Mylène Drouin: la force tranquille de la santé publique montréalaise

La bataille de Montréal contre la COVID-19. Mylène Drouin, Direction régionale de la santé publique de Montréal.

La bataille de Montréal contre la COVID-19. Mylène Drouin, Direction régionale de la santé publique de Montréal.

Crédit : Martin Tremblay | LA PRESSE

En 5 secondes

Diplômée de la maîtrise en santé publique de l’UdeM, la Dre Mylène Drouin parle de ses parcours universitaire et professionnel, marqués par une grande curiosité et une détermination hors du commun.

Soit l’éducation, soit l’agronomie, soit la santé: alors cégépienne à Lévis, Mylène Drouin sait déjà qu’elle veut œuvrer à améliorer les politiques et les systèmes pour parfaire le développement de la société québécoise ou de la communauté internationale.

«Quand le moment est venu de faire mes demandes d’admission dans les universités, j’étais ouverte à étudier dans ces trois domaines, mais j’ai écarté l’éducation, même si c'est une pierre angulaire de toute civilisation, parce que je ne me sentais pas assez patiente pour enseigner!» lance-t-elle avec un large sourire.

La Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke est la première à accepter sa candidature. Elle s’y inscrit malgré l’insistance de sa mère qui souhaite la voir étudier à Québec.

«Je revenais d’un séjour de coopération en Bolivie et ma mère aurait voulu que je ne parte plus, mais c’était plus fort que moi: j’avais besoin de voir autre chose et d’explorer, souligne Mylène Drouin. J’ai choisi Sherbrooke parce que j’étais attirée par son programme de médecine qui, à l’époque, était le seul à offrir une approche d’apprentissage par résolution de problèmes.»

De Sherbrooke à Montréal en passant par l’Afrique

Ayant terminé sa formation médicale en 1996, la jeune femme est acceptée à la maîtrise en santé publique et médecine préventive de l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Mais avant d’entreprendre cette spécialité, elle part huit mois en Guinée-Bissau à titre d’agente de recherche pour un projet de vaccination infantile et de dépistage du VIH.

L’expérience est un choc pour elle. «L’arsenal thérapeutique et le plateau technique étaient déficients, et je me suis sentie démunie», confesse-t-elle. Une autre leçon l’attend: les familles devaient revenir trois mois après la vaccination afin que l’équipe de recherche mesure la réponse immunitaire des enfants au vaccin. Or, ce rappel est survenu en pleine mousson et personne ne s’est présenté au rendez-vous. «J’ai pris conscience de la pensée magique qu’on peut nourrir en voulant faire de la coopération internationale et du risque d’agir en colonisateur en imposant des règles qui ne collent pas à la réalité de la population.»

Deux mentors qui ont changé le cours de sa carrière

En décembre 1996, Mylène Drouin amorce sa maîtrise et rencontre celui qui deviendra l’un de ses premiers mentors, le Dr Raynald Pineault, décédé en mars 2021.

«Raynald Pineault a été un grand bâtisseur de la santé publique moderne et l’année où il m’a enseigné a été très marquante, se remémore-t-elle. C’est lui qui a constitué la base des outils de santé publique et de planification des services en intégrant les notions d’équité, de lutte contre les inégalités sociales et de réduction des barrières d’accès systémiques aux services de santé. J’ai aussi eu la chance de l’avoir plus tard comme collègue, lorsque je suis arrivée dans la pratique.»

Une autre figure majeure pour Mylène Drouin est le Dr Richard Lessard, qui a été directeur régional de santé publique à Montréal de 1992 à 2012 et qui a notamment orchestré les mesures pour contrer les épidémies du SRAS et de la grippe H1N1 dans la métropole.

«Le Dr Lessard est celui qui m’a donné ma chance en me nommant chef médicale à la Direction régionale de santé publique après mon arrivée, en 2008, assure-t-elle. C’est ce qui m’a permis de gagner en confiance pour gravir les échelons en tant que femme médecin.»

Un modèle pour les filles et pour la jeunesse

Forte de 20 années de pratique, la Dre Drouin devient en 2018 la première femme à occuper le poste de directrice régionale de santé publique pour la région de Montréal. Les témoignages et félicitations qu’elle reçoit de nombreuses femmes lui font prendre conscience qu’elle vient de briser un plafond de verre.

«Ce que je souhaite insuffler aux filles et aux jeunes, c’est la confiance afin de ne pas avoir peur d’expérimenter pour découvrir ce qui les allume, ce qui donnera un sens à leur vie et leur permettra de contribuer à l’avancement de la société», conclut Mylène Drouin.

Les leçons de la pandémie

Dire que les premiers mois de la pandémie ont été difficiles pour la Dre Mylène Drouin relève de l’euphémisme. Elle et ses équipes ont travaillé d’arrache-pied le jour, le soir et la fin de semaine pour répondre aux différents besoins auxquels la population faisait face, notamment les personnes les plus démunies.

En novembre, elle publiera d’ailleurs son rapport de directrice, intitulé Regard sur deux ans de pandémie. Elle y décortique la réponse orchestrée par la Direction régionale de santé publique de Montréal, en collaboration avec ses nombreux partenaires, afin d’en tirer des leçons pour la préparation aux prochaines crises sanitaires.

Et qu’a appris la Dre Drouin sur elle-même, elle qui a été une figure de proue rassurante pendant cette crise?

«J’ai surtout constaté que je possède une bonne capacité de résilience et que la meilleure façon de communiquer avec la population consiste à rester transparent, authentique et à expliquer la logique derrière les décisions en faisant confiance à l’intelligence des gens», indique-t-elle.