Le cerveau, cet organe sexuel puissant
- UdeMNouvelles
Le 13 février 2023
- Béatrice St-Cyr-Leroux
Le cerveau est le grand marionnettiste des fonctions sexuelles. Mais qu’arrive-t-il lorsqu’il présente des lésions? C’est là qu’entre en scène la neurosexualité.
Orgasme, lubrification, érection, fantasme, désir: voilà autant de fonctions sexuelles qui sont commandées par le système nerveux central. Et la neurosexualité souhaite nous le rappeler.
Ce cadre conceptuel d’étude et de pratique émergent se concentre sur les relations entre le cerveau et la sexualité. Car lorsqu’on s’intéresse à la physiologie de la sexualité, force est de constater que l’organe sexuel le plus puissant ne se situe pas entre nos jambes… mais bien entre nos deux oreilles!
L’hypothalamus, à titre de centre de contrôle des hormones, commande le désir sexuel, la lubrification et l’érection. L’amygdale permet de ressentir certaines émotions comme le plaisir. Le cortex orbitofrontal participe au processus de prise de décision et donc à l’amorce de l’activité sexuelle. Le cervelet agit sur la modulation de la réponse motrice. Les lobes pariétaux sont liés à la conscience sensorielle du corps.
Pour Jhon Alexander Moreno, chercheur et professeur associé au Département de psychologie de l’Université de Montréal, la neurosexualité est un cadre global qui soutient l’inclusion de la réadaptation sexuelle dans la prise en charge des personnes atteintes de troubles neurologiques.
«Étant donné qu’il existe une corrélation entre différentes parties du cerveau et diverses dimensions de la réponse sexuelle, cela veut dire qu’une personne présentant des lésions cérébrales peut aussi vraisemblablement être aux prises avec des perturbations sexuelles», indique le neuropsychologue.
La santé sexuelle à risque
Les problèmes sexuels liés à des troubles neurologiques – comme la démence, l’épilepsie, l’accident vasculaire cérébral, la sclérose latérale amyotrophique, les lésions cérébrales causées par un traumatisme craniocérébral (TCC) – peuvent se décliner sous plusieurs formes: diminution du désir sexuel, difficulté à atteindre l’orgasme et à fantasmer, changement dans l’image corporelle, dysfonction érectile, dépression associée à une baisse de l’énergie sexuelle, apparition de comportements sexuels à risque.
«Généralement, un TCC peut s’accompagner de symptômes d’hyposexualité telle une perte de la libido. Dans certains cas plus exceptionnels, un TCC peut causer une exacerbation du désir sexuel et mener, par exemple, à l’hypersexualité, c’est-à-dire une compulsion, une impossibilité de maîtriser son comportement, un besoin incontrôlable d’aborder des étrangers dans un but érotique. Dans les deux cas, l’entourage de ces personnes rapporte ne plus reconnaître leur proche, comme si la personne d’avant n’existait plus», souligne Jhon Alexander Moreno.
En tant que nouveau domaine d’étude et de pratique, la neurosexualité invite ainsi les professionnelles et les professionnels de la santé à intégrer la sexualité à l’évaluation clinique de ces individus.
«La santé sexuelle fait partie de la santé générale, elle doit donc être comptée parmi toutes les autres dimensions de la réadaptation, comme la mobilité, la participation sociale, la cognition et les émotions, affirme le chercheur. Ces aspects sont touchés par les troubles neurologiques, mais jouent aussi un rôle dans la sexualité. Et les résultats de mes recherches ont montré qu’il n’est pas automatique d’associer les lésions cérébrales à la sexualité, ce pour quoi le concept de neurosexualité existe et gagnerait à être plus connu.»
Informer et normaliser
Pour Jhon Alexander Moreno, il est nécessaire d’évaluer la sexualité par une démarche et un examen clinique qui la normalisent. Selon lui, les personnes ayant subi une lésion cérébrale se posent des questions au sujet de leur sexualité et demandent une approche plus proactive de la part des intervenants.
«En premier lieu, le personnel de la santé doit être au courant de ces conséquences potentielles, dit-il. Ensuite, il faut en informer les personnes cérébrolésées et leurs partenaires, en plus de leur faire sentir qu’ils sont au bon endroit pour en discuter. Il est important d’avoir une approche positive et respectueuse à l’égard de la sexualité et de déstigmatiser les problèmes sexuels.»
Une fois les questions posées et les problèmes ciblés, la prise en charge devient alors multimodale, précise le chercheur. Elle peut être pharmacologique, motrice et hormonale, mais aussi relationnelle, comportementale et communicationnelle.
«Le caractère multidisciplinaire de la neurosexualité est essentiel pour saisir les complexités du comportement sexuel et pour aider les personnes sous nos soins à vivre des expériences sexuelles et relationnelles qui soient des sources de plaisir et d’épanouissement», résume Jhon Alexander Moreno.