Où planter des arbres à Montréal? Un outil pour enrichir la réflexion

En 5 secondes Élaboré à l’UdeM, un outil d’aide à la planification de la plantation d’arbres pourrait contribuer à choisir les meilleurs emplacements à Montréal pour en optimiser les bienfaits.
Bien que les arrondissements tiennent compte de plusieurs facteurs techniques pour planter des arbres, ils omettent leur potentiel, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de prévention des inondations.

Imaginez que vous vouliez planter un arbre dans votre quartier. Où le mettriez-vous: près d'une école pour offrir de l'ombre aux enfants? Le long d'une rue achalandée pour absorber la pollution? Dans un secteur où le béton domine et où la chaleur devient étouffante l'été? 

C'est le type de questions que s’est posées Alexandre Rioux au cours de ses travaux de maîtrise à l'École d'urbanisme et d'architecture de paysage de l’Université de Montréal. Sous la direction de la professeure Danielle Dagenais, il a créé un outil pour aider les municipalités à explorer différentes possibilités de plantation en considérant certains bienfaits ou contraintes qui ne sont pas toujours pris en compte. 

L’objet de cette recherche faisait partie du projet PIIVO (Planification de l'implantation des infrastructures vertes en innovation ouverte) dirigé par la professeure Françoise Bichai, de Polytechnique Montréal. 

Réalisée en 2023, l’analyse révèle que de 10 à 16 % des lieux où les arrondissements prévoient planter des arbres correspondent aux endroits qui répondraient au plus grand nombre d'objectifs simultanément. Cela ne veut pas dire que les arrondissements font fausse route, mais plutôt qu'il existe potentiellement d'autres possibilités à explorer. 

 

Un grand remue-méninges collectif 

Au départ, Alexandre Rioux et l’équipe du projet ont réuni 37 personnes – des employés municipaux, des experts en santé publique, des spécialistes de l'environnement et des citoyens – des arrondissements d’Ahuntsic-Cartierville, de Rosemont–La Petite-Patrie et de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. 

Ensemble, ils ont ciblé des objectifs liés aux besoins des milieux concernés ainsi que les bienfaits qu'un arbre peut apporter, tels que rafraîchir l'air durant les canicules, absorber l'eau lors de pluies torrentielles, offrir un habitat aux oiseaux et aux insectes, améliorer la répartition équitable de la végétation, etc. 

«Il y a eu beaucoup de rencontres pour s'entendre sur ce qui était important à mesurer», explique Danielle Dagenais. Au final, l'équipe a défini 22 sous-objectifs répartis en deux grandes catégories, soit les besoins et les possibilités. 

Alexandre Rioux s'est inspiré d'une méthode conçue en Australie qui combine justement ces deux perspectives. Les besoins correspondent aux services qu'un arbre peut rendre dans un secteur donné – par exemple réduire la chaleur là où il fait déjà trop chaud l'été. Les possibilités, elles, désignent les endroits où un arbre a les meilleures chances de bien pousser – comme là où il y a un grand volume de sol disponible pour ses racines. 

Les préoccupations praticopratiques des arrondissements

«Les données indiquent que, lorsque les arrondissements choisissent un endroit pour planter un arbre, ils se posent surtout des questions pratiques et légitimes, à savoir s’il y a des tuyaux souterrains qui pourraient être endommagés, si l'arbre va être trop près d'un poteau électrique ou encore s’il y a assez d'espace par rapport au trottoir», illustre Danielle Dagenais.  

Mais selon la recherche, ces préoccupations éludent d'autres aspects qui pourraient être considérés. 

Ainsi, aucun des trois arrondissements étudiés ne planifiait ses plantations en tenant compte de la gestion de l'eau de pluie. Pourtant, la littérature sur le sujet montre que des arbres bien placés peuvent absorber l'eau lors d'un orage, réduisant de la sorte les risques d'inondation. 

«Les planificateurs ont certains objectifs en tête, mais peut-être pas tous», observe Danielle Dagenais. 

Il y a aussi une question d'échelle. Les employés municipaux travaillent avec des plans très détaillés: ils savent exactement où se trouvent chaque banc de parc et chaque arrêt d'autobus. L'outil imaginé par Alexandre Rioux, lui, fonctionne selon une vue d'ensemble du quartier à une échelle de 20 m2. Les deux approches sont complémentaires.

Des cartes pour mieux discuter

L'outil créé par Alexandre Rioux produit des cartes qui signalent, en couleurs, les endroits où un arbre pourrait répondre à plusieurs objectifs à la fois. Un peu comme une carte météo qui indique où il va pleuvoir, mais pour les arbres! 

Ces cartes n’ont pas été conçues pour obliger les arrondissements à planter à tel ou tel endroit. Elles servent plutôt à ouvrir la discussion. 

«Elles permettent aux professionnels de voir ensemble où ils pourraient planter des arbres pour faire d'une pierre deux coups», mentionne Danielle Dagenais. Par exemple, si un secteur est à la fois très chaud l'été et habité par des familles à faible revenu, la plantation pourrait être doublement bénéfique.  

Ces cartes ont l’avantage de rassembler des informations qui viennent de plusieurs services municipaux. Celui qui s'occupe des arbres peut ainsi voir ce qui préoccupe le service qui gère les égouts ou celui qui voit à la santé publique. 

«Ce projet permet aux gens de discuter et de voir ce qui est important pour les autres, signale Danielle Dagenais. L’outil ne remplace pas le jugement des professionnels ni leurs connaissances du terrain, il leur offre une perspective complémentaire pour alimenter leurs réflexions.» 

 

Et si l’on plantait ailleurs que le long des rues? 

Habituellement, les arrondissements plantent des arbres là où ils peuvent surveiller leur croissance, soit dans les parcs, le long des rues, sur les terrains municipaux. Mais qu'en est-il des terrains privés, qui représentent une grande partie de la ville? 

«Pour encourager les propriétaires privés à planter des arbres, il y a des programmes qui donnent des arbres ou des règlements qui obligent à en planter quand on construit quelque chose de neuf, mais les incitatifs sont limités», note Danielle Dagenais. 

Elle souligne en outre une autre lacune: il n’existe pas de registre sur les arbres en milieux privés qui permettrait d’en connaître le nombre ainsi que les essences.  

Par ailleurs, les écoles, les hôpitaux et autres organismes publics offrent des possibilités de plantation intéressantes. Plusieurs cours d'école se sont déjà mises au vert. On voit même apparaître des «microforêts» dans certains parcs.

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