Médias sociaux, estime de soi et troubles alimentaires chez les adolescents
Une nouvelle étude menée par Patricia J. Conrod, professeure au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, montre qu’une augmentation de l’usage des médias sociaux est associée à une baisse de l’estime de soi et à un accroissement des symptômes liés aux troubles alimentaires chez les adolescents. Il s’agit d’une situation préoccupante, puisqu’elle survient durant une période cruciale du développement des jeunes et qu’elle perdure. L'étude a été publiée dans le journal Psychology & Health.
Au-delà de l’écran utilisé: les médias sociaux
On savait déjà que le temps passé devant un écran et une faible estime de soi contribuent à l’apparition des symptômes associés aux troubles alimentaires chez les enfants. Mais il n’existait pas d’étude qui tienne compte de l’utilisation des différents types d’écran (télévision, médias sociaux, jeux vidéos) et de ses conséquences dans le temps.
Cette étude de Patricia J. Conrod et de ses collègues confirme que ceux et celles rivés à leur écran sont les plus susceptibles d’avoir une faible estime d’eux-mêmes, et ce, dès la première année d’utilisation. Et cet effet est particulièrement marqué chez les utilisateurs de médias sociaux, dont la diminution de l’estime de soi perdure et mène à une augmentation significative des symptômes associés aux troubles alimentaires deux ans plus tard.
Une représentation biaisée de la société
Les médias sociaux semblent avoir une influence profonde sur l’opinion que les jeunes ont d’eux-mêmes. L’exposition prolongée et le partage d’images produites par les pairs faisant la promotion de standards de beauté et de minceur non réalistes font naître des préoccupations quant à l’image corporelle et au poids. En valorisant le partage d’images parfaites et surfaites au moyen d’une spirale de renforcement qui favorise les images considérées comme les plus populaires, les médias sociaux contribuent ainsi à créer une représentation biaisée de la société.
«Il est urgent que les plateformes de médias sociaux collaborent en toute transparence avec les scientifiques. Les propriétaires devront choisir entre leurs profits et la santé mentale de leurs utilisateurs afin de trouver rapidement des solutions pour limiter les répercussions physiques et psychologiques des réseaux sociaux sur les jeunes, insiste Patricia J. Conrod. Jusqu’à maintenant, les chercheurs n’ont eu aucun accès à la structure et au fonctionnement interne de ces plateformes. En attendant plus d’ouverture, nous devons conscientiser les jeunes à leurs effets insidieux.»
De plus en plus de jeunes choisissent d’ailleurs des plateformes qui préviennent le partage des photos et encouragent les utilisateurs à présenter des images plus réalistes et dans un environnement normal.
Au total, 3800 jeunes dans une trentaine d’écoles secondaires du grand Montréal ont été interrogés annuellement sur une période de cinq ans dans le cadre de cette étude.