Traitement de la dépression: la télépsychiatrie s’avère aussi efficace que les consultations en personne

  • Forum
  • Le 8 septembre 2021

  • Martin LaSalle
Selon une revue d'études, la télépsychiatrie tend à être au moins aussi efficace que les soins en personne pour l'atténuation des symptômes dépressifs, et ce, tant chez les aînés que chez les plus jeunes.

Selon une revue d'études, la télépsychiatrie tend à être au moins aussi efficace que les soins en personne pour l'atténuation des symptômes dépressifs, et ce, tant chez les aînés que chez les plus jeunes.

Crédit : Getty

En 5 secondes

Suivre une personne atteinte de dépression par l’entremise du téléphone ou par vidéoconférence serait tout aussi efficace que les consultations en personne, selon une récente revue d’études.

Le recours à la télémédecine ne date pas d’hier en matière de suivi de personnes atteintes de dépression; la première étude sur son acceptabilité et son efficacité remonte à 1998! Toutefois, les médecins et autres professionnels de la santé ont été de plus en plus nombreux à l’utiliser au cours des dernières années afin de joindre plus de patients, notamment en milieu rural.

Résident au sein du groupe de médecine familiale universitaire du Marigot, à Laval, le Dr Jean-François Echelard a contribué à enrichir la littérature scientifique sur cette question grâce à une revue d’études portant sur la télépsychiatrie, c’est-à-dire l’utilisation des technologies de l’information et de la communication telles que la vidéoconférence et le téléphone pour le diagnostic et la prise en charge de la dépression.

À partir d’un corpus de 13 études menées auprès de 135 patients en moyenne, il a examiné les effets et perceptions des personnes dépressives et du personnel soignant quant à ce type de soins virtuels ainsi que les comparaisons avec les soins traditionnels en personne.

Les données analysées étaient de trois ordres, soit les variables liées à la dépression (évolution de l’intensité des symptômes sur les plans qualitatif et quantitatif), celles associées à la perception de la télépsychiatrie (acceptabilité, relations avec le médecin ou avec d’autres professionnels de la santé) et les variables découlant du degré de fonctionnement du patient (observance de la médication, respect des rendez-vous par exemple).

Diminution équivalente des symptômes dépressifs

Jean-François Echelard

Crédit : Amélie Philibert

Publiée à la fin juillet dans le Journal of Medical Internet Research*, la revue d’études effectuée par le Dr Echelard montre que «la télépsychiatrie tend à être au moins aussi efficace que les soins en personne pour l'atténuation des symptômes dépressifs, la satisfaction des patients tout comme leur qualité de vie, le fonctionnement des séances de même que le rapport coût-efficacité».

Et la télépsychiatrie serait efficace chez les aînés comme chez les plus jeunes. Le degré de satisfaction est d’ailleurs également élevé du côté du personnel soignant, qu’il s’agisse de psychiatres ou de médecins généralistes.

Ces résultats étaient constants dans le temps, c’est-à-dire qu’ils ont été obtenus à la fois dans les études entreprises depuis 2010 et dans la plus récente, en 2020.

Fait à noter, certains des programmes de télépsychiatrie ayant fait l’objet des études analysées tenaient compte de la sensibilité culturelle des populations auxquelles ils étaient destinés.

«Ces programmes avaient été spécifiquement élaborés pour le traitement de personnes ayant un profil socioculturel différent, dont des populations hispaniques, asiatiques ainsi que des groupes de détenus», indique le médecin chercheur.

Recours accru à la télémédecine en temps de pandémie

L’utilisant lui-même pour traiter et suivre certains de ses patients, le Dr Echelard a observé tant pour lui que pour ses pairs une explosion du recours à la télémédecine au cours de la pandémie de COVID-19.

«Nous sommes passés de quelques appels par jour à, parfois, presque des journées entières au téléphone ou en vidéoconférence avec les patients», témoigne-t-il.

S’il déclare manquer de recul et de données pour préciser s’il y a eu recrudescence du nombre de cas de dépression durant cette crise qui s’étire, il constate dans sa pratique que les restrictions attribuables aux règles sanitaires «sont très présentes dans le discours des personnes que je traite».

Aussi juge-t-il que d’autres études doivent être faites pour continuer de mesurer l’effet de la télépsychiatrie, notamment en ce qui concerne son utilisation pour poser un diagnostic. «Au téléphone ou en vidéoconférence, il peut être plus difficile d’effectuer un examen objectif de l’état mental de la personne», dit-il.

Les futures études devraient entre autres viser à évaluer les variables de la dépression, les perceptions et les résultats des soins de santé, en plus d’être menées dans divers contextes cliniques, y compris les soins primaires. «Néanmoins, on peut d’ores et déjà affirmer que la télépsychiatrie est une modalité de soins prometteuse pour les patients souffrant de dépression», conclut le Dr Echelard.

 

*Jean-François Echelard, «Use of Telemedicine in Depression Care by Physicians: Scoping Review», Journal of Medical Internet Research, vol. 5, no 7, juillet 2021.

La dépression, une maladie fréquente

On estime que 10 % de la population mondiale souffre de dépression au moins une fois dans sa vie. Sur un horizon de 12 mois, ce sont environ 5 % des habitants de la planète qui en sont atteints – ces proportions étant plus fortes dans les pays à revenu élevé.

La dépression est associée à un risque plus grand de décès prématuré, tant en raison du risque suicidaire que du lourd fardeau de santé physique de cette psychopathologie: la dépression est un prédicteur de nombreuses maladies physiques, notamment la maladie coronarienne, l'infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux, le diabète et divers cancers.