Optimisme en baisse: comment appréhender l’avenir avec confiance?

Jean Grondin

Jean Grondin

Crédit : Amélie Philibert

En 5 secondes

Regard sur le futur avec le philosophe et professeur de l’UdeM Jean Grondin.

Crise climatique, inflation qui s’accélère, conflit armé en Europe, marché immobilier inaccessible, bactéries antibiorésistantes, spectre d’une pandémie, tueries dans des écoles primaires: voilà autant de raisons qui peuvent expliquer la chute de l'optimisme des Canadiens face à l’avenir.

Quelle est la solution quand le futur semble noir? Quelle position pouvons-nous adopter pour garder le moral?

«Toutes ces crises sont gravissimes et à prendre très au sérieux, mais qui nous dit que nous n’en viendrons pas à bout et que nous ne réussirons pas à les contenir? Notre civilisation a traversé plusieurs crises: des guerres mondiales atroces, des régimes totalitaires barbares, la peste, l’ignorance, la mortalité infantile et la pauvreté à très, très grande échelle. N’avons-nous pas trouvé des solutions pour surmonter ces épreuves? Je me souviens que, dans les années 80, tout le monde ne parlait que des pluies acides. Qui en parle encore? Il faut prendre conscience des réalisations, des conquêtes de l’esprit et continuer d’avoir confiance en l’esprit d’initiative des humains», répond le professeur du Département de philosophie de l’Université de Montréal Jean Grondin.

Figure marquante de la philosophie actuelle, le professeur est spécialiste de la métaphysique, de la philosophie allemande et de l’herméneutique – l’art d’interpréter des textes.  

Voir les succès et les solutions, sans lunettes roses

Jean Grondin rappelle la tendance de l’esprit humain à concentrer son attention sur les maux de ce monde. «Ils sont nombreux, certes, il faut rester vigilants, mais n’oublions pas les avancées ni les succès de nos sociétés. Et nous sommes en partie ici, à l’université, pour les enseigner», poursuit-il.

Il mentionne alors avec enthousiasme l’éradication à peu près totale de maladies mortelles comme la poliomyélite, la variole ou la tuberculose, la vitesse avec laquelle les vaccins contre la COVID-19 ont été mis au point et administrés, le taux d’alphabétisation mondial qui a grimpé de 10 à 86 % en deux siècles, la création des États de droit, l’abolition de l’esclavage, la liberté de presse (voir l’encadré).

«Oui, l’avenir est imprévisible. Oui, nous pourrions assister aux prémices d’une troisième guerre mondiale qui pourrait être suicidaire pour l’humanité. Soyons donc proactifs et faisons tout pour la prévenir. Je préfère toujours ceux qui proposent des solutions à ceux qui râlent sans arrêt. Je suis de l’école “Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays”», dit-il en citant le président John F. Kennedy lors de son discours inaugural, en 1961.

L’héritage de la métaphysique

M. Grondin avoue qu’il est sans doute ici l’héritier de la tradition de la métaphysique, thème qu’il enseigne depuis 40 ans. Les métaphysiciens de l’Antiquité étaient peut-être moins préoccupés par les défauts de leur époque et plus attentifs à «l’infinie beauté du monde qui s’impose à notre intelligence malgré le mal, la souffrance et l’absurde que nous ne manquons pas de rencontrer», tel qu’il l’écrit dans son dernier livre intitulé La beauté de la métaphysique

La métaphysique est cette branche fondamentale de la philosophie qui s’interroge sur les premiers principes du monde en s’appuyant sur l’ordre, la finalité, la beauté et l’intelligence des choses. «Aujourd’hui, avec nos connaissances, notre science et notre accès à une infinité de cultures et de langues, j’aimerais dire que nous sommes encore plus à même d’admirer cette beauté du monde que les Grecs eux-mêmes, souligne le professeur. Pensez seulement au fonctionnement d’une cellule, d’une molécule ou même d’un virus, sans oublier les prodigieuses œuvres artistiques que nous avons produites, c’est inouï!»

L’humain croit en l’avenir

Le philosophe voit donc l’avenir d’un œil plutôt optimiste. Il a d’ailleurs dédié son dernier ouvrage à ses petits-enfants, qui verront probablement le 22e siècle, puisqu’il est persuadé que le monde dans lequel ils grandiront vaudra la peine d’être vécu.

«Ce n’est pas ma vision personnelle du monde: tous les êtres humains ont confiance en l’avenir, c’est la raison pour laquelle ils forment des projets et font des études, fait remarquer Jean Grondin. Ils veulent améliorer leurs conditions de vie, celles de leurs enfants et de leur environnement, que nous savons menacé et que nous tenons à protéger. Nous espérons tous ce qu’il y a de meilleur et c’est pourquoi nous avons des universités, que nous donnons des cours, que nous éduquons nos enfants.»

Sa confiance ne vient pas sans une certaine vigilance. «Les escrocs, les Vladimir Poutine existent bel et bien, déplore M. Grondin. La grande lueur d’espoir ici est que l’invasion brutale de l’Ukraine a suscité une réprobation internationale qui nous a aidés à prendre conscience des acquis et des réalisations de notre civilisation sur le plan du vivre-ensemble et de la vigilance collective.»

Vous voulez plus d’exemples de succès?

Jean Grondin propose la lecture de Factfulness: Ten Reasons We're Wrong About the World and Why Things Are Better Than You Think, du médecin suédois Hans Rosling.

Cet ouvrage nous apprend que le monde, malgré toutes ses imperfections, est dans un bien meilleur état que nous le pensons. Il nous outille également pour mieux répondre aux crises et entrevoir les perspectives qui se dessinent, aussi incertain soit-il.

Sur le même sujet

philosophie arts livres