Comprendre la psychologie de ceux et celles qui ont des fantasmes zoophiles

Cette étude met en lumière une forte proportion de fantasmes zoophiles dans l’échantillon étudié et souligne des liens avec d’autres attitudes problématiques et des traits de psychopathie.

Cette étude met en lumière une forte proportion de fantasmes zoophiles dans l’échantillon étudié et souligne des liens avec d’autres attitudes problématiques et des traits de psychopathie.

Crédit : Getty

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Une étude montre que les fantasmes zoophiles seraient associés à une attitude plus permissive vis-à-vis des violences sexuelles et à certains traits de psychopathie.

Il existe peu de recherches sur les personnes qui ont des fantasmes zoophiles. C’est pour pallier ce manque qu’une étude a été menée à ce sujet auprès de plus de 300 personnes par Alexandra Zidenberg, professeure en criminologie à l’Université de Montréal, ainsi que Saad Iqbal et Michelle Schwier, tous deux diplômés en psychologie respectivement de la Pacific University et de la Western University.  

Cette étude met en lumière une forte proportion de fantasmes zoophiles dans l’échantillon étudié et souligne des liens avec d’autres attitudes problématiques, notamment une plus grande acceptation des violences sexuelles, dont le viol à plusieurs agresseurs, et des traits de psychopathie. Ces résultats appellent à la prudence et à la poursuite de recherches pour mieux cerner les questions cliniques et sociales associées à ces fantasmes.

Étudier l’imaginaire sexuel

Alexandra Zidenberg

Alexandra Zidenberg

Crédit : Amélie Philibert, Université de Montréal

Cette étude fait partie d’un projet de recherche plus vaste sur les violences sexuelles dont les participantes et participants ont été recrutés au King’s University College et sur les réseaux sociaux. L’équipe de recherche a constitué un échantillon de 307 personnes âgées en moyenne de 28 ans et résidant au Canada et aux États-Unis. 

Parmi les nombreuses dimensions explorées figuraient les fantasmes sexuels, mesurés à l’aide de tests psychométriques. Une seule question portait sur la fréquence des fantasmes zoophiles, avec des choix allant de «jamais» à «régulièrement». L’équipe a ensuite regroupé les réponses selon que les gens n’en avaient jamais eu ou en avaient eu au moins une fois. 

Ils ont été 46 % à indiquer avoir déjà eu, au moins une fois dans leur vie, un fantasme mettant en scène un animal. Un chiffre particulièrement élevé, en apparente contradiction avec les résultats d’études antérieures, qui situaient ce taux entre 2 et 8 % de la population. Comment expliquer un tel écart? La chercheuse avance plusieurs pistes. D’une part, la formulation des questions varie beaucoup d’une étude à l’autre. Un fantasme fugace, survenu une fois dans une vie, peut être suffisant pour faire basculer une réponse vers l’affirmative. D’autre part, il est possible que les gens qui choisissent de prendre part à une étude sur la sexualité soient, par définition, plus ouverts ou plus à l’aise avec des imaginaires sexuels non conformistes. «En ce sens, l’échantillon est dit de “convenance”: il n’est pas représentatif de la population générale, ce qui invite à la prudence dans les interprétations», explique Alexandra Zidenberg.  

Une étude sur les fantasmes, pas sur les actes

Dès les premières lignes, l’étude précise qu’il est ici question de pensées, non de comportements. Aucune question n’a été posée sur des actes sexuels avec des animaux. L’objectif n’était donc pas de mettre au jour des pratiques, mais de comprendre à quels autres traits ou attitudes psychologiques peuvent être associés ces fantasmes. 

Pour ce faire, l’équipe de recherche a utilisé plusieurs tests psychométriques afin de mesurer la psychopathie par autoévaluation, la solitude et l’attirance pour les scénarios de viols commis par plusieurs agresseurs. Un autre test a été proposé pour savoir si les participantes et participants adhéraient à différents mythes sur le viol. Ils devaient se prononcer sur des affirmations telles que «Lorsque les femmes sortent habillées de façon sexy, elles sollicitent des avances sexuelles de la part des hommes» ou «Si une femme rentre chez elle avec un homme après une fête, c'est de sa faute si elle a des relations sexuelles sans le vouloir». 

Un profil psychologique particulier?

Les personnes ayant admis avoir des fantasmes zoophiles avaient tendance à obtenir des scores plus élevés que les autres sur l’échelle de la psychopathie et sur celle de l’adhésion aux mythes sur le viol. Une corrélation, certes, mais qui ne permet pas de conclure à une relation de cause à effet. «Ce qu’on observe, c’est que certaines pensées vont ensemble. Cela ne veut pas dire que l’une mène à l’autre. Les résultats montrent plutôt que les fantasmes zoophiles pourraient faire partie d'un ensemble plus large de préférences sexuelles atypiques qui coexistent avec certaines caractéristiques psychologiques, comme la psychopathie», déclare Alexandra Zidenberg. 

Les outils utilisés n'ont pas permis de mesurer la gravité des traits psychopathiques ni de poser de diagnostic. Il s'agissait d'autoévaluations – utiles pour repérer des tendances générales, mais insuffisantes pour tirer des conclusions définitives sur le plan clinique. 

Autre surprise: contrairement à d’autres paraphilies comme la pédophilie ou le voyeurisme, souvent associées à une grande solitude, les participantes et les participants ayant des fantasmes zoophiles ne rapportaient pas de sentiment d’isolement accru. Au contraire, ils apparaissaient légèrement moins seuls que les autres. Une donnée intrigante, que l’étude ne permet pas d’expliquer. 

Un appel à la nuance, pas à la stigmatisation

Si les données troublent, l’intention de l’équipe de recherche n’est pas de jeter l’opprobre sur ces personnes. Alexandra Zidenberg insiste: «Ce n’est pas parce qu’on a eu une fois un fantasme zoophile qu’on est dangereux, qu’on va passer à l’acte ou qu’on est psychopathe. Les résultats montrent des associations, pas des causes.» 

Le mot d’ordre selon la chercheuse: «Éviter la stigmatisation et les étiquettes négatives pour ceux et celles qui ont des attractions sexuelles atypiques.» Car plus un sujet est tabou, plus il devient difficile pour les gens concernés d’en parler et de chercher de l’aide.  

À propos de cette étude

L’article «Understanding Attitudes and Psychological Characteristics of Zoophilic Fantasy Endorsers», par Alexandra Zidenberg, Saad Iqbal et Michelle Schwier, a été publié dans la revue Anthrozoös.

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