Désinformation et manipulation de l’information: une conférence le 15 février à l’UdeM

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L’incidence de la désinformation et de la manipulation de l’information sur la démocratie sera le sujet d’une conférence qui réunira différents spécialistes le 15 février à l’Université de Montréal.

Alexis De Lancer

Alexis De Lancer

Crédit : Radio-Canada

Comment en vient-on à croire que la Terre est plate, que le réchauffement climatique est une vue de l’esprit – surtout lorsqu’on sait qu’il a récemment fait -40 °C à Montréal selon l’indice de refroidissement éolien! –, que le déclin de la biodiversité est une fumisterie et que nos démocraties sont dirigées par des pantins au service d’un grand complot mondial?

Et surtout, comment les fausses nouvelles et la pseudoscience se propagent-elles et suscitent-elles l’adhésion d’une partie de la population au point d’ébranler les institutions dans différents pays?

C’est ce dont il sera question dans une conférence qui aura lieu le 15 février sur le campus de la montagne de l’Université de Montréal, sur le thème «Désinformation et manipulation de l’information: regards croisés sur un enjeu actuel de perturbation démocratique».

Organisée par la Faculté des arts et des sciences (FAS) de l’UdeM et animée par la journaliste Chantal Srivastava, de l’émission Les années lumière, l’activité réunira les professeurs Julien Riel-Salvatore, Julie Talbot et Samuel Tanner – tous trois de la FAS – ainsi qu’Alexis De Lancer, journaliste et animateur de l’émission Décrypteurs à Radio-Canada.

Quand la pseudoscience s’invite sur nos écrans

Julien-Riel-Salvatore

Julien Riel-Salvatore

Crédit : Amélie Philibert | Université de Montréal

L’idée d’organiser cette conférence est née d’une discussion entre les trois professeurs à la cérémonie Célébrer les arts et les sciences, tenue à la fin de l’automne: Julien Riel-Salvatore, aussi directeur du Département d’anthropologie, venait de signer une lettre d’opinion dans Le Devoir dénonçant la diffusion du film À l’aube de notre histoire sur Netflix.

Dans cette production aux allures de documentaire, le journaliste à sensation Graham Hancock prétend que toutes les créations des peuples anciens – dont les pyramides d’Égypte – ont vu le jour grâce aux connaissances d’une très ancienne civilisation qui aurait été décimée par une météorite il y a 12 000 ans.

«Le problème? Il n’y a strictement aucune preuve archéologique ou géologique pour soutenir ce scénario que Hancock n’invente pas lui-même, mais ressert plutôt à la sauce d’aujourd’hui en puisant dans un bassin d’idées désuètes aux relents racistes, dont certaines ont plus de 100 ans», peut-on lire dans cette lettre.

D’une part, ce type de pseudoscience mine la confiance du public et la pensée critique en renversant le fardeau de la preuve sur les scientifiques, à qui l’on intime de prouver que les assertions sont fausses. D’autre part, en laissant croire que les inventions du passé n’appartiennent pas aux peuples autochtones, l’hypothèse de Hancock relève du colonialisme, voire du racisme historique.

Climatoscepticisme et «scepticisme de l’extinction»

Julie Talbot

Julie Talbot

Crédit : Photo de coutoisie

Pour sa part, Julie Talbot, également directrice du Département de géographie, s’inquiète de la désinformation sur les changements climatiques et des commentateurs qui remettent en question le déclin de la biodiversité sur la planète sans se formaliser des faits vérifiés par de nombreuses études.

Le «scepticisme de l’extinction» est tout aussi inquiétant que le climatoscepticisme, car il s’enracine dans différentes plateformes en s’appuyant sur la science.

Par exemple, la revue Nature publiait en novembre 2020 une étude qui relativisait l’indice Planète vivante. Créé par des chercheurs en partenariat avec le Fonds mondial pour la nature, cet indice montrait que 68 % des populations de vertébrés ont disparu de la surface de la Terre en un demi-siècle – une proportion que les auteurs de l’étude jugeaient alarmiste.

«Le problème n’est pas tant la recherche qui est publiée et les débats qui en découlent que la façon dont elle est utilisée par les commentateurs et les politiciens qui défendent une ligne d’action conservatrice, déplore Julie Talbot. Ces personnes instrumentalisent la science pour défendre des opinions qui vont à l’encontre du consensus scientifique: il y a bel et bien une crise de la biodiversité.»

Une déviance qui intéresse le milieu de la criminologie

Samuel Tanner

Samuel Tanner

Crédit : Photo de courtoisie

L’omniprésence du numérique dans nos sociétés intéresse depuis quelque temps les chercheurs et chercheuses en criminologie sous les angles de la cybersécurité et de la cybercriminalité.

«Mais d’un point de vue philosophique, l’intérêt de se pencher sur la désinformation et la manipulation de l’information ne relève pas tant du crime que de la déviance», soulève Samuel Tanner, professeur et directeur de l'École de criminologie de l’UdeM.

Lui et sa collègue Aurélie Campana, de l’Université Laval, ont publié, en novembre dernier, une étude qui s’intéresse à la façon dont les membres de groupes d’extrême droite s’informent sur les réseaux sociaux et plus précisément sur Twitter.

«Il en ressort que ces groupes utilisent des plateformes numériques qui contribuent à produire du discours faux et inexact, et à le diffuser très largement en s’appuyant sur les interactions entre les personnes et la machine», explique Samuel Tanner.

Et la recherche doit se poursuivre en ce sens.

«Il se peut que nous soyons face à un risque de perturbation de la démocratie et la criminologie doit s’y intéresser en tant que sujet de recherche, conclut-t-il. Nous devons tenter de comprendre comment et pourquoi des personnes s’activent à semer le doute sur nos institutions en suscitant la colère dans la population.»

Aide-mémoire

  • Quoi? Conférence «Désinformation et manipulation de l’information: regards croisés sur un enjeu actuel de perturbation démocratique»
  • Quand? Le mercredi 15 février de 17 h à 18 h 30
  • Où? Amphithéâtre B-2285 du pavillon 3200, rue Jean-Brillant, à Montréal
  • Réservation obligatoire: inscription gratuite