Le pouvoir de l’odeur d’une mère
- UdeMNouvelles
Le 14 décembre 2021
Les phéromones maternelles jouent un rôle important dans la socialité du nourrisson, selon une nouvelle étude du CHU Sainte-Justine.
Une nouvelle étude à laquelle a participé le professeur Guillaume Dumas, du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et de l’Université de Montréal, en collaboration avec le Centre interdisciplinaire d’Herzliya en Israël, démontre de quelle façon les phéromones maternelles augmentent la synchronisation entre le cerveau du nourrisson et celui de sa mère, suggérant leur rôle dans le développement de l’«instinct social» du bébé et ouvrant la porte à de nouvelles stratégies thérapeutiques pour les troubles du développement.
Les résultats de ces travaux sont présentés aujourd’hui dans le journal Science Advances.
Des odeurs rassurantes
Les odeurs corporelles maternelles sont des signaux importants pour le sentiment de sécurité et de reconnaissance sociale chez l’enfant, mais on ne sait que très peu de choses de leur rôle dans la maturation sociale du cerveau humain.
«À l'aide d'enregistrements de l’activité électrique du cerveau, nous avons étudié l'effet des phéromones maternelles sur les interactions sociales de nourrissons avec leurs mères, puis avec des adultes inconnus accompagnés ou non d’odeurs corporelles maternelles, explique Guillaume Dumas, neuroscientifique au CHU Sainte-Justine et professeur adjoint au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal. L'interaction mère-enfant a conduit à une importante synchronisation entre leurs cerveaux – plus que dans le cas étranger-enfant. Toutefois, nous démontrons que la présence de phéromones maternelles peut augmenter cette synchronisation dans l’interaction nourrisson-étranger, même si la mère est absente, et s’accompagne d’une plus grande attention sociale, d’une excitation positive et d’un sentiment de sécurité et d’approche du nourrisson accru.»
Les signaux chimiques olfactifs peuvent donc soutenir le transfert de la socialité infantile mère-enfant à celle au sein des groupes sociaux.
L’humain, un mammifère social
Pour les mammifères sociaux, une fonction clé du lien mère-enfant consiste à adapter le cerveau du nourrisson à la vie au sein d’une communauté et à créer des mécanismes de détection de la sécurité et du danger.
Nos cousins lointains, les primates, dépendent de l'aide d’«allomères» pour élever leurs petits et les femelles doivent donc transmettre cette fonction de régulation externe à d'autres adultes du groupe social et les imprégner de familiarité et de sécurité.
Les odeurs sont ainsi d'anciens signaux chimiques de l'espèce Homo sapiens qui déclenchent des changements neuronaux complexes dont la fonction est de consolider les liens sociaux avec les congénères, d'augmenter l'importance des indices contextuels et de symboliser la mère et l'habitat; les odeurs sont les seuls indices sensoriels qui peuvent représenter la mère en son absence.
Nouvelles stratégies thérapeutiques
Guillaume Dumas explique que «nos résultats confirment que des mécanismes intercérébraux sont liés au développement du cerveau social de l'enfant et que les phéromones maternelles peuvent transférer cet instinct social infantile du lien mère-enfant à d’autres contextes sociaux, ouvrant ainsi la porte à de nouvelles interventions neurochimiques dans les troubles du développement avec altération de la socialité comme l’autisme. Nous pourrions, notamment, isoler les phéromones maternelles sous forme de vaporisateur afin de les utiliser comme modulateur de la motivation sociale chez l’enfant».
«Nous poursuivons nos recherches pour élucider les mécanismes biologiques de ces synchronisations intercerveaux, notamment en enregistrant l’activité électrique du cerveau du nourrisson en présence de plus de deux personnes, par exemple les deux parents accompagnés du clinicien», conclut Guillaume Dumas.
À propos de l’étude
L’article «Maternal Chemosignals Enhance Infant-Adult Brain-to-Brain Synchrony», écrit par Yaara Endevelt-Shapira, Amir Djalovski, Guillaume Dumas et Ruth Feldman, a été publié dans le journal Science Advances le 10 décembre 2021.
L’étude a été financée par la Chaire de la Fondation Simms/Mann Ruth Feldman et la Fondation de la famille Bezos.
Relations avec les médias
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Julie Gazaille
Université de Montréal
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