Pourquoi le prix de l’essence est-il si élevé?

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Qu’est-ce qui explique la flambée actuelle du prix du pétrole? Deux experts en sciences économiques de l’UdeM décortiquent le phénomène.

Depuis quelques jours, le prix de l’essence atteint des sommets inégalés au Québec. Dans la grande région métropolitaine, le litre de carburant avoisine les deux dollars à la pompe. Qu’est-ce qui cause cette hausse fulgurante? Le contexte géopolitique actuel est-il le seul facteur à blâmer?

Guillaume Sublet et Immo Schott, professeurs au Département de sciences économiques de l’Université de Montréal, analysent ce phénomène qui fait tiquer plus d’un automobiliste québécois.

Une question d’offre et de demande

Guillaume Sublet

C’est un concept de base. La loi de l’offre et de la demande est le principe qui régit le prix d’un bien ou d’un service. Et l’industrie pétrolière n’y fait pas exception.

Rappelons que l’industrie de l’or noir n’est pas un marché très compétitif, puisque ce n’est pas quiconque qui peut produire et vendre cette ressource. Les principaux pays exportateurs de pétrole sont l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Iran, le Koweït notamment, ainsi que les États-Unis, la Russie et le Canada.

«Les pays exportateurs de pétrole ont tendance à limiter leur production pour exploiter leur pouvoir de marché. En limitant l’offre, bien que les quantités vendues soient moindres, les prix sont plus élevés et les profits aussi. On estime que les capacités de production des pays producteurs pourraient combler environ la moitié du manque lié au pétrole de la Russie. Cela dit, il y a une composante politique importante dans ces décisions de production», affirme Guillaume Sublet.

Immo Schott ajoute que, parallèlement, la demande de pétrole est très élevée, certainement en raison de la reprise des activités normales postpandémiques – les particuliers se remettent à dépenser, à se déplacer pour aller travailler, à voyager. «Les gens n’ont presque rien dépensé pendant deux ans, alors ils se retrouvent maintenant avec un grand pouvoir d’achat», précise-t-il.

Donc, selon la loi de l’offre et de la demande, une réduction de l’offre fait augmenter les prix tout comme une hausse de la demande. Et actuellement, on est en présence des deux phénomènes. En somme, les pays producteurs de pétrole ne parviennent pas à suffire à la demande mondiale et les prix s’envolent.

L’effet de l’invasion russe

Immo Schott

Le débalancement entre l’offre et la demande est grandement responsable de la flambée des prix à la pompe. Cependant, on ne peut pas non plus éluder complètement la question de l’invasion militaire russe de l’Ukraine.

«Le conflit complique les chaînes d’approvisionnement, notamment le transport du pétrole, comme souvent dans les crises politiques et économiques», indique Immo Schott.

Aussi, un peu partout sur la planète, se répand la crainte de l’imposition de sanctions contre l’industrie pétrolière russe. On s’inquiète d’une potentielle réduction de l’offre de produits pétroliers, la Russie étant le troisième producteur et le deuxième exportateur d’hydrocarbures en importance au monde.

Des conséquences multiples

Cette augmentation du prix du baril de pétrole a une influence globale sur l’économie. D’abord, Guillaume Sublet le rappelle, elle exacerbe l’inflation, qui s’est accélérée quand on constate que l’indice des prix à la consommation a atteint 5,1 % en janvier, une première en 30 ans.

«Pour lutter contre cette inflation, la Banque du Canada vient de faire passer son taux directeur de 0,25 % à 0,50 %», note M. Sublet.

À plus petite échelle, le consommateur pourrait également être témoin d’une hausse des prix de ses achats généraux – nourriture, vêtements par exemple –, puisque le pétrole est un bien intermédiaire, c’est-à-dire un bien qui est utilisé par une entreprise lors de la production d’un autre bien ou service.

Lueur d’espoir pour le consommateur: les deux experts croient que les prix exorbitants de l’essence devraient finir par se stabiliser, puis redescendre. Il reste toutefois difficile de le prévoir exactement, car l’issue de l’invasion de l'Ukraine par la Russie demeure incertaine. Et Guillaume Sublet voit là un rappel de l’importance d’une transition vers les énergies renouvelables.

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