«Pride talk»: aider les pairs à soutenir leur communauté face au suicide

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Le professeur de l’École de santé publique de l’UdeM Olivier Ferlatte a reçu une importante subvention des IRSC afin d’élaborer un programme de prévention du suicide pour les personnes LGBTQ+.

Professeur adjoint au Département de médecine sociale et préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Olivier Ferlatte s’intéresse aux enjeux de santé mentale et de consommation de substance dans la communauté 2SLGBTQIA+, dont la question du suicide. Depuis 50 ans, de nombreuses études ont documenté le taux de suicide beaucoup plus élevé chez les personnes LGBTQIA+ par rapport aux personnes hétérosexuelles cisgenres: de deux à cinq fois plus élevé, et il l’est encore davantage chez les personnes trans. Plusieurs facteurs sociaux expliquent ces taux, notamment le contexte social dans lequel ces personnes vivent. «Il y a encore beaucoup de discrimination envers les personnes 2SLGBTQIA+», indique Olivier Ferlatte.

Passer à l’action

Mais maintenant que cette situation est connue, que peut-on faire? s’est interrogé le professeur. En effet, il a constaté un manque d’interventions adaptées aux personnes 2SLGBTQIA+, malgré la fréquence de la problématique dans cette communauté. Le projet qu’il a déposé aux Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) visait à combler ce manque et est la suite logique de ces travaux de recherche sur la question du suicide.

Ces travaux avaient mis en lumière le fait que les personnes 2SLGBTQIA+ avaient tendance à aller chercher de l’aide auprès de leurs pairs: «On a remarqué que les personnes 2SLGBTQIA+ ont parfois des relations tendues avec leur famille et le réseau de la santé, et qu’elles se tournent plutôt vers leurs pairs pour obtenir du soutien», raconte Olivier Ferlatte. Elles ont par ailleurs dans leur entourage plusieurs personnes susceptibles de faire une tentative de suicide. Un sondage pancanadien qu’a mené M. Ferlatte en 2018 a révélé que 73 % des personnes 2SLGBTQIA+ connaissaient au moins une personne 2SLGBTQIA+ ayant tenté de s’enlever la vie et 90 % une personne souffrant de dépression (un facteur de risque important de suicide).

Le professeur Ferlatte souhaitait donc concevoir un programme de type sentinelle adapté aux besoins des personnes 2SLGBTQIA+ qui permettrait de reconnaître les gens à risque et de les orienter vers les ressources appropriées. Si plusieurs formations de ce type existent, elles sont souvent rigides et ne prennent pas en compte les réalités des personnes 2SLGBTQIA+ et leur matériel reste très hétéronormatif, a observé le chercheur. Ces formations se déroulent également la plupart du temps en personne. Le programme qu’il veut mettre sur pied sera plutôt accessible en ligne, une option attrayante pour les personnes 2SLGBTQIA+, qui peuvent vouloir garder l’anonymat. Le programme pourra donc être suivi selon son propre rythme, dans le confort de son foyer, peu importe où l’on vit au Canada (ou dans le monde).

Concevoir en coopération

Le projet de recherche, qui vient tout juste d’obtenir un financement de un million de dollars des IRSC, se déroulera sur cinq ans. «L’idée est d’utiliser la méthode du design participatif, c’est-à-dire d’élaborer le programme en collaboration avec les utilisateurs potentiels», note Olivier Ferlatte, qui recourt à la recherche participative et collaborative dans ses travaux. L’équipe est constituée de chercheurs et chercheuses du Québec, d’Ontario, de Colombie-Britannique et d’Australie, et compte d’importants acteurs du milieu comme partenaires, dont Suicide Action Montréal, l’Association québécoise de prévention du suicide, Egale et le Centre de recherche communautaire.

Le professeur et ses collaborateurs procéderont tout d’abord à une revue de la littérature pour désigner les éléments importants d’une intervention en ligne à intégrer au projet. La première phase de recherche permettra aussi de comprendre les besoins des pairs aidants grâce à des entrevues qualitatives. Dans une deuxième phase, le contenu de la formation sera produit en collaboration avec des utilisateurs potentiels. Finalement, dans une troisième phase, ce sera la mise en ligne du programme et l’évaluation de son efficacité. Le professeur Ferlatte souhaite recruter 360 personnes qui suivront la formation pour évaluer ses retombées sur leurs connaissances et l’acquisition de compétences en prévention du suicide 6 mois et 12 mois après l’avoir terminée. «On espère avoir un effet positif en rendant la formation disponible pour que les gens apprennent comment intervenir dans leur communauté et favoriser ainsi la prévention du suicide», mentionne M. Ferlatte.

Bien sûr, ce programme ne réglera pas à lui seul la question du suicide dans la communauté 2SLGBTQIA+. «On veut être complémentaires à d’autres mesures qui devraient être mises en place», souligne M. Ferlatte. De plus, les pairs agissent déjà, mais parfois sans savoir quoi faire exactement. «On veut aider la communauté, mais sans mettre tout le fardeau de la prévention sur ses épaules», conclut-il.

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