Changements climatiques: propagation des maladies vers le sud plutôt que vers le nord?

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Une équipe de recherche pancanadienne émet l’hypothèse que le réchauffement climatique pourrait mener à la propagation de maladies infectieuses dans la direction opposée aux espèces hôtes.

Les observations et les modèles mathématiques montrent généralement que le réchauffement climatique conduit à la propagation des maladies animales vers le nord, les espèces hôtes ayant tendance à étendre leur territoire là où le climat leur est favorable.

Une équipe de recherche dont fait partie Patrick Leighton, professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, a cependant envisagé une possibilité contre-intuitive: que le réchauffement planétaire faciliterait la propagation des maladies dans la direction opposée à celle du déplacement des espèces hôtes.

La rencontre «inédite» de deux espèces

Patrick Leighton

Patrick Leighton, professeur à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal

Crédit : Leighton Lab

Pour explorer cette théorie, l’équipe a considéré deux espèces sensibles à une même maladie, mais traditionnellement isolées dans l’espace en raison d’habitats thermiques différents; avant le réchauffement climatique, uniquement l’espèce habitant au nord était porteuse de la maladie.

Si cette simulation n’est pas liée à une maladie en particulier, elle s’inspire toutefois de la situation des renards arctiques et des renards roux. Au Québec, le premier groupe habite les terres circumpolaires de l’Arctique; il ne dépasse pas la baie James. Un variant arctique du virus de la rage est endémique chez cette espèce, c’est-à-dire qu’il y sévit en permanence à différents degrés selon les années.

De leur côté, les renards roux peuplent l’ensemble du Québec, mais sont de plus en plus présents dans le nord en raison du réchauffement de la planète et d’autres changements associés aux humains qui favorisent leur survie dans l’écosystème arctique. Ainsi, la population de renards roux se met à chevaucher celle des renards arctiques, avec qui ils sont en compétition pour se nourrir et s’abriter.

Et les scientifiques craignent que les renards roux soient infectés par la rage des renards arctiques et qu’ils propagent cette maladie au sud, où leur habitat s’étend.

«Notre modèle mathématique considère que, lorsque deux espèces capables de transmettre une maladie se rencontrent parce que l’une d’elles migre vers le nord lorsque le climat se réchauffe, il se crée un pont permettant la descente de la maladie vers le sud en raison de ce croisement des espèces», explique Patrick Leighton.

Une question de santé publique et de santé animale

Selon le chercheur, comme le modèle est général, les résultats peuvent s’appliquer à toutes sortes de maladies, qu’elles soient virales ou bactériennes, zoonotiques ou non, tant que les conditions nécessaires à leur transmission existent également dans le sud.

À ses yeux, il s’agirait d’une première étape importante dans la sensibilisation au risque de propagation des maladies du nord en raison des changements climatiques. En comprenant mieux comment les maladies se propagent, on peut mettre en place des mesures préventives, estime Patrick Leighton: surveillance gouvernementale et citoyenne, conscientisation des populations potentiellement touchées et vaccination des espèces hôtes.

Dans le cas du variant arctique de la rage, le chercheur rappelle que, si la maladie devait descendre vers le sud, beaucoup plus peuplé que le nord, les interventions nécessaires pour protéger la santé animale et la santé humaine deviendraient excessivement coûteuses. Patrick Leighton prône ainsi l’approche préventive pour protéger la population humaine et les populations animales tant domestiques que sauvages.