Hypersensibilité aux sons et bruits fantômes: la technologie à la rescousse
- UdeMNouvelles
Le 3 juin 2021
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Sylvie Hébert, professeure à l’UdeM et chercheuse en audiologie, fait appel aux avancées technologiques pour mieux comprendre l’hyperacousie et les acouphènes.
Imaginez: c’est la nuit, vous êtes étendu dans votre lit, tout est calme. Pourtant, vous entendez un son qui s’apparente à un sifflement, un bourdonnement, un grésillement. Ou encore, votre partenaire est en train de faire la vaisselle à côté de vous et le simple bruit des assiettes qui s’entrechoquent vous est tout simplement insupportable.
Dans le premier cas, vous souffrez probablement d’acouphènes et dans le second d’hyperacousie, deux problèmes courants de l’audition auxquels s’intéresse Sylvie Hébert, professeure à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’Université de Montréal et chercheuse au laboratoire de recherche sur les acouphènes et l’hyperacousie, associé au Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son.
La chercheuse et son équipe mènent des recherches fondamentales et cliniques sur ces questions, en plus de concevoir des instruments qui permettent de mieux caractériser l’audition et les troubles auditifs. Depuis quelques années, elles font appel aux progrès technologiques pour creuser ces problématiques.
Un bouchon intelligent pour amoindrir l’acouphène?
Grâce à une récente subvention du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, Sylvie Hébert approfondit ses recherches dans deux volets.
Tout d’abord, elle poursuit son projet sur le stress et le bruit comme facteurs déclencheurs ou aggravants de l’acouphène, qui lui a valu une bourse AUDACE du Fonds de recherche du Québec – Société et culture. Réalisée en partenariat avec Jérémie Voix, de l’École de technologie supérieure, et Alain Vinet, du Département de pharmacologie et physiologie de l’UdeM, cette étude teste des bouchons de protection auditive intelligents pour évaluer les effets du stress et du bruit sur les acouphènes.
«Conçus par Jérémie Voix, les bouchons possèdent un microphone externe et un interne, explique la chercheuse. Le microphone externe capte les bruits environnants et l’interne le rythme cardiaque dans l’oreille. Nous sommes en train de valider les bouchons avec un équipement clinique. Ainsi, nous posons sur les participants un moniteur cardiaque Holter, puis nous les soumettons à des situations de stress ou de bruits intenses. Dans une étape ultérieure, nous examinerons si ces stimulus augmentent l’acouphène.»
Ultimement, la chercheuse et son étudiante de doctorat Bérangère Villatte souhaiteraient pouvoir utiliser cet instrument dans des situations ambulatoires. «Par exemple, si une personne avec un acouphène était soudainement exposée à du bruit et que le bouchon détectait une pulsation cardiaque accrue, on pourrait envoyer de façon intelligente un bruit masquant ou de la musique relaxante, et ainsi proposer des solutions immédiates et pertinentes.»
Prévoir l’hyperacousie avec son visage?
Plus méconnue que l’acouphène, l’hyperacousie se définit comme une intolérance anormale aux sons communs de l’environnement malgré une audition normale ou quasi normale. Sylvie Hébert se demande si les expressions faciales pourraient être des indicateurs de prévision d’un soulagement ou d’une guérison de cette affection. «Nous savons que certains sons provoquent des réactions chez l’humain: on se crispe, fait des mimiques, arbore un visage de dégoût, etc. Nous voulons savoir s’il existe des réactions spécifiques en fonction de l’intensité ou de la nature du son.»
Pour cette recherche, la professeure et son étudiante de doctorat Charlotte Bigras comptent recourir à des caméras et des algorithmes d’intelligence artificielle pour déterminer si des muscles ou zones du visage sont activés quand surviennent certaines intensités ou émotions associées aux sons.
«Peut-être arriverons-nous à lier certains types de réactions à des sons pour ensuite utiliser ces réactions comme critères de traitement, c’est-à-dire pour prédire si le traitement mènera au soulagement ou même à la guérison de l’hyperacousie.»
Inédite en audiologie, cette approche a déjà été employée en psychologie auprès de patients suivis pour une dépression et chez qui il était possible de prévoir si la thérapie allait fonctionner, selon des expressions faciales observées.
Mieux comprendre les acouphènes
Sylvie Hébert est l’auteure d’Acouphènes: les reconnaître et les oublier, paru en mars 2020. Tout en présentant les facteurs de risque et les problèmes couramment associés à ce trouble de l’audition, cet ouvrage offre des techniques et des solutions pour briser l’isolement et donner de l’espoir à tous ceux et celles qui souffrent, non pas dans le silence, mais dans le bourdonnement constant.