats et les chiens en situation de confinement.

«Nous constatons depuis un an une recrudescence de cas de cystite idiopathique féline, une maladie essentiellement due au stress chez les chats», dit la Dre Marion Desmarchelier, professeure à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal et spécialisée en médecine du comportement animal. À son avis, cette situation pourrait être liée aux mesures sanitaires mises en place depuis le début de la pandémie, en mars 2020.

Comme les humains, les animaux domestiques aiment la routine. Le fait que les propriétaires quittent le domicile en matinée pour y revenir à la tombée du jour convient à la plupart des chats, qui passent la plus grande partie de leurs journées à dormir. La présence soudaine des parents et enfants 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 aurait empiété sur leur besoin de solitude.

Bien que ce constat ne soit pas scientifique – elle entend documenter la chose dans un avenir rapproché au moyen d’un protocole de recherche –, la vétérinaire a suffisamment observé le phénomène pour établir un rapprochement avec le changement qui s’est opéré dans l’environnement des animaux domestiques. La clinique des petits animaux du Centre hospitalier universitaire vétérinaire (CHUV) de l’UdeM, où elle traite elle-même chaque semaine des patients à plumes et à fourrure, et plusieurs autres cliniques vétérinaires au Québec ont vu les cas de cystite idiopathique féline augmenter de manière importante. «Au CHUV, le service d’urgentologie diagnostique habituellement un cas par mois; depuis un an, c’est au moins un par semaine!» donne-t-elle comme exemple.

Bien que la maladie ne soit pas une infection liée à une bactérie ou un virus, elle est bien réelle. La cystite idiopathique est une inflammation de la vessie associée à une douleur telle que les chats atteints doivent être traités en urgence. Et les récidives sont malheureusement fréquentes quand la source de stress n’est pas éliminée…

Aimer sa routine

Spécialiste des animaux exotiques, Marion Desmarchelier a obtenu une certification du American College of Zoological Medicine en 2009.

Par comparaison, le chien s’est souvent mieux adapté au confinement qui a découlé des mesures sanitaires pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Le chien (Canis domesticus) descend du loup (Canis lupus), qui est un animal de meute. En général, il déteste être laissé seul; le confinement aura été accueilli comme un cadeau du ciel. À la différence des chats, qui sont des animaux naturellement à tendance plus solitaire.

«Il faut bien comprendre que tous les individus ne réagissent pas de la même façon à un changement subit de routine, précise la spécialiste. Moi-même, j’ai deux chats qui semblent très heureux d’avoir plus de compagnie liée à la situation de télétravail. Mais si l'on rassemble des données sur des milliers de bêtes, on peut observer une tendance.»

Psychiatre des animaux

Le travail de la vétérinaire en milieu zoologique l'amène à assister à la naissance de fauves. Ici, des léopards de l'amour au Zoo de Granby en 2015.

Originaire du Jura, en France, Marion Desmarchelier a été formée en Europe. Elle est arrivée au Québec en 2003 afin de suivre un stage à la Clinique des oiseaux de proie de la Faculté de médecine vétérinaire de l’UdeM. Elle s’est ensuite consacrée à la médecine zoologique pendant plusieurs années. Ses clients: des éléphants, des tigres, des lions, des perroquets et, ses préférés, plusieurs espèces de mammifères marins. «J’ai développé un intérêt particulier pour les morses de l’Aquarium du Québec, avec qui l’UdeM a établi un partenariat. Ce sont des animaux très intelligents et avec qui l’on communique facilement.»

Son intérêt pour le comportement animal date de cette période. Elle a observé que les techniciens en soins animaliers préféraient «collaborer» avec les animaux qui ont besoin de soins plutôt que de les approcher avec des produits anesthésiants ou des contentions. «Les employés des établissements zoologiques font ça depuis très longtemps: amener les animaux à participer à leurs traitements de leur plein gré!»

La vétérinaire évoque avec émotion une femelle macaque diabétique qui, non seulement venait d’elle-même à la rencontre du vétérinaire, mais tendait le bras pour sa prise de glycémie et son insuline! «Croyez-moi ou non, j’ai appliqué ce type d’approche à la maison, avec mon enfant de deux ans qui détestait les prises de sang et en avait malheureusement besoin.»

Son truc? Elle a appliqué la méthode du renforcement positif pour amener sa petite fille à apprivoiser la seringue en la récompensant de petits bonbons (des demi-M&M’s) lorsqu’elle se laissait faire. À la clinique, quelques semaines plus tard, l'enfant a laissé l’infirmière la piquer au bras sans rechigner et elle s'est même montrée enthousiaste!

Après avoir suivi des formations spécialisées (elle est diplômée de l’American College of Zoological Medicine, de l’European College of Zoological Medicine et de l’American College of Veterinary Behaviorists), elle a entrepris des travaux de recherche sur le comportement animal, thème qu’elle enseigne aux futurs vétérinaires. Elle donne également de nombreuses conférences pour des auditoires spécialisés ou le grand public.