Vieillir et se loger dans les quartiers centraux montréalais
- UdeMNouvelles
Le 17 mars 2022
- Virginie Soffer
L’embourgeoisement des quartiers centraux montréalais conduit à des situations de précarité résidentielle chez les locataires âgés.
Comment vieillir chez soi dans un quartier central montréalais si l’on est en situation de précarité résidentielle?
Telle est la question que s’est posée Julien Simard, chargé de cours au certificat de gérontologie de la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal. Pour y répondre, il est allé, dans le cadre de sa thèse, à la rencontre d’une vingtaine de personnes âgées de 60 ans et plus confrontées à un problème de logement dans les quartiers Villeray, La Petite-Patrie, Rosemont et Le Plateau-Mont-Royal, ainsi que de 10 intervenants et intervenantes. Il s’est tourné vers les comités de logement pour interviewer des membres de ces regroupements ou des résidants qui ont bénéficié des services de ces comités.
Une situation problématique
Avec l’embourgeoisement, les quartiers centraux montréalais sont de moins en moins diversifiés sur le plan de la mixité intergénérationnelle. La spéculation immobilière, couplée à la hausse des prix des loyers, contraint les gens âgés à faible revenu à déménager.
«Malheureusement, les personnes âgées ne sont pas rentables pour les propriétaires. Quand elles restent plusieurs dizaines d’années à la même adresse, elles vont payer un loyer bien plus bas que celui du prix du marché. Et en fonction des prix actuels, c’est comme si les aînés étaient persona non grata dans les quartiers centraux», note Julien Simard.
Le tiers des gens âgés sont bien souvent isolés. «Les propriétaires utilisent alors des tactiques que j’associe à de la maltraitance et à des abus psychologiques pour contraindre les locataires à accepter des hausses abusives de loyer ou pour les inciter à partir en leur faisant peur, en les manipulant ou en cherchant à menacer leur intégrité psychologique», mentionne le chargé de cours.
Comment les aînés réagissent
«Ce sont des drames humains quand une personne doit quitter le quartier où elle a vécu pendant un demi-siècle. Elle aimerait tant rester dans son environnement familier et continuer par exemple à faire son marché comme elle en a l’habitude, fait observer Julien Simard. C’est un déchirement de devoir partir vivre dans un autre quartier.»
Cela dit, rappelons que la population âgée est hétérogène. «Tous n’ont pas les mêmes capacités, les mêmes ressources, les mêmes formes de capital social, culturel et économique. Alors les réactions des personnes vieillissantes par rapport aux transformations urbaines sont également variables», dit-il.
On entend peu parler de l’action politique chez les individus âgés et c’est entre autres ce qui intéresse Julien Simard. Il est allé parler à des personnes qui étaient au courant de leurs droits, qui étaient proches d’un comité de logement et qui avaient une grande capacité à s’indigner. Il y a des cas où des personnes âgées de 70 ans et plus sont protégées de l’éviction et de la reprise de possession par le projet de loi no 492, mais elles ne le savent pas toutes. Certaines avec qui Julien Simard a discuté ont pu réagir et contester vigoureusement les demandes d’éviction.
Des logements sociaux comme solution
Devant la hausse des loyers, Julien Simard propose de garantir le droit au logement pour les populations à faible revenu. «Il faudrait des centaines de milliers d’appartements abordables. Mais pas abordables d’après la définition du gouvernement ‒ parce que l’abordabilité est calculée selon les barèmes de la Société canadienne d’hypothèques et de logement et elle ne correspond pas à la réalité de personnes qui gagnent de 1600 à 1800 $ par mois. Je veux parler de logements qui pourraient être hautement subventionnés.»
Il poursuit: «Sans la construction massive et immédiate de logements sociaux destinés aux aînés à faible revenu dans les quartiers centraux montréalais, les seuls ménages vieillissants qui seront en mesure d’habiter dans ces quartiers dans la prochaine décennie appartiendront à des classes sociales mieux nanties, ils auront acquis une sécurité d’occupation en étant eux-mêmes propriétaires.»