Santé mentale et TikTok: une étude dévoile les dérives de l’information
- UdeMNouvelles
Le 2 juillet 2025
- Mylène Tremblay
Une équipe du Département de psychiatrie et d’addictologie de l’UdeM sonne l’alarme quant à la désinformation en santé mentale sur les réseaux sociaux et propose des solutions concrètes.
Témoignages, conseils, explications… On trouve de tout sur TikTok, même des affirmations non fondées qui peuvent semer la confusion ou nuire à des personnes vulnérables. Devenue une plateforme de référence pour parler de santé mentale, l’application relaie aussi, malheureusement, une pléthore d’informations erronées.
Une récente étude dirigée par le Dr Alexandre Hudon, professeur adjoint de clinique au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal, fait le point sur ce phénomène et trace des pistes d’action pour encadrer la création de contenu éducatif destiné au grand public.
Gare aux vidéos qui déforment la réalité
À partir d’un échantillon de 1000 vidéos publiées sur TikTok en anglais, en français ou en espagnol et provenant de plus de 16 pays, l’équipe de recherche a constaté que certains sujets sont particulièrement exposés à la désinformation: troubles du neurodéveloppement (autisme, trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité), troubles de la personnalité, troubles psychotiques, idées suicidaires et traitements en santé mentale.
Dans bien des cas, les vidéos reposent sur des opinions, sans sources fiables, ou cherchent à séduire, à provoquer ou à vendre plutôt qu’à informer. Résultat: la stigmatisation s’accentue, les fausses croyances se fraient un chemin chez les internautes et certaines personnes en détresse risquent de se détourner des soins dont elles auraient besoin.
«Lorsqu’un contenu se présente comme éducatif sans fournir de sources ni faire de nuances, il peut nuire plus qu’aider, surtout s’il touche à des sujets aussi délicats que la santé mentale», souligne le Dr Hudon, principal auteur de l’étude.
Ce que révèle l’analyse
Les vidéos les plus problématiques sont souvent destinées à un large public ou encore perçues comme ayant une intention de désinformer.
À l’inverse, les vidéos créées par des professionnelles et professionnels identifiés (psychiatres, thérapeutes, étudiantes et étudiants en santé mentale) traitant de sujets comme la dépendance ou les troubles de l’alimentation et celles qui suscitent beaucoup de J’aime comportent généralement moins de désinformation.
Quelques chiffres éloquents
- TikTok est aujourd’hui l’une des principales sources d’information en santé mentale chez les jeunes.
- 90 % des vidéos analysées s’adressaient à un large public.
- Moins de 21 % mentionnaient une source scientifique ou une référence.
- Dans 6 % des vidéos, la désinformation était manifeste et près de 16 % des vidéos véhiculaient de la mésinformation.
- Les contenus les plus fiables sont souvent créés par des professionnels identifiés… mais ils restent minoritaires.
Cinq conseils aux professionnels qui souhaitent bien faire
Pour contribuer à une meilleure éducation en santé mentale sur les réseaux sociaux, l’équipe de recherche formule cinq recommandations:
- Cibler son public: expliquer dès le départ à qui s’adresse la vidéo (parents, jeunes, personnes vivant avec un trouble du comportement, etc.).
- Citer ses sources: même dans un format court, mentionner des références fiables renforce la crédibilité du propos et permet aux internautes de vérifier l’information.
- Décliner ses titres: indiquer son rôle, sa formation et son lieu de pratique permet de mieux situer le propos.
- Préciser son intention: informer? témoigner? faire part d’une opinion? Mieux vaut le dire d’entrée de jeu.
- Ne pas trop simplifier: les sujets complexes, comme l’autisme ou les troubles de la personnalité, nécessitent nuances et précisions. Mieux vaut les aborder en plusieurs capsules que les survoler.
À propos de cette étude
L’article «Navigating the Maze of Social Media Disinformation on Psychiatric Illness and Charting Paths to Reliable Information for Mental Health Professionals», par Alexandre Hudon et ses collègues, a été publié dans le Journal of Medical Internet Research.