Secteur des TIC: donner plus de vacances pour réduire le roulement de personnel

Bon an, mal an, 11 % des travailleurs et travailleuses quittent volontairement leur emploi au sein des entreprises du secteur des TIC, soit le double du taux de roulement moyen qu’affichent les entreprises des autres secteurs économiques.

Bon an, mal an, 11 % des travailleurs et travailleuses quittent volontairement leur emploi au sein des entreprises du secteur des TIC, soit le double du taux de roulement moyen qu’affichent les entreprises des autres secteurs économiques.

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Accorder plus de jours de vacances pourrait contribuer à réduire le départ volontaire d’employés dans les entreprises québécoises du secteur des technologies de l’information et de la communication.

Selon des données de 2016, plus de 50 % des entreprises québécoises du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) offrent de très bonnes conditions de travail, incluant trois semaines de vacances dès la deuxième année de service, des congés de maladie et des congés personnels payés, de même que des reports ou accumulations de vacances et de congés – sans parler de salaire et d’avantages sociaux.

Or, bon an, mal an, 11 % de leurs travailleurs et travailleuses les quittent volontairement, soit le double du taux de roulement moyen qu’affichent les entreprises des autres secteurs économiques.

Plus encore, 20 % de ces départs volontaires dans les TIC surviennent au cours de la première année de service et 46 % entre la première et la troisième année.

Des données obtenues auprès de 125 entreprises des TIC

Stéphane Renaud

Il importe de considérer que le secteur des TIC au Québec affiche une forte croissance dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre hautement qualifiée – le taux de chômage y est de moins de un pour cent. La question du roulement de personnel est donc un enjeu stratégique central, car elle limite le potentiel de croissance de bon nombre d’entreprises.

Professeur titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, Stéphane Renaud s’est intéressé au lien entre les vacances, les congés parentaux et le roulement volontaire dans ces organisations.

Avec ses collègues Sylvie St-Onge, de HEC Montréal, et Denis Morin, de l’Université du Québec à Montréal, il a mené une étude auprès de gestionnaires en ressources humaines de 125 entreprises québécoises du secteur des TIC au moyen d’un questionnaire. Ensemble, ces entreprises comptent près de 75 000 employés.

Constitué d’organisations de différentes tailles, l'échantillon comprend 16 % de très grandes entreprises (500 employés et plus), 20,8 % de grandes organisations (de 100 à 499 employés), 18,4 % d’organisations de taille moyenne (de 50 à 99 employés) et 44,8 % de petites et moyennes entreprises (moins de 50 employés).

L’équipe de recherche a mesuré le taux de roulement volontaire de chacune d’elles en divisant le nombre d’employés qui ont quitté leur emploi d’eux-mêmes au cours d’une année par le nombre total de ses employés. Ce taux a ensuite été mis en relation avec le nombre de journées de vacances et la durée des congés parentaux payés.

Les résultats indiquent qu’une offre accrue de journées de vacances ou de jours chômés peut réduire considérablement les départs volontaires. Concrètement, si un employeur offre 10 journées de vacances additionnelles à son personnel, il verra son roulement global diminuer de 1 %, ce qui équivaut à une diminution de taux de près de 10 % par rapport au taux de roulement du secteur des TIC.

Pour ce qui est de la mesure du taux de compensation de revenus pour les congés parentaux, elle n’est pas associée à une baisse du roulement.

«Dans ce secteur où la moyenne d’âge des travailleuses et travailleurs est de 36 ans et où les salaires moyens sont plutôt élevés, une augmentation salariale n’a aucun effet sur le taux de roulement, commente Stéphane Renaud. Et comme tous n’ont pas d’enfants, une compensation accrue pour les congés parentaux a moins d’incidence sur la baisse du roulement par comparaison à un accroissement des journées de vacances.»

Des départs volontaires coûteux pour les entreprises

Un taux de roulement volontaire de 11 % signifie que, chaque année, il faut remplacer plus de 10 % de sa main-d’œuvre. Et dans le secteur des TIC, chaque remplacement est très onéreux.  

«En coûts directs, les frais de recrutement d’un nouvel employé peuvent atteindre jusqu’à 100 % du salaire de la personne à remplacer, comparativement à 20 % en moyenne dans les autres secteurs, précise Stéphane Renaud. C’est sans compter les coûts indirects de la perte de savoir-faire et de productivité ainsi que de la formation dont aura besoin le nouvel employé.»

De plus, si l’ex-employé est engagé par une organisation concurrente, il peut en résulter une perte de compétitivité pour ladite entreprise.

Toutefois, l’augmentation du nombre de journées de vacances ou de jours chômés ne constitue qu’une piste de solution à une problématique plus large.

«Parce que l’attraction et la rétention des talents au sein des entreprises sont toutes deux des clés du succès dans une industrie compétitive et hautement qualifiée, telle que les TIC, il est crucial de réduire le roulement des professionnels des TIC en révisant l’ensemble des récompenses qu’elles accordent, c'est-à-dire tout ce que les salariés aiment dans leur travail, incluant la rémunération, les avantages, le développement de carrière, l’objet et le contexte du travail», conclut Stéphane Renaud.

Un secteur important de l’économie

En 2018, le secteur des TIC représentait 5,04 % du produit intérieur brut (PIB) total du Québec, soit 16,1 G$.

De plus, le PIB de ce secteur au Québec a augmenté en moyenne de 2,51 % au cours des 10 dernières années, soit près du double de la croissance du PIB de toutes les industries, qui se situe à 1,52 % pour la même période.

Selon les données de 2019 du ministère de l'Économie et de l'Innovation, l’industrie québécoise des TIC regroupe près de 137 000 travailleurs et procure des revenus de près de 32,5 G$, en plus d’être à la source d’investissements avoisinant 1,7 G$ par année en recherche et développement.