Astronomie: cartographie de l'atmosphère d'une Jupiter ultrachaude

WASP-18 b, qu'on voit dans une illustration artistique, est une exoplanète géante gazeuse 10 fois plus massive que Jupiter et qui fait le tour de son étoile en seulement 23 heures.

WASP-18 b, qu'on voit dans une illustration artistique, est une exoplanète géante gazeuse 10 fois plus massive que Jupiter et qui fait le tour de son étoile en seulement 23 heures.

Crédit : NASA/JPL-Caltech/K. Miller/IPAC

En 5 secondes

À l’aide de l'instrument canadien NIRISS du télescope spatial «James-Webb», le doctorant en astrophysique Louis-Philippe Coulombe a cartographié l’atmosphère de l’intrigante exoplanète WASP-18 b.

L’exoplanète WASP-18 b, située à 400 années-lumière de la Terre, est si fascinante que les astronomes l'étudient depuis sa découverte, en 2009. Aucune planète ne lui ressemble dans le système solaire. L’orbite qu’elle décrit autour de son étoile, légèrement plus grande que le Soleil, ne dure que 23 heures. Une équipe internationale d'astronomes, dirigée par le doctorant Louis-Philippe Coulombe, a détecté de la vapeur d'eau dans son atmosphère et établi une carte de ses températures lorsqu'elle disparaît derrière son étoile, puis réapparaît.

Cet évènement est connu sous le nom d'éclipse secondaire. Les scientifiques peuvent observer la lumière combinée de l'étoile et de la planète, puis affiner leurs mesures à partir de la lumière de l'étoile seule lorsque la planète se déplace derrière elle.

Le même côté, dit côté jour, de WASP-18 b fait toujours face à son étoile, tout comme le même côté de la Lune fait toujours face à la Terre. C'est ce qu'on appelle la rotation synchrone ou verrouillage gravitationnel. La carte des températures ou carte de luminosité de l'exoplanète montre un énorme changement de température – jusqu’à 1000 °C – entre le point le plus chaud face à l'étoile et le terminateur, où les côtés jour et nuit de la planète verrouillée se rencontrent dans un crépuscule permanent.

«Le télescope spatial James-Webb possède la sensibilité nécessaire pour nous permettre d'établir des cartes plus détaillées que jamais des planètes géantes chaudes comme WASP-18 b. C'est la première fois qu'une planète est cartographiée avec James-Webb et il est vraiment passionnant de voir que certaines des prédictions de nos modèles, telles qu'une forte baisse de température à partir du point de la planète faisant directement face à l'étoile, sont réellement visibles dans les données», a déclaré Megan Mansfield, Sagan Fellow à l'Université de l'Arizona et coauteure de l'article décrivant ces résultats. 

L'équipe a cartographié les gradients de température sur la face diurne de la planète. Étant donné que la planète est beaucoup plus froide au terminateur, il est probable que quelque chose empêche les vents de redistribuer efficacement la chaleur vers la face nocturne. Mais ce qui agit sur les vents reste un mystère.

  • Cette infographie explique comment les astronomes utilisent les transits et les éclipses d’une exoplanète pour en apprendre plus sur ces mondes lointains.

    Crédit : NASA/JPL-Caltech/R. Hurt

«La carte de luminosité de WASP-18 b indique une absence de vents est-ouest qui correspondrait le mieux aux modèles avec traînée atmosphérique. Une explication possible est que cette planète possède un champ magnétique puissant, ce qui serait une découverte excitante», a dit le coauteur Ryan Challener, de l'Université du Michigan.

L'une des interprétations de la carte des éclipses est que les effets magnétiques forcent les vents à souffler de l'équateur de la planète vers le haut, au-dessus du pôle Nord, et vers le bas, au-dessus du pôle Sud, au lieu de souffler d'est en ouest, comme on s'y attendrait autrement.

Les chercheurs ont enregistré les changements de température à différentes altitudes des couches de l'atmosphère de la planète géante gazeuse. Ils ont constaté que les températures augmentaient avec l'altitude, variant de plusieurs centaines de degrés.

