Promouvoir le bien-être des enfants immigrants

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Sarah Dufour et son équipe reçoivent 1,2 M$ pour évaluer le programme Espace Parents, destiné à promouvoir les compétences parentales chez les nouveaux arrivants.

Sarah Dufour

Sarah Dufour

Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal

Pour beaucoup de parents de jeunes enfants nouvellement arrivés au Canada, les défis à relever sont nombreux: louer un appartement, obtenir un emploi, apprendre une langue officielle, trouver une bonne école.

Mais qu'en est-il de leur vécu comme parents: ont-ils besoin d’accompagnement là aussi? Certainement, affirme Sarah Dufour, professeure de psychoéducation à l'Université de Montréal.

En 2016, elle a fondé avec des partenaires l’Initiative Espace Parents, qui vise la promotion des capacités parentales et la prévention des difficultés familiales chez les nouveaux arrivants.

Aujourd’hui, le gouvernement canadien annonce une subvention de 1,2 M$ sur quatre ans pour évaluer la mise en œuvre et les effets de ce programme offrant des séances de groupe à plus de 700 parents issus de huit organismes communautaires de la grande région de Montréal.

«Des acteurs d’horizons diversifiés, incluant les familles elles-mêmes, constataient la nécessité de mieux soutenir les parents nouvellement arrivés au Québec et l’Initiative Espace Parents se veut une réponse commune à ce constat», explique Sarah Dufour. 

«La recherche interventionnelle permettra de tirer des leçons de ce qui fonctionne bien dans cette approche, de l’améliorer, puis de l’étendre afin que les parents s’épanouissent dans leur rôle malgré les défis liés au contexte d’immigration», poursuit-elle.

Une vingtaine de projets, dont cinq au Québec

L’évaluation de l’Initiative Espace Parents figure parmi 21 projets au Canada, dont 5 au Québec, subventionnés depuis avril dernier par l’Agence de la santé publique du Canada via son programme Prévenir et contrer la violence familiale: la perspective du milieu de la santé.

«La violence familiale, la maltraitance des enfants et la violence sexiste ont des effets immédiats et à long terme sur la santé physique et mentale des survivants», soutient l’Agence dans son document d’information sur l’annonce de la subvention.

«Il y a aussi des conséquences durables pour les familles, les individus, les collectivités et la société dans son ensemble», ajoute l’Agence, qui s’engage à soutenir des programmes aidant les «personnes qui ont été ou sont victimes de violence familiale ou qui risquent de l’être».

Pour sa part, Sarah Dufour estime vouloir ne pas stigmatiser les nouveaux arrivants, qu’elle juge autant capables de soutenir leurs enfants que la population en général. Elle souhaite plutôt les accompagner dans leur démarche pour mieux comprendre et orienter leurs jeunes.

«La réalité, c’est que dès qu’on arrive, on comprend assez rapidement qu’on ne sera plus papa, plus maman de la même manière, souligne-t-elle. La nature même du rôle de parent change ainsi que les attentes de la société à notre égard, par exemple de la part de l’école.»

Plus que l’apprentissage

Ainsi, «certains parents perçoivent l’école comme un lieu strictement lié à l’apprentissage. Et ils peuvent être déstabilisés par la réalité, qui comporte beaucoup plus d’éléments», indique la professeure.

Au sein de l’Initiative Espace Parents, des mères et des pères seront appelés à discuter de thèmes comme l’autonomie de leurs enfants, leur désir de prendre la parole à la maison et en société ainsi que le défi de la biculturalité.

La question des stratégies pour discipliner positivement les enfants sera aussi soulevée.

«On amène les parents à adopter des stratégies disciplinaires efficaces, explique Sarah Dufour. Il ne s’agit pas de dire qu’ils sont de bons ou de mauvais parents, mais de faire en sorte qu’ils soient bien accompagnés.»

Chercheuse principale de l’Initiative Espace Parents, Sarah Dufour collabore avec deux chercheuses du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal: Chantal Lavergne, de l’Institut universitaire Jeunes en difficulté et professeure associée à l’École de travail social de l’UdeM; et Isabelle Laurin, du service Périnatalité et petite enfance de la Direction régionale de santé publique et professeure associée au Département de médecine sociale et préventive de l’UdeM.

Elles sont appuyées par une demi-douzaine d’étudiants et d’étudiantes en psychologie et en psychoéducation de l’UdeM et par leurs partenaires, l’organisme communautaire Accueil aux immigrants de l’est de Montréal et le Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal de la Ville de Montréal.

Un programme en deux volets

Le projet de recherche de l’équipe a pour objectif d’évaluer la mise en œuvre et les retombées de l’Initiative Espace Parents, qui comprend deux volets: 1) un programme de neuf séances qui permettent à un petit groupe de parents de s’informer, d’échanger et de réfléchir ensemble; et 2) deux courtes séances permettant à des parents d’échanger et de s’informer sommairement sur des sujets précis en lien avec leur rôle de parents au Québec.

Ce travail d’évaluation sera effectué auprès d’un échantillon de 310 parents, qui sera comparé avec un groupe témoin, immédiatement à la fin de l’intervention, puis six mois après. Il permettra de produire des données plus claires sur la capacité de l’Initiative Espace Parents à promouvoir le rôle parental des immigrants et à prévenir la violence envers les enfants. Une «version 2» du programme ainsi produite sera aussi traduite en anglais.

Ultimement, le but de l’évaluation est aussi de mobiliser les connaissances issues de la recherche dans l’optique d’implanter l’Initiative Espace Parents dans d’autres collectivités du Québec et de soutenir la pérennisation de cette intervention adaptée sur le plan culturel.

«Je veux que les parents et les enfants au Québec aillent bien», déclare Sarah Dufour, qui habite le quartier multiethnique de Rosemont à Montréal et qui a commencé sa carrière de chercheuse en étudiant la surreprésentation des enfants noirs dans les signalements faits au Directeur de la protection de la jeunesse.

«Déjà, être parent, c’est difficile, alors j’ai beaucoup d’empathie pour ceux qui arrivent ici et ne savent pas trop où chercher de l’appui. Je crois profondément qu’il faut les soutenir plus tôt que plus tard. C’est essentiel», conclut la professeure.

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