Pour des projets d'aménagement résilients en contexte de risques d'inondation
- UdeMNouvelles
Le 17 août 2022
- Martin LaSalle
La professeure Isabelle Thomas conçoit et évalue, avec son équipe ARIACTION, un outil innovant destiné à favoriser un aménagement résilient du territoire dans un contexte de risques d’inondation.
En 2017 et 2019, le Québec a été frappé par deux inondations majeures qui ont incité le gouvernement provincial à mener une réflexion approfondie sur la gestion des évènements climatiques extrêmes en raison des dommages matériels et psychologiques qu’elles ont entraînés.
Depuis, les ministères concernés – Sécurité publique, Environnement et Lutte contre les changements climatiques et Affaires municipales et Habitation – ont amorcé une démarche de révision novatrice du cadre règlementaire en zone inondable en exprimant la volonté d’y intégrer la notion de «résilience».
«Puisque ces évènements sont difficilement prévisibles en termes de fréquence et d’intensité, il devient de plus en plus difficile de continuer à faire face à ces aléas en érigeant des ouvrages de protection, indique Isabelle Thomas, professeure à l’École d’urbanisme et d'architecture de paysage de l’Université de Montréal. Cette approche n’étant manifestement plus pertinente, le concept de résilience a alors émergé comme un nouveau paradigme qui permet d’aborder plus intelligemment et de façon plus pertinente les phénomènes climatiques extrêmes.»
C’est dans ce contexte que la professeure et son groupe de recherche réunis au sein d’ARIACTION se sont engagés dans des recherches actives afin de pouvoir favoriser un «réaménagement résilient» au Québec à la suite des inondations de 2017 et 2019.
Un outil qui évalue 70 critères de résilience
Cet été, l’équipe d’ARIACTION s’est affairée à créer et à tester un outil innovant et audacieux qui répond à un manque dans le domaine de la planification urbaine résiliente.
Nommé RésiliAction, cet outil interactif formalise une grille d’analyse afin de mieux répondre aux besoins de plusieurs ministères québécois. Ce prototype a été élaboré avec les représentants de plusieurs ministères au cours de rencontres et d’ateliers rassemblant des biologistes, aménagistes, géographes et ingénieurs écologues.
Ces rencontres ont permis de circonscrire une méthode d’analyse multicritère d’un projet d’aménagement en zone inondable grâce auquel il est possible d’en évaluer objectivement la résilience afin de pouvoir le comparer avec d’autres projets.
«Cet outil permet de calculer la résilience globale du projet d’aménagement à partir de plus de 70 indicateurs thématiques allant de l’environnement à l’intégrité écosystémique en passant par les critères de gouvernance et l’acceptabilité sociale de même que la communication du risque», précise Isabelle Thomas.
Aménager autrement au Québec
«Le processus de coconstruction est au cœur du projet, qui repose sur trois piliers, soit une solide base de données et d’analyses, une méthode d’évaluation avec des indicateurs bonifiés et la mise en œuvre de projets d’aménagement adaptés localement», ajoute la professeure, qui testera prochainement l’outil avec la collaboration des élus et de l’administration de la municipalité de Saint-André-d’Argenteuil.
«L’évaluation et la compréhension des modalités menant au renforcement de la résilience en zone inondable sont fondamentales, poursuit-elle. Dans sa forme définitive, afin de faciliter au maximum son utilisation par n’importe quel utilisateur concerné, l’outil sera constitué d’une interface ergonomique soutenue par une modélisation de la résilience compréhensible.»
La réalisation technique de l’outil est ainsi le fruit d'une collaboration permanente entre l’équipe d’ARIACTION et des membres de l’école d’ingénieurs EPF de Montpellier. Les spécifications techniques apportées à l’outil, dont la modélisation et les fonctionnalités, se définissent au cours de réunions et d’ateliers de coconstruction avec les différents ministères concernés.
Le souhait d’Isabelle Thomas est de créer une méthode d’analyse de la résilience des projets d’aménagement du territoire qui pourra être utilisée par toutes les municipalités québécoises dont une partie du territoire est située en zone inondable.
«Notre objectif est de collaborer à l’implantation d’une culture du risque basée sur la responsabilisation de tous les intervenants, allant du résidant à l’élu, sans oublier le gouvernement, conclut Isabelle Thomas. Et comme il n’y a pas eu d’inondation depuis 2019, le principal enjeu actuellement est le risque que les résidants et leurs élus oublient: ils doivent garder la mesure du danger et profiter de cette occasion offerte pour s’adapter et continuer à poser les bons gestes pour le futur.»