Signes de vapeur d'eau

Le spectre de l'atmosphère de la planète montre clairement de multiples traces de vapeur d’eau, petites mais mesurées avec précision et présentes malgré la température extrême de près de 2700 °C. La chaleur est telle qu'elle détruirait la plupart des molécules d'eau. La présence de cette eau témoigne donc de l'extraordinaire aptitude du télescope James-Webb à détecter ce qu’il reste d'eau. Les quantités enregistrées dans l'atmosphère de WASP-18 b indiquent que de la vapeur d'eau est présente à différentes altitudes.

  • L'équipe a obtenu le spectre d'émission thermique de WASP-18 b en mesurant la quantité de lumière qu'elle émet dans les longueurs d'onde de l’instrument NIRISS du télescope «James-Webb» en mode SOSS allant de 0,85 à 2,8 microns, capturant 65 % de l'énergie totale émise par la planète. Cette planète verrouillée par la marée est si chaude du côté jour que les molécules d'eau seraient vaporisées. «James-Webb» a observé directement de la vapeur d'eau sur la planète, même en quantités relativement faibles, ce qui témoigne de la très grande sensibilité de l'observatoire.

    Crédit : NASA/JPL-Caltech/K. Miller/IPAC

«C'était une sensation formidable de regarder pour la première fois le spectre de WASP-18 b établi par James-Webb et de voir la signature subtile mais précisément mesurée de l'eau», a mentionné Louis-Philippe Coulombe, doctorant à l'Université de Montréal, membre de l'Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) et auteur principal de l'article sur WASP-18 b.

«Grâce à ce type de mesures, nous pourrons détecter de telles molécules pour un large éventail de planètes dans les années à venir!» a ajouté le professeur d’astrophysique de l’UdeM Björn Benneke, qui dirige les collaborations mondiales pour étudier WASP-18 b depuis 2016 et qui a supervisé Louis-Philippe Coulombe dans le cadre de cette étude.

Le travail de l'instrument NIRISS et de jeunes scientifiques

L'équipe d'astronomes a observé WASP-18 b pendant environ six heures à l'aide d'un des instruments du télescope spatial James-Webb, l'imageur et le spectrographe sans fente dans le proche infrarouge (NIRISS), à la conception duquel ont contribué l'Agence spatiale canadienne et plusieurs partenaires, dont l'Université de Montréal et l'iREx.

«Les caractéristiques de l'eau dans ce spectre étant très subtiles, il était difficile de les repérer dans les observations précédentes. C'est pourquoi il est très excitant de voir enfin des caractéristiques de l'eau avec ces observations du James-Webb», a dit Anjali Piette, chercheuse postdoctorale au Carnegie Institution for Science et coauteure de la nouvelle étude.

Les données sur WASP-18 b ont été recueillies dans le cadre du programme scientifique Transiting Exoplanet Community Early Release, dirigé par Natalie Batalha, astronome à l'Université de Californie à Santa Cruz, qui a aidé à coordonner la nouvelle étude et le travail de plus de 100 chercheurs de l'équipe. Une grande partie de ces travaux novateurs sont réalisés par des scientifiques en début de carrière comme Louis-Philippe Coulombe, Ryan Challener, Anjali Piette et Megan Mansfield.

La proximité de WASP-18 b, par rapport à la fois de son étoile et de la Terre, a contribué à faire d’elle une cible aussi intrigante pour ces scientifiques, tout comme sa grande masse. Elle est l'une des planètes les plus massives dont il est possible d’étudier l'atmosphère. Les astronomes s'efforcent de comprendre comment de tels astres se forment et se retrouvent là où ils sont dans leurs systèmes. Là aussi, James-Webb apporte des pistes de réponse.

«En analysant le spectre de WASP-18 b, nous en apprenons non seulement sur les différentes molécules présentes dans son atmosphère, mais aussi sur la façon dont cette exoplanète s'est formée. Nos observations montrent que la composition de WASP-18 b est très analogue à celle de son étoile, ce qui signifie qu'elle s'est probablement formée à partir des restes de gaz présents juste après la naissance de l'étoile, a expliqué Louis-Philippe Coulombe. Ces résultats sont très utiles pour obtenir une image claire de la façon dont des planètes étranges comme WASP-18 b, qui n'ont pas d'équivalent dans notre système solaire, sont apparues.»

À propos de cette étude

L'article «A broadband thermal emission spectrum of the ultra-hot Jupiter WASP-18b», par la JWST Transiting Exoplanet Community Early Release Science Team, a été publié dans la revue Nature le 31 mai 2023.

